Un Choeur d'enfants maudits
(A choir of ill children)

Tom Piccirilli est un inconnu de ce coté de l'atlantique, et Un chœur d'enfants maudits est pour le moment le seul de ces livres qui nous soit parvenu. Et bien à sa lecture on ne peut que se rendre compte de ce qu'on perd, tant Piccirilli fait preuve d'un talent tout particulier pour créer une ambiance inédite !
Son livre est difficilement résumable. En gros il nous conte l'histoire de la petite ville de Kingdom Come, perdue quelque part dans le sud profond des Etats Unis. Une petite ville dont Thomas semble le seul habitant à peu près normal. Il vit avec ses trois frères siamois reliés par le crâne dans un grand manoir qui domine la ville. Ses frères on trois bouches et trois paires d'yeux, mais un seul énorme cerveau, qui exprime une personnalité différente dans chacun d'eux. Leur mère a disparu depuis longtemps, leur père, unique entrepreneur de la ville, s'est suicidé, et leur grand-mère a été retrouvée assassinée, épinglée sur un mur par une faucille.
Kingdom Come c'est une ville où les sorcières existent encore, une ville où les violeurs d'enfants enterrent leurs secrets dans le bayou, une ville où on trouve mystérieusement une gamine arborant jupette et couettes, abandonnée sur un autel sacrificiel dans la forêt, une ville où les morts continuent de rendre visite aux vivants...

En somme, plus que de nous conter une histoire, même si le livre suit un semblant d'enquête, Piccirilli nous fait visiter sa ville, nous fait le portrait de ses habitants, nous dévoile certains de ses secrets et nous laisse imaginer les secrets qu'il ne dévoile pas. Car Un chœur d'enfant maudit c'est ça : beaucoup de secrets et de mystères, dont la plus part resteront obscurs à la fin, excitant fabuleusement l'imagination des lecteurs. Mais attention, dans ce livre il n'y a jamais de mystères de pacotilles et de procédé facile ! Non, car malgré toute la grandiloquence qu'a ma description de la ville, le livre reste ancré dans un contexte très réaliste. Terriblement réaliste. Toutes les relations entre les personnages et l'organisation de la ville sont décrites avec un stupéfiant sens de la logique et de la narration. L'écriture de Piccirilli est très accrocheuse et l'univers qu'il décrit nous capture tout entier pour ne plus jamais nous quitter. En effet l'ambiance du livre est d'une telle force qu'elle ne disparaît de notre esprit que très progressivement et bien après avoir refermé le livre.
Car finalement ce qui fait le génie de cette oeuvre c'est ça : cette atmosphère incroyable, huileuse et douceâtre, que l'auteur développe avec un talent indéniable dans son livre. L'enquête suivie par Thomas n'est qu'un prétexte pour créer cette ambiance, et l'auteur n'hésitera pas à recourir à des digressions toujours captivantes ou à des passages oniriques du plus bel effet. L'histoire est clairement sacrifiée au profit de l'ambiance, mais la qualité de la narration et la construction habile des différents mystères permet au bouquin de ne jamais être ennuyeux, ni même contemplatif, car on est brutalement plongé dans le livre et dans son atmosphère dès la première page.
Et l'auteur nous fait preuve de son inventivité et de l'efficacité de sa plume en nous entraînant sans difficulté dans son monde morbide, poisseux, cruel et décadent. Dans son monde de boue, de papier peint sépia et de sang séché. Un monde macabre, mais jamais gratuitement. Piccirilli évite avec une sorte de grâce de tomber dans les excès gores trop faciles et si son roman est indéniablement malsain, il n'est pas exempt de poésie avec ses freaks touchants, ses scènes de sexe jamais graveleuses et ses passages oniriques d'une douce perversité...
Un chœur d'enfant maudit est un roman atypique, où l'atmosphère d'une force peu commune est transcendée par la plume de son talentueux auteur ! Alors messieurs les éditeurs, il serait temps de penser à faire traduire d'autres romans de Tom Piccirilli !

Note : 9/10
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Maniak



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