La Tisseuse - Contes de fées, Contes de failles

14 nouvelles, 14 relectures de notre mythologie et de nos anciennes légendes au rythme des saisons et des éléments. 14 textes menés de main de maître par la Tisseuse Léa Silhol, mais aussi par les 3 Parques et le Destin au rythme des Etreintes d'Eté, des Lumières d'Automne, des Morsures d'Hiver et des Frissons de Printemps auxquelles vient s'ajouter, dans un dernier élan, l'Eternité.
Des réécritures et une écriture qui donnent pleinement la parole aux femmes qu'elles soient Parques, Gorgones, Dryades, Banshee, Yuki Onna ou bien humaines. Mortelles ou immortelles, des créatures tout droit sorties de nos lectures et de nos rêves, mais aussi de nos cauchemars. Car belles mais aussi parfois excessivement cruelles, les héroïnes silholiennes savent se montrer amoureuses et clémentes mais aussi vengeresses et impitoyables.
Elles connaissent le prix de l'amour et de la passion mais savent aussi réclamer leur dû en une vengeance implacable envers quiconque, homme ou femme, Dieu ou mortel, a voulu déjouer leur puissance ou échapper à la trame étroite du Destin. Car le destin est en effet l'une des figures majeures de ce recueil : représenté par le triple visage des Parques, les trois soeurs qui déroulent, tissent et coupent le fil de l'écheveau de la vie des hommes ou bien par Moera la déesse qui aurait donné vie aux trois Parques, le destin guide les personnages, les blesse ou les questionne sur leur présence au monde.
Mais partout dans le recueil, c'est aussi le thème de la faille qui est omniprésent : faille des hommes mais aussi des dieux, tout être doit ici composer avec la gamme des sentiments humains, du plus doux au plus déchirant. Dieux anthropomorphes, ils appliquent de manière égale le sort et la fortune qui doivent être et partagent beauté absolue et cruauté insoutenable en laissant à leurs enfants et aux mortels le plus lourd des fardeaux : le choix.
Vaste questionnement sur la vacuité des actes, sur la force des sentiments et sur le pouvoir de la féerie, la Tisseuse fait ainsi la part belle au pouvoir des femmes, détentrices aux yeux de l'auteure d’un imaginaire collectif hérité des contes merveilleux, de ces "contes de bonnes femmes" dont découlent la majeure partie de notre imaginaire, de nos croyances et de nos peurs ancestrales.

Précédemment publiés en 2000 aux éditions Nestiveqnen sous le nom de Contes de la Tisseuse, les Contes de fées, Contes de failles ont très logiquement fait l'objet d'une seconde publication en 2004 aux éditions de l'Oxymore et ont ainsi rejoint le fief poétique de leur auteure (pour plus de détails sur ce point, vous pouvez vous référer à ma précédente chronique de la Sève et le Givre de Léa Silhol qui met l'accent sur le lien entre l'auteure et les éditions de l'Oxymore).
Cette nouvelle édition est donc rehaussée d'un nouveau visuel (je ne peux d'ailleurs que signaler la beauté des illustrations intérieures signées par Dorian Machecourt et la superbe illustration de couverture de Jean-Sébastien Rossbach qui concourent tout particulièrement à créer l'atmosphère envoûtante et onirique de ce recueil) et les nouvelles ont été réagencées, certaines ajoutées et d'autres supprimées afin de créer une nouvelle unité interne beaucoup plus cohérente à la Tisseuse.
Les textes, splendides dans leur unité, sont désormais confiés aux rythmes incessants de la nature et des saisons, mais aussi et surtout au rythme de l'eau, matrice essentielle qui ne peut que nous rapprocher du mythe de la femme éternelle, la Gayâ, Terre et Mère nourricière éternelle et mythique si chère à Léa Silhol.
D'ailleurs, la longue novella qui clôt le recueil sur une note d'Eternité, Le Vent dans L'Ouvroir, vient désormais remplacer le Temps et la symbolique n'est pas fortuite puisque écrite pour cette édition, elle met en scène une sorte de passation de pouvoir éternelle entre une représentation à visage humain du destin face à ses choix et à sa nature et les trois Parques.
Entre mythologie, fantasy et parfois même fantasy urbaine, ce recueil est un véritable petit bijou. La beauté des textes se répand en nous comme une véritable plongée au cœur de nos légendes et des tourments humains, et l'écriture se fait palpable, onirique, pleine d'emphase et de sentiments contenus, à l'image de ces héroïnes tourmentées tout en clair-obscur, en failles et en forces. Des contes à l'image de la nature et des puissances païennes qui nous délivrent et nous assaillent.
Difficile de résumer ces nouvelles qui nous parlent de vengeances et d’amour, d'art et de poésie, de vie et de mort, en bref de ce qui nous fait vivre et vibrer chaque jour depuis la nuit des temps. Et Léa Silhol nous en parle avec un véritable talent. La Tisseuse nous emporte loin, très loin, dans des mondes ancestraux et mythiques dans lequel la beauté n'est pas un absolu et où la cruauté est le prix naturel de la passion. Alors laissez-vous emporter au rythme des saisons de ce recueil, laissez-vous guider au fil de l'eau de nouvelle en nouvelle et arpentez les contrées de votre imaginaire en vous accrochant, tel un fil d'Ariane, au fil tenu de la Tisseuse, ce fil d'or qui sait donner la vie mais aussi la reprendre...

Note : 9/10
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Chaperon Rouge



A propos de ce livre :

- Illustration de couverture par Jean-Sébastien Rossbach.

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