Shock Rock
Il doit exister une littérature rock, comme il existe une musique rock. Il suffit de lire les plus grands critiques de musique pour se rendre compte combien, parfois, leur plume est habile et exercée au dur métier d'écrivain. Je pense, entres autres, à Lester Bang qui pour moi obtient la palme d'or du plus déjanté des écrivains américains, avec Burroughs bien sûr.
Ecrire sur le rock et la musique n'est pas une chose facile. Mais qu'en est-il de ces écrivains, fondus de heavy, de punk, de rockabillie ou bien je ne sais encore de quelle musique du diable ?
On sait que Moorcock a collaboré à de nombreux groupes de rock et qu'il est un joueur de guitare émérite. On sait aussi que Stephen King est accro à la country, qu'il joue dans un groupe et qu'il anime une célèbre émission de radio dans le Maine consacrée à ce genre. Ou bien encore que Neil Gaiman entretient des liens très amicaux avec Tori Amos, que Burroughs à prêté sa voix et ses textes à de nombreux groupes (Ministry par exemple). Nous avons encore tous en tête les créatures "gothiques" de Poppy Z.Brite, ou, plus proches de nous de Sire Cédric qui, de plus, est chanteur dans un groupe de Black-Metal.
Je pourrais allonger la liste jusqu'à remplir plusieurs pages ainsi. La musique, et le rock plus particulièrement, entretient des rapports privilégiés avec ces genres littéraires que sont le fantastique, l'horreur, la SF etc...
Voici donc une anthologie regroupant dix huit nouvelles qui ont toutes comme point commun le rock. S'il te plait écrit moi une histoire sur le rock, tel pourrait être l'adage. Mais si mon introduction est si longue, c'est peut être qu'il n'y a pas grand-chose de plus à ajouter à cette anthologie plutôt décevante comparée aux textes des auteurs cités plus haut.
Pourtant tout commençait pour le mieux... Un générique d'enfer où pêle-mêle se mélangeaient des noms à faire frémir tout amoureux de musique et de littérature. Imaginez un peu sur la même affiche, Masterton se trouvant réuni avec Hendrix et les Who, Nancy Collins discourant avec les solos époustouflants de Led Zeppellin ou bien les nappes de synthés planantes de Tangerine Dream ou Pink Floyd.
J'avais déjà préparé mon juke box personnel, rempli jusqu'à ras bord mon baladeur, et je me préparait à lire d'une traite cette anthologie qui devait réunir les deux plus grandes passions de ma vie que sont la musique et la littérature. Mais l'effet escompté est bien vite retombé.
Dès la préface ça commence mal... Le pauvre Alice Cooper, rappelez-vous le type qui arrivait tout peinturluré sur scène et qui s'amusait à terroriser nos parents avec ses gimmicks toutes pompées à Mick Jagger, s'est planté d'endroit et fait tâche dans le décor. Avec tout le respect que je dois au monsieur il s'agit ici de littérature, pas d'une interview donnée à MTV. On est ravi d'apprendre qu'il s'est beaucoup inspiré du cinéma pour écrire ses chansons et qu'il adore Freddy Krueger mais on ne comprend pas très bien ce qu'il veut nous dire ici. Remarquez, quand le monsieur chante c'est un peu pareil ! J'ai donc zappé la première chanson, pour passer directement à la seconde là où tout doit commencer. Let's Rock !
Et bien non... La plupart des nouvelles ne répondent qu'à un seul et même phantasme : celui de ressusciter les vielles gloires passées du rock sur des intrigues bien trop souvent limites. Dès la première nouvelle on a du mal à accrocher. Paul Wilson ne nous raconte rien d'autre que quelques uns de ces jours passés avec Dylan. Ennuyeux ! Même Masterton cède à la tentation de faire réapparaître Hendrix à notre époque. Bien sûr le talent de ce grand auteur n'est plus à prouver et sa nouvelle sort quand même un peu du lot surtout grâce à son atmosphère vaudou et ses relents de magie noire. Mais Masterton nous avait tout de même habitué à mieux.
Malgré tout, quelques accords plaqués si et là redonnent à cette anthologie une couleur sombre bien agréable. Je pense entres autres à la nouvelle de Nancy Collins et à ses apparitions de loups-garous dissimulés derrière le cuir usé d'un vieux perfecto rock and roll. Rien de vraiment original et je dirais même que Poppy Z. Brite fait beaucoup mieux dans le genre. Mais le style et la construction de la nouvelle sont plutôt intéressants avec une fin sanglante même si on s'y attend un peu.
Certains noms moins connus nous livrent par contre des nouvelles vraiment originales en ne citant d'ailleurs aucun nom de musiciens existant mais en créant de nouveaux groupes de musique. Des groupes qui déclenchent des "partouzes" mortelles et géantes, des groupes morts qui continuent à jouer cachés dans une vieille crique montagneuse, un vinyle capable de tuer et des musiciens mi humains mi mort-vivants qui s'emparent de l'âme de leur groupies.
Ainsi, cette anthologie est certes décevante, n'apportant rien de plus à la musique que j'aime ni à la littérature, mais elle permet tout de même de faire découvrir quelques auteurs talentueux malheureusement peu connus en France : Paule Dale Anderson, Michael Garret, Brian Hodge, Mark Verheiden entres autres... C'est à mon avis le seul intérêt de cette anthologie.
Réservée donc aux plus curieux d'entre nous qui veulent rencontrer de nouvelles plumes ou au mélomanes qui veulent écouter ces sons discordants qui font frémir comme une porte grinçante dans un vieux château abandonné. Pour les autres, il reste toujours Lester Bang ou, plus proche de notre univers, des auteurs tels que Brite capable de faire vivre des clones de The Cure aux prises avec les vampires de la plus belle espèce.
Note : 5/10
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