Le Secret de Crickley Hall
(The Secret of Crickley Hall)
Gabe et Eve veulent oublier. Oublier la disparition de Cameron leur petit garçon, oublier, mais aussi garder espoir dans l'avenir. Peut-être la police retrouvera-t-elle l'enfant disparu il y a tout juste un an ? Garder espoir aussi pour leur deux petites filles, Loren et Cally, repartir à zéro malgré tout. Quoi de mieux alors que de quitter Londres et ces souvenirs envahissants et de venir s'installer à Crikley Hall, belle demeure perdue dans la campagne anglaise ? Mais voilà, dès le début, rien ne se passe comme il faut. La maison s'avère sombre et Eve a du mal à croire qu'une nouvelle vie est possible ici. La rivière qui longe la maison, s'avère de plus en plus menaçante, responsable déjà il y a plusieurs années d'un drame atroce, une inondation qui détruisit la région. Mais il y a pire encore... Crikley Hall cache un secret terrible qui pourrait bien avoir raison du couple. Les faits étranges et inquiétants se multiplient jusqu'à un final sombre, violent et dérangeant. James Herbert, auteur que je découvre ici, nous offre un chef-d'oeuvre, une histoire forte qui nous plonge dans des eaux troubles et où à chaque page l'inquiétude devient grandissante.
Dès les premiers pages du livre, nous voilà plongés dans une ambiance que James Herbert rend tellement palpable, tellement vivante, que l'on est comme plongés dans un film, un long métrage qu'aurait pu tourner Jaume Balaguero (Fragile, Darkness). Dès le premier chapitre, on est pris dans cette pluie qui tombe tout au long du livre, dans ce paysage gris et triste, qui ne nous quittera plus, même une fois le livre refermé. C'est par petites touches, tel un impressionniste de la terreur, que James Herbert distille les évènements, les sons, les apparitions bizarres et toujours cette eau qui devient de plus en plus envahissante, avec ce puits dans cette cave de laquelle monte des sons plus qu'inquiétant.
L'élément eau semble ici jouer le même effet que la chaudière dans le fabuleux Shinning de Stephen King. Une montée en pression, une lente montée jusqu'au twist digne des meilleurs scénarii d'horreur. Un petit bijoux de noirceur, même si l'on a un peu moins peur malgré tout que dans le roman de King. La famille survivra-t-elle ? Les ombres ou bien l'eau auront-elles raison de la cellule familiale ? Qui sont ces mystérieux personnages dont on ne connaît rien et qui semblent pourtant vouloir aider la famille ? Vrai médium ou faux chasseur de fantômes ? Le mystère est entier et James Herbert nous tient en haleine d'un bout à l'autre du roman.
L'écriture de l'auteur britannique a quelque chose de touchant dans sa description des personnages et plus encore que la peur, c'est cette tristesse, ce malheur qui nous inonde, surtout celui de Eve, mère ayant perdu son unique fils. Pas mort, non, porté disparu... Il se dégage alors du Secret de Crikley Hall un délicieux poison, que l'on peut appeler tristesse, culpabilité, mélancolie. Des sentiments sombres qui se déversent en nous au cours de la lecture et qui font de ce roman une expérience éprouvante, l'une des meilleurs qu'il m'ait été donné de lire, aussi éprouvante que le Shinning de King auquel on pourrait le comparer.
Mais le style de Herbert est bien différent et il est fabuleux dans ces descriptions à la fois simples et détaillées, des mots qui nous font voir l'impossible dans le noir, dans ces ombres mouvantes, où l'on ressent le son de cette balançoire par exemple, vide, sans personne dessus et qui grince dans la nuit...
J'ai aimé, que dis-je j'ai adoré, ce roman pour cette capacité à mélanger le fantastique mais aussi cette "psychologie" des personnages qui est là, à fleur de page, mais sans jamais en faire trop. On sent la détresse, le malheur, on pénètre une vie familiale que le destin ne semble pas vouloir laisser en paix. Mais qui est en paix dans ce roman ? Plus noir, on ne fait pas... Loin de moi l'idée de vous divulguer la fin, mais attendez vous à une surprise et à de la violence non pas gore, mais autre... Poignant ! Extrême !
Bien sûr, certains pourront reprocher à James Herbert une structure narrative qui sonne un peu comme du déjà vu, tout comme le thème de la maison hantée. Le tout est effectivement structuré comme un bon film faisant d'ailleurs penser à une production récente : L'orphelinat (Juan Antonio Bayona). Je ne vous en dit pas plus, j'ai le sentiment d'en avoir déjà trop dit. Mais Le secret de Crickley Hall va bien plus loin dans son ambiance, dans sa façon d'approcher l'histoire de la famille, dans sa puissance à invoquer le sombre et le mal-être. Sa façon de décrire ce couple blessé, cette femme rongée par la culpabilité, cet homme malheureux de voir sa femme ainsi et qui continue malgré tout, pour leurs petites filles. C'est le premier livre que je lis de James Herbert et il fait d'ores et déjà partie de mes classiques...
Note : 9/10
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Le Cimmerien