Le Procès de la Sorcière - Le Chant de l'Oiseau de Nuit 1
(Speaks the Nightbird 1 - Judgement of the Witch)
Quand j'ai attaqué le Procès de la Sorcière de Robert McCammon, je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre. J'avais très souvent entendu parler en bien de son célèbre roman
L'Heure du loup, et les critiques sur ce premier tome du Chant de l'oiseau de Nuit semblaient fort élogieuses. Alors allons-y me suis-je dit, plongeons dans cette enquête historique et partons à la chasse aux sorcières, on verra bien ! Et bien pour avoir vu, j'ai vu, je peux vous l'assurer ! Et quelle claque ! Quelle découverte ! Ce roman est une petite bombe ! Pour l'instant ma découverte de l'année, je vous assure. Mais parlons plutôt du livre avant de le couvrir d'éloges :
1799, Caroline, Amérique. Les colons venus d'Europe fondent des villes sur les côtes de la toute jeune Amérique avec l'espoir de prospérer dans ce Nouveau-Monde, surprenant, dangereux et parfois bien peu hospitalier comme les territoires humides et marécageux de la Caroline. Un Nouveau-Monde synonyme d'espoir et de progrès mais aussi fermement ancré dans les croyances et les lois médiévales. Un contraste surprenant entre modernité et obscurantisme régit par une foi bornée, rigide et intransigeante laissant peu de place au doute et à la clémence. Les chasses aux sorcières sont toujours ouvertes, les échos de l'Inquisition résonnent encore et quand des meurtres atroces éclatent dans la petite ville naissante de Fount Royal et qu'une jeune femme est suspectée de sorcellerie, c'est la pendaison qu'on réclame, au nom de la paix de la ville. Si l'on n'avait écouté que les habitants de Fount Royal, la prétendue Sorcière aurait été aussitôt pendue ou brûlée vive, elle qui a dit-on tué son mari et le pasteur de la communauté, qui a lancé une malédiction sur la ville, qui se livre à des actes de luxure et de débauche avec le Diable et ses démons et qui cache des poupées ensorcelées sous sa maison. Rachel Howarth, une bien trop belle femme pour être honnête dans cette rustre contrée, est une sorcière et elle doit mourir, ce ne peut être autrement.
Oui, mais voilà, pendre la sorcière sans procès, c'est de fort mauvaise augure pour une ville naissante censée se bâtir sous l'égide de la justice et de la modernité du Nouveau-Monde. Alors pour Bidwell, le fondateur de la ville, la sorcière ne mourra pas avant un procès en bonne et due forme (dont il ne doute pourtant pas de l'issue, cela va sans dire !) et pour ce faire, il a donc convoqué un juge itinérant en provenance de la ville la plus proche. C'est ici que s'ouvre donc le Procès de la sorcière, sur l'arrivée à Fount Royal du Juge Isaac Woodward et de son jeune clerc, Matthew. Mais cette arrivée ne sera pas sans encombre, puisque nos deux magistrats vont tomber dans une embuscade à l'auberge où il font halte et qui ne sera pas sans interférer sur le cours de l'histoire qui va suivre puisque nos amis vont perdre toutes leurs possessions et que le Juge va tomber malade, forcé de marcher une nuit entière sous la pluie, en chemise de nuit et pieds nus. Une bien piteuse arrivée donc pour le Juge et son Clerc qui ne seront pas au bout de leurs surprises dans cette ville lourde de secrets, de haine, de préjugés et de perfidie. Le procès de la Sorcière va s'avérer beaucoup plus long que prévu car le Juge Woodwarth, bien que cruellement affaibli par la maladie, est un homme intègre et méthodique et que son jeune Clerc, le fougueux Matthew, se fait une toute autre idée de la vérité que celle que les habitants de la ville veulent bien lui faire croire.
Va donc débuter le Procès de la Sorcière et son cortège de déclarations, de témoignages, de mensonges, de doutes et de surprenantes découvertes. Un procès palpitant qui nous conduit de fausses pistes en étranges vérités et qui ne fait que poser cette éternelle question : Rachel Howarth est-elle une sorcière ? Est-elle vraiment la maîtresse du Diable, perfide et manipulatrice, prête à égarer les âmes de ceux qui prêtent oreille à son histoire ou est-elle la victime malheureuse d'un complot destiné à la conduire au bûcher ? La question est délicate, vous pouvez-vous en douter, et les pistes sont nombreuses. Et ce n'est pas ce premier tome qui vous apportera la réponse à cette question, je peux d'ores et déjà vous l'annoncer ! Vous n'aurez pas fini de vous poser cette question : Rachel est-elle donc oui ou non une sorcière ? Pour moi, mon avis est tout trouvé mais les choses peuvent être bien différentes de là où semble nous emmener Robert McCammon, et c'est bien cela qui fait tout l'intérêt de cette histoire !
Je ne saurais que dire pour vous donner envie de lire ce roman.... Que l'intrigue est formidable, basculant sans cesse entre explication rationnelle et fantastique sans jamais nous contraindre à une seule et unique interprétation? Que la plume de l'auteur est vive, pleine d'un humour subtil et d'un réalisme étonnant dans la peinture de cette civilisation balbutiante déchirée entre une volonté de modernité et ses vieilles croyances aveugles ? Que la richesse de l'univers dépeint par l'auteur nous plonge dans une page encore fort peu exploitée dans les genres de l'imaginaire avec un talent indéniable ? Que les personnages sont effroyablement attachants et que l'on dévore ce livre d'une manière presque compulsive ? (je ne vous parle même pas du déchirement lorsqu'on referme la dernière page. Croyez-moi, cela fait très très mal...) enfin bref, vous l'aurez compris, je suis absolument tombée sous le charme de ce livre. La tension est extrême, l'intelligence de la mise en scène de ce procès force l'admiration et la caractérisation est excellente : ce juge malade torturé par ses démons intérieurs aussi bien que par ses maux physiques (je vous assure, un gros rhume au 17è siècle, c'est impressionnant...) et ce jeune clerc curieux et avide de connaissance, forment un couple bien passionnant. Et tous les personnages secondaires, de la "sorcière" en passant par les paysans engoncés dans leur foi rigide, le dirigeant de la ville imbu de pouvoir, avide et ridicule au prédicateur pervers et illuminé menant les habitants à la mutinerie pour conduire la sorcière à la mort, vous avez une galerie de portraits assez hallucinante !
Bragelonne a choisi de sortir ce roman en deux tomes, c'est une véritable crève coeur que de devoir attendre pour découvrir la suite de ce roman ! Mais bon, à leur décharge, ils ont aussi choisi de publier ce roman assez inclassable dans leur collection l'Ombre, ils en sont donc aussitôt pardonnés car ce n'était pas forcément un choix des plus évidents. Ce livre est pour moi la grande découverte de 2008, mon coup de coeur, et je ne saurais que vous conseiller de le découvrir, ne serait-ce que pour son ingéniosité et son originalité. Une lecture passionnante et édifiante aussi bien que divertissante. J'en redemande !
Note : 9,5/10
Moyenne des votes : 9,5/10 (1 vote)
Chaperon Rouge
A propos de ce livre :
- Un site a même été créé pour découvrir ce roman :
http://www.leprocesdelasorciere.com/.