Prison de chair - Livres de Sang 5
(Clive Barker'Books of Blood 5)

Pour ce cinquième et avant dernier tome de ses Livres de Sang, Clive Barker nous entraîne avec Prison de Chair dans le royaume des cauchemars, des mythes oubliés et des légendes urbaines. Un tome formé de quatre longs récits particulièrement axés sur la réflexion sur le pouvoir des rêves et des croyances, la force du mythe et de la peur, la condition de l'être humain au milieu d'un monde qu'il ne comprend pas et qui génère à son insu ses propres créatures et un mode de fonctionnement aux antipodes de celui auquel nous croyons. Un monde inconnu qui nous effraie peut-être parce que nous n'y croyons pas ou tout simplement parce qu'il est différent de celui que nous connaissons. Petite visite de ce tome plus axé sur le fantastique que sur l'horreur qui apporte avec brio sa pierre à l'édifice fantastique recrée par Clive Barker :
Prison de chair s'ouvre avec la nouvelle Lieux interdits : une jeune femme réalisant une thèse sur la portée sociologique des graffitis va se rendre dans une cité désolée pour photographier des pans de mur "taggés" afin de d'en déchiffrer le sens latent et le lien profond qui pourrait exister entre tous ces morceaux de phrases pris sur le vif. Elle va s'enfoncer peu à peu dans un univers sombre et désolé, la tristesse et la morosité sans borne. Mais ce faisant, posant peu à peu des questions dérangeantes, elle va réveiller le Marchand de Bonbons, le gardien des légendes urbaines et des terreurs collectives... Les amateurs l'auront sûrement reconnue, Lieux Interdits est en réalité la nouvelle qui a donné naissance au célèbre film Candyman de Bernard Rose en 1993 (coscénarisé avec Clive Barker). Un texte excellent qui plonge au coeur de nos peurs et de nos sociétés, qui gratte le vernis bien pensant de nos existences et qui fouille dans les vices cachés et les peurs oubliées. Une belle réussite.
Nous passons ensuite à La Madone, une nouvelle extrêmement particulière à l'ambiance pesante et oppressante. Une nouvelle au message à la fois obscur et d'une grande beauté, à la fois constat pessimiste sur la bêtise de l'homme et foi en la possibilité d'un ailleurs, d'une autre chose meilleure et hors d'atteinte. Un texte parfois sibyllin et mystérieux qui donne à réfléchir : Jerry Coloqhoun veut à tout prix réussir à vendre le projet de réhabilitation des bains douches de Leopold Road, un endroit fermé et désaffecté depuis de nombreuses années. Il veut vendre le projet à Garvey, un aussi riche que sinistre malfrat, mafieux et trempé jusqu'à l'os dans toutes les sales affaires. Jerry va donc entraîner Garvey dans une visite nocturne des lieux, une visite qui va se révéler aussi sinistre que surprenante : une chaleur moite et oppressante règne sur les lieux, une lueur étrange baigne les anciens bains douches dans une ambiance irréelle et une étrange jeune fille nue va soudain apparaître à Garvey. Les lieux obscurs et abandonnés n'ont pas fini de vous révéler tous leurs terribles secrets, soyez-en sûrs...

La Tour de Babel vient ensuite donner un cours un peu moins fantastique à ce recueil. Une nouvelle très difficile à résumer sans en dire trop mais qui joue plus sur les plans politiques et les théories du complot sur le mode de l'anticipation et de la révélation. La jeune Vanessa va se trouver entraîner dans un étrange faux couvent où sont fait prisonniers d'étranges vieillards. Des vieillards dont on dit d'eux qu'ils seraient fous et assassins. Mais la vérité est très certainement bien loin de ces mensonges, sinon pourquoi Vanessa serait-elle captive de ces lieux pour qu'elle ne révèle pas ce qu'elle a vu ? Un bon texte, certes pas le meilleur, loin de là, mais qui propose une fois encore une vision de l'homme et du monde bien sombre et terrifiante. Une belle réflexion corrosive et amère sur la manière dont nous sommes dirigés et manipulés.
Prison de chair se clôt ensuite sur la nouvelle titre, une nouvelle ancrée dans le milieu carcéral qui joue avec efficacité sur nos terreurs les plus primaires, celles du rêve et du cauchemar, la force des actes et la manière dont nous sommes enchaînes pour l'éternité à nos crimes les plus atroces. Certainement la meilleure nouvelle du recueil ! Cleve Smith est un jeune malfrat pas bien méchant qui cumule les peines de prison. Alors quand le jeune et frêle Billy va arriver dans sa cellule, c'est aussitôt à lui que l'on va demander de garder un oeil sur le petit. Mais le comportement de Billy va très rapidement se mettre à changer et Cleve va peu à peu se mettre à rêver, nuit après nuit, d'une étrange ville morte et déserte, véritable paysage de désolation, dans laquelle Billy apparaît. Cleve est loin d'être bout de ses surprises et surtout de ses terreurs...
Prison de Chair mêle donc une fois encore avec talent horreur, sensualité, mythologie, légendes urbaines et fantastique. Un cocktail à la fois dérangeant et fascinant qui nous prouve une fois encore que Clive Barker sait se jouer à merveille des codes du genre et qu'il parvient en quelques pages à imprimer une ambiance terrifiante et chargée d'une grande puissance érotique à chacune de ses nouvelles. Une atmosphère oppressante, malsaine, troublante et toujours éprouvante qui vient renforcer l'horreur latente présente à chaque page. Une grande réussite que tout amateur d'horreur et de fantastique terrifiant se doit de lire !

Note : 8/10
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