Petite cuisine du diable
(The Devil you know)
Cher Mrs Brite, je ne sais vraiment pas où j'en suis après avoir lu Petite cuisine du diable. Pour tout dire, je suis même un peu perdu et je ne sais pas quoi penser de ce recueil de nouvelles. Bien sûr tout est là, la New Orleans et les accords industriels de Ninch in Nail, les bayous boueux sur lesquels dansent des ombres inquiétantes, les mêmes images déjà vues, lues ailleurs dans vos précédents ouvrages et puis...
Et puis, j'ai relu Les contes de la fée verte et je vous serai reconnaissant à vie de m'avoir fait découvrir Ghost et ce style si merveilleux qui est le vôtre. J'ai relu quelques passages de Lost soul et je me suis dit qu'en fin de compte ce livre n'était peut-être pas si bon que ça. Que peut-être même, il devait s'agir là d'une oeuvre de jeunesse, qu'il devait se lire comme ces films à grand spectacle qu'on se loue pour passer les dimanches après-midi d'hiver. On les regarde sous la couette et puis après on les oublie.
Je me suis replongé dans Le Corps exquis et j'y ai pris le même plaisir qu'avant, je veux dire qu'avant de lire Petite cuisine du diable. Car, je crois d'ailleurs que vous le reconnaissez vous-même dans votre préface, il y a quand même une petite baisse de forme, non ? Des années que vous cherchez à écrire un livre "sérieux" sur la nouvelle Orléans, un livre qui s'écoulerait sur plusieurs générations et qui nous raconterait l'histoire de cette ville. Pourquoi pas ? Mais en attendant vous nous offrez ce guide culinaire écrit avec le diable lui-même. Et bien Lucifer n'est peut être pas si bon conseiller que cela.
Bien sûr j'ai aimé votre livre. Comme j'ai aimé les autres. Je pense même que ceux qui ne vous connaissent pas vont adorer. Mais moi, je m'en suis un peu lassé. C'est toujours la même chose : fascination pour les corps, surtout ceux de deux hommes qui s'aiment, un goût prononcé pour le gore et l'étrange (manger de la chaire humaine, les Zombies) et puis ce leitmotiv autour de la cuisine... C'est un peu tout le temps la même chose.
Bien sûr j'ai aimé ce nouveau personnage le Dr Brite qui s'en va ressusciter son cuistot préféré pour ne pas perdre le goût des mets si raffinés qu'il lui prépare. Le Dr Brite est médecin légiste, je tient à le préciser, et un petit peu votre double.
Bien sûr j'ai adoré Le diable par la Queue qui nous permet de vive le carnaval de la Nouvelle Orléans de l'intérieur, même si la chute n'est pas à la hauteur de mes espérances. Je n'ai rien compris à la nouvelle se passant dans l'univers de Matrix et je n'ai pas non plus trouvé justifiée la nouvelle inspirée par le génialissime Mike Mignola et son Hell Boy. J'aime beaucoup ce côté freaks qui se trouve au coeur de l'histoire des mutants tels que Wolwerine et j'ai bien compris les angoisses de cette petite fille sans pour autant accrocher à l'histoire.
La meilleur nouvelle du recueil, Le marais au lanterne, est fabuleuse, emplie de mystère et de magie noire. Un grand moment ! Mais aussitôt cette nouvelle lue, voilà Rien de lui ne s'étiole. Et là j'ai l'impression d'avoir déjà vu tout ça. Bien sûr, comme vous le dîtes dans votre belle préface, c'est certainement à cause d'un manque de culture que je n'ai pas compris cette histoire, au demeurant très belle, de ces deux amoureux transis oubliés en pleine mer de corail au milieu des requins. Très beau mais sans plus. Quoique comme d'habitude, il y a toujours cette fascination pour l'homosexualité masculine, pour les amours torturés etc... Déjà lu.
Sans compter qu'il y a tout de même des nouvelles vraiment incompréhensibles qui sont plus des critiques gastronomiques que du Poppy Z Brite...
Mais ne nous quittons pas fâchés. Car même quand un écrivain de talent nous offre des nouvelles moyennes, elles sont tout de même excellentes... Toi lecteur tu trouveras dans la cuisine du diable, des possessions, des nuits tourbillonnantes dans les ivresses de l'absinthe, un érotisme parfois torride, des vampires prêt à tous pour achever la rock star de leur rêve, des paysages crépusculaires et des personnages forts. Du gore, de la sensibilité et du Brite, un peu trop d'ailleurs.
Petite cuisine du Diable, même s'il est un peu fatiguant sur la longueur, devrait ramener à lui tout ceux qui ne connaissent pas encore l'une des auteures les plus talentueuses de notre génération, pour les autres, qui comme moi sont amoureux transi de la plume de cette auteure américaine, il se délecteront quand même de tous ces petits mets que nous a concocté Poppy Z. Brite tout en préférant le goût amer de la fée verte.
Voilà, cher Mrs Brite tout le bien que je pense de vous et dans l'attente de vos prochaines nouvelles, je retournerais tout de même de temps à autre dans ce petit livre de cuisine macabre qui est quand même un petit joyaux, certes moins bon que vos productions précédentes, mais que l'on aime malgré tout.
Note : 6/10
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