Le Pas de Merlin
Il est des grandes légendes, comme des grands amours, ils portent en eux, des perles d'éternités, qui coulent sur des générations et des générations. Cette histoire a commencé il y a bien longtemps déjà, là bas, de l'autre côté, sur l'île de Bretagne et elle porte divers noms : Excalibur, Table ronde, Graal et, celui qui nous intéresse ici, Merlin... Une légende, dans laquelle se mêle malgré tout quelques faits véridiques, historiques.
Au XIIéme siècle, Geodeffroy de Mormouth, initie les récits Arthuriens, entre autre dans une Vita Merlini, bientôt suivit par Chrétien de Troyes, Robert Wace ou bien Robert de Boron. Pour les lecteurs modernes que nous sommes, il est bien compréhensible que ces récits datant du moyen âge, puissent paraîtrent un brin fastidieux. Et c'est là tout le génie de Jean Louis Fetjaine, réactualiser, faire vivre cette légende, y apporter sa pierre, tel un barde des temps moderne, et nous la faire redécouvrir pour notre plus grand bonheur ! Alors, suivons les pas de Merlin...
Le royaume de Bretagne (pour faire simple les actuels îles britanniques) est à feu et à sang depuis le départ des armées romaines. Pictes, Saxes et autres peuples guerroient pour agrandir leurs terres. C'est une époque sombre, des terres tristes et malmenées que traverse Emys Myrddin, plus connu sous le nom de Merlin, jeune barde confié à Guendoleu. Le jeune homme ne connaît pas son père, du moins pas encore, et il s'en va vers la citée de Dun Breatann, là ou vit la Reine Aldon, sa mère.
Si Guendoleu se rend en cette demeure c'est pour prendre la tête des armées "bretonnes", porter la couronne et unifier les peuples contre l'envahisseur. Mais voilà, c'est sans compter sur la jalousie et l'ambition de Ryderc, le mari d'Aldon. Les aventures de Merlin, qui n'est encore que le fils du diable, un bâtard aux yeux de la nouvelle religion, peuvent commencer...
Ce qui est sidérant chez Jean Louis Fetjaine, c'est cette capacité miraculeuse à mêler son talent de conteur à celui d'historien (la véracité du récit est hallucinante, comme le fait par exemple que Merlin n'aurait jamais croisé Arthur !). Plongé dans ce livre, nous revivons une époque faîtes de guerre (les scènes de batailles sont superbes et la mise en scène est grandiose), d'horreur et de sang. Car c'est un pays en guerre que nous traversons avec le jeune Merlin, une sorte de quête initiatique, pleine de philosophie. Car, ici, Merlin va découvrir l'amour physique et spirituel, avec la belle Guendoloena, un amour contrarié bien sur, malheureux évidement : "Leur amour s'enivrait de baisers et de caresses, de discussions sans fins et de longs silences. Il était de ceux que chantent les bardes, absolu et magique, plus fort que les lois des hommes, les contraintes des clans et des alliances, un amour d'enfant éloigné de la grise réalité de l'age adulte. Pendant deux jours, ils avaient pu se croire seuls sur la terre et se moquer de ce qui pourrait bien leur arriver tant qu'ils resteraient ensemble. Deux jours à faire mille projets, à réinventer le monde et à y régner en paix. Deux jours à s'aimer assez fort pour s'en souvenir toute la vie...".
Mais comme tout le monde le sait, l'amour éternel ça n'existe pas et cette quête initiatique, conduit Merlin bien loin des caresses et de l'apaisant repos auprès de sa belle. Il va falloir qu'il tue, qu'il se fasse malgré lui combattant et malgré son jeune âge, guerrier, qu'il perde des batailles pour finir au mont de Preselis le jour du Samain (la toussaint), la nuit où les morts de relèvent, pour qu'il puisse comprendre qui il est et que la destinée s'accomplisse. En quelques pages, l'auteur nous présente une épopée fabuleuse et teintée de cette philosophie qui nous apprend combien la vie est difficile !
Jean Louis Fetjaine fait revivre tout un mythe et l'on est vraiment complètement absorbé par l'histoire et tous ces personnages légendaires.
Mais bien sur, encore pire que les barbares qui font trembler la terre de Bretagne, il y a cette nouvelle religion, qui est là, qui veut anéantir la magie druidique (certains passages d'ailleurs nous montre combien cette magie a à voir avec le chamanisme), qui veut s'accaparer des pensées, se lancer dans une nouvelle croisade... Une religion Chrétienne qui veut s'emparer aussi des richesses et anéantir les légendes, faisant reculer les vraies croyances, celles qui consistent en croire aux Elfes, aux Fées et en la nature ! L'auteur critique quelque peu, mais avec habileté et intelligence, cette religion qui a tué tant d'être, de ceux que l'on appelle encore païens, il le fait avec l'humanité de l'historien qui prend plaisir à faire revivre ce que nous avons tendance à oublier trop vite.
Le pas de Merlin est un livre passionnant, que l'on classe en Fantasy (question de mode et de buisness) mais qui est à la fois un roman historique, superbement documenté, et aussi la relecture d'un de nos mythes fondateurs, emplit de batailles, de magie et de sagesse. Lire Le pas de Merlin c'est bien sur connaître la vie de ce personnage légendaire, mort et ressuscité, magicien et nécromant mais c'est aussi plongé au coeur de nos racines. C'est ce planter, comme un vieux chêne au coeur de Brocéliande, avec son livre, dans un lieux désert et écouter à la fois la nature et le fracas des armes, comprendre ce qu'est véritablement l'amour et revivre une grande aventure absolument époustouflante que la plume de Fetjaine met à notre portée pour notre plus grand plaisir...
"Une armée peut être vaincue, mais nul ne peut détruire un peuple !" Je vous donne rendez-vous pour le
tome 2, dans la forêt de Brocéliande, un autre chef d'oeuvre !
Note : 9/10
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Ouglouk