Nouvelles Tome 2
1953-1959

Richard Matheson est surtout connu auprès des amateurs de littérature fantastique pour avoir écrit Je suis une légende et pour ses scénarios et romans adaptés au cinéma. Mais il est avant tout un nouvelliste prolifique et talentueux. C'est le deuxième volume de l'intégrale de ses nouvelles parue chez J'ai lu, qui nous intéresse ici.
Ce recueil comporte donc toutes les nouvelles que Matheson à écrites entre 1953 et 1959.
Le premier qualificatif qui nous vient à l'esprit quand on lit ce recueil est : varié. En effet Matheson, alors au sommet de son talent, développe une incroyable diversité de thèmes dans ses nouvelles, aussi bien dans le domaine du fantastique ou de la science fiction que dans des genres plus inattendus comme le polar, le western ou encore l'humour grinçant... Il renouvelle habilement des thèmes très classiques comme les maisons hantées, les invasions extraterrestres ou les zombies.

Thème cher à l'auteur du scénario de La maison des damnés, la maison hantée est présente ici avec cette excellente nouvelle qu'est La maison du crime (Slaughter House, 1953) qui réutilise les poncifs du genre (portrait mystérieux, évènements inexplicables, possession) sans aucune lourdeur et avec une efficacité indéniable. On retrouve la même maîtrise de ce thème connu dans le similaire Paille Humide (Wet Straw, 1953) où un veuf est tourmenté par le fantôme de sa femme. Ceci nous amène à parler de la manière dont Matheson fait intervenir des éléments surnaturels et de science fiction dans un quotidien à priori normal. Que ce soit un bébé extraterrestre dans Intrusion (Trespass, 1953) un enfant robot dans La poupée à tout faire (the doll that does everything 1954) d'autres envahisseurs extraterrestres dans Un cas d'école (One for the books, 1955) etc.
Les exemples sont légions, et toujours le quotidien tranquille des héros est perturbé par l'introduction d'un élément surnaturel qui lui fait perdre toute emprise sur son environnement (et par extension au lecteur aussi, qui se laisse emporter dans l'histoire sans savoir ce qui va se passer). Et les explications physiques données invariablement par Matheson à ces phénomènes, ne l'empêchent jamais d'emmener avec lui le lecteur dans le domaine du surnaturel et de l'angoisse...
Le thème des zombies est amené avec Danse macabre (Dance of the dead 1954) récemment adapté par Tobe Hooper pour les "Masters of Horror". Là encore ce n'est pas tant le thème qui fascine, mais la manière dont Matheson le présente. Et il s'agit plus ici de société futuriste méprisant la vie humaine que de zombies cannibales et putréfiés...
Matheson recrée brillamment une atmosphère empruntée aux écrits de Lovecraft dans sa nouvelle Les enfant de Noah (The Children of Noah, 1957) qui commence de manière assez originale, et là encore l'auteur arrive très bien à nous emporter vers une destination brumeuse et inconnue au moyen d‘une narration très efficace et d'une prose savoureuse. Ce sont là deux caractéristiques communes à toutes ses nouvelles. Quel que soit le thème ou l'histoire abordée, Matheson nous la conte avec beaucoup de talent, et nous emmène insidieusement vers sa conclusion toujours surprenante. L'auteur possède un sens de la chute redoutable. Les nouvelles Une surprise de taille (Big Surprise 1959), Le distributeur (The distributor 1958) ou encore L'indéracinable (Steel, 1956) en sont les plus parfaits exemples...
C'est dans ce type de nouvelles, originales et surprenante, avec une chute acérée, que le talent de Matheson est à son plus haut niveau. Des nouvelles pas forcément fantastiques, ou alors où l'élément fantastique se fait discret et révélateur d'éléments actuels de notre société, qui nous font passer par des émotions diverses mais toujours intenses... des nouvelles comme Lemmings (Lemmings 1958) qui nous présente de manière saisissante une humanité courant à sa perte, ou encore Descendre (Descent, 1954), Cher Journal (Dear diary, 1954) et L'examen (The test, 1954)... ce sont chaque fois des nouvelles très noires ou alors vraiment cyniques, et souvent porteuses d'une critique sociale.
Parmi les autres nouvelles qui marquent particulièrement le lecteur, signalons la désopilante et légère Miss Poussière d'étoile (Miss stardust, 1955). Matheson nous prouve ici qu'il excelle aussi dans l'humour, notamment grâce à cette chute qui prend encore une fois le lecteur par surprise, mais cette fois ci pour le faire rire.
Encore dans un autre genre, Le zoo (Being, 1954) se révèle être un survival d'une terrible efficacité, réutilisant habilement les clichés du genre (Route en plein désert, station service crasseuse...) pour y rajouter des éléments de science fictions qui rendent la menace encore plus terrible... cette nouvelle est vraiment oppressante et angoissante...
Vous l'aurez compris, ce recueil est extrêmement riche et varié, Matheson explore ici de nombreux genres pour notre plus grand plaisir. Mais toutes ses nouvelles ont cependant comme dénominateur commun la qualité de leur écriture et leur remarquable capacité à nous faire voyager dans le fantastique et la science fiction. Matheson est sans conteste un grand auteur, justement salué par Stephen King et Robert Bloch dans les préfaces et postfaces de l'édition j'ai lu. A lire absolument !

Note : 9/10
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Maniak



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