Les Loges funèbres
Prenez place, spectateurs avisés, dans ce petit théâtre de l'horreur, du fantastique et du macabre. Installez-vous confortablement dans l'une de ces noires loges car dès que vous aurez entamé la première page de ce recueil de nouvelles (neuf en tout), vous ne lâcherez plus ce livre. Vous vous en délecterez avec passion, cette passion morbide qui semble habiter l'auteur et qui fera chavirer vos sens.
Neuf nouvelles, pas toutes très originales mais loin d'être banales. La force de cet ouvrage et tout le travail de l'auteur tient dans le style. Des mots choisis avec intelligence, agencés en un rythme bien particulier et des structures travaillées avec une grande classe qui vous tiennent en haleine jusqu'au bout. Amelith Deslandes est un écrivain, un vrai, c'est-à-dire qu'il connaît la magie et la puissance des mots, leur force évocatrice et surtout qu'il sait les utiliser comme un véritable magicien.
L'exemple le plus probant est Petit théâtre d'ombres. Dès le début, nous ne pouvons nous empêcher de penser à un livre de Shirley Jackson appelé Maison hantée ou bien à Shining de King. Des hommes et des femmes sont enfermés dans une maison dans laquelle ont été commis des crimes atroces et étranges. Des scientifiques enferment donc ces individus dans cette sombre demeure pour étudier la peur sous toutes ses formes.
Mais la réalité est tout autre et la chute très originale, proposant une réflexion sur la télé réalité et les émissions thrash. D'un simple sujet, et grâce à une structure particulièrement bien réfléchie puisque chaque chapitre semble être rédigé par l'un de ces prisonniers volontaires et qu'ils se mélangent à un faux journal intime, Amelith Deslandes nous pousse avec grande habileté vers une réflexion bien plus profonde sur le pouvoir de suggestion. Car après tout, s'est-il réellement passé quelque chose dans cette maison ? Et si tout cela n'était qu'une question d'imagination, de pouvoir de suggestion et de contrôle du cerveau ? Voilà une nouvelle géniale, qui montre à la fois comment un simple sujet peut, avec intelligence, être transcendé et comment par la force des mots et de la narration on peut bâtir une histoire forte. Alors prenez garde à ce que les mass medias ne vous lavent pas totalement la cervelle en vous faisant croire que...
Cette idée de la télé-réalité semble grandement intéresser l'auteur car c'est aussi le sujet de la nouvelle Les Rouages du destin. Une sorte de jeu, de TV thrash, mais cette fois-ci les réalisateurs ont pour noms Jésus, Allah, Apollon et les autres... Les dieux ne font pas que se jouer de nous, ils jouent avec nous. Ils vont loin, très loin, pour s'amuser et Jésus pactise même avec Satan pour pouvoir se moquer de nous, pauvres humains. Meurtres atroces et folie se côtoient dans cette nouvelle nous montrant l'envers du décor (dans les loges mais côté acteur cette fois-ci) et nous démontrant habilement comment le destin se joue de nous et combien notre vie est incontrôlable. Une nouvelle qui fait froid dans le dos...
L'écriture d'Amelith Deslandes est résolument moderne dans le choix de ces sujets et dans la façon de les traiter. Les amateurs de Brussolo se délecteront aussi de la nouvelle Luna, proche de l'auteur sus cité, avec cette maison qui bouge, dédale et labyrinthe dans lequel vit un étrange artiste qui crée un automate mais qui a besoin de chair fraîche pour lui donner une vie encore plus grande. Mais qui est prisonnier dans cette étrange demeure ? L'artiste ou sa création ?
Oui, car Amelith Deslandes propose dans plusieurs de ces écrits une véritable réflexion sur l'art et les artistes. J'ai pris un véritable plaisir à lire Fantaisie Urbaine, où un artiste crée des crashs tests violents et malsains comme César créait ses compressions de métal. Mais cet artiste travaille sur du vivant, pas sur des plaques de taule ! Jusqu'où peut aller l'art ? Trash mais toujours avec ce style propre à l'auteur, fort, juste et génial ! Les corps sont torturés et les chaires malmenées.
Mais si l'auteur, comme nous le disions précédemment, est définitivement moderne, il sait aussi rendre hommage à ses prédécesseurs que sont Maupassant, Poe et Ray qui semblent avoir été inspirés par la même étrange muse, celle la même qui vient visiter Maupassant dans le Horla.
Ce qui est sûr, c'est qu'Amelith Deslandes est lui aussi très inspiré et si, à chaque fois, nous pouvons nous dire au début d'une nouvelle que nous avons déjà lu ce genre de "truc" quelque part, très vite l'auteur nous emmène vers cet ailleurs que seul le fantastique et les plumes de talents connaissent.
Neuf nouvelles, neuf sombres récits que l'on lit avec plaisir et d'un seul trait, neuf récits inspirés, écrit dans un style inimitable. Je viens de découvrir une nouvelle grande plume de la littérature fantastique et une fois de plus c'est chez Nuit d'Avril. A lire !
Note : 8/10
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Cruisader