Histoire d'un soir et autres épouvantes

Claude Bolduc est un auteur Québécois salué par la critique francophone mais malheureusement encore assez peu connu en France. Une erreur impardonnable qu'il serait plus que temps de réparer ! Et commencer par la lecture d'Histoire d'un soir et autres Epouvantes est déjà un grand pas sur ce chemin puisque cet excellent recueil nous propose  de découvrir une compilation de sept nouvelles précédemment publiés entre 1997 et 2002 dans différents supports francophones (revues, anthologies etc.). Un excellent moyen de découvrir le style et l'univers de cet auteur à l'imaginaire fécond qui nous propulse dans un fantastique terrifiant laissant la part belle à notre imagination et à nos pires terreurs. Un fantastique classique et efficace qui n'aura pas fini de vous faire frémir, croyez-moi...

Mais aussi un fantastique protéiforme qui donne corps aux fantasmes les plus terrifiants, qui vous colle à la peau et vous emporte dans une troublante sensation d'oppression et de moiteur, un fantastique du ressenti et de la sensation, éminemment charnel et sensitif. Car Claude Bolduc semble vouer une attention toute particulière au corps humain, à la chair et aux cinq sens. Plusieurs de ces nouvelles mettent ainsi en scène la vision, le regard, celui qui vous transperce, qui vous lie aux autres à votre insu qui vous suggère un au-delà terrifiant, cet autre côté de la réalité.
La nouvelle Oeillades en est un excellent exemple, un texte oppressant sur une jeune femme obsédée par le regard des autres, ces regard inquisiteurs qui pèsent sur elle depuis son enfance, la marque d'un voyeurisme qui blesse au plus profond de l'intimité. Un très beau texte d'une très grande force évocatrice. Mais le corps, les sens, c'est aussi la sexualité. Et celle-ci est aussi très présente dans ces sept textes, sous des formes très variées. De la douce caresse équivoque du vampire (Nocturnes) à la terrifiante passion dévorante et charnelle d'une nonne pour le Christ (ou du moins ce qu'elle croit être le Fils de Dieu), Claude Bolduc met en scène les corps dans un fantastique chargé d'un érotisme parfois malsain ou libérateur.
Dans Vieilles Peaux, un jeune homme inhibé se voit contraint de recharger le potentiel sexuel de succubes éreintées et décharnées, privées de leur substance. Nuit après nuit, il doit s'épuiser sur de vieilles femmes repoussante pour leur redonner, grâce à son énergie sexuelle, leur beauté bafouée. Quel étrange pacte a donc pu passer cet homme pour s'être ainsi lié à cet enfer ? Mais il y a aussi la nouvelle titre, Histoire d'un Soir, très court texte à la chute renversante nos proposant une vision assez troublante d'un rendez-vous amoureux. Impossible de vous en dire plus, cette nouvelle joue tellement sur l'économie de moyen et le renversement de situation propre au texte court que vous en dire un mot de plus relèverait du sacrilège !
Et que vous dire de Communion ? Une jeune nonne découvre les plaisirs charnels grâce à l'effigie du Christ, croyant être l'élue, celle qui lavera ses blessures divines par son amour. Une nouvelle bien irrévérencieuse et troublante qui nous offre une réflexion sur le corps, la religion, la passion. Et comme toujours une fin extrêmement ouverte qui laisse au lecteur le soin d'imaginer l'au-delà des mots. Un non-dit qui ne rend le fantastique de Claude Bolduc que plus terrifiant car nous plongeant dans l'inconnu et au plus profond de notre inconscient. Claude Bolduc ne dit-il pas dans l'un de ses interviews "En matière d'épouvante, il ne faut jamais oublier que la pire des abominations réside toujours dans l'esprit du lecteur parce qu'elle est spécifique à chacun" ? C'est très certainement là l'une des clefs de son talent et une leçon essentielle à retenir pour qui veut écrire un fantastique intelligent...
Et puis il y a enfin "Toujours plus bas". Une longue nouvelle - ou novella - qui occupe la moitié du recueil. Quelle claque ! J'ai eu du mal à m'en remettre ! A mes yeux le meilleurs récit de ce recueil. Marie est une jeune et belle haïtienne qui a fait la rencontre d'Armand, un québécois quadragénaire, lors d'un séjour de ce dernier à port-au-Prince. Le coup de foudre est réciproque et elle part s'installer à Québec à ses côtés. Mais Marie est une Mambô, une sorte de prêtresse vaudou qui tient son pouvoir de toute une lignée de Mambô, et depuis qu'elle a quitté Haïti, son loa, son esprit, est mécontent. L'aurait-elle totalement oublié ? Marie devra faire preuve d'un talent et d'une inspiration digne de la soif d'offrandes de son esprit pour regagner ses faveurs...
Entre vaudou, sorcellerie, psychologie et peurs ancestrales, Toujours plus bas nous offre un panel époustouflant de nos peurs et de nos obsessions primaires. Cette nouvelle est franchement angoissante et j'ai rarement ressenti une telle oppression, une telle sensation de claustration à la lecture d'une nouvelle. Je ne suis pas claustrophobe et pourtant, j'ai senti la panique, la moiteur, le mal-être s'insinuer peu à peu en moi à la lecture du périple d'Armand. Je ne vous en dis pas plus mais la lecture de cette nouvelle est physiquement éprouvante. Un petit bijou d'épouvante et de maîtrise du style.
J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire sur ce recueil mais je préfère vous laisser juger par vous-même. Histoire d'un soir et autres épouvantes est une véritable réussite, un fantastique vraiment maîtrisé où perce le charme d'un léger dépaysement québécois, certaines tournures de phrases qui nous font parfois sourire pour ensuite nous faire frémir. Le plaisir de lecture est indéniable et le talent de Claude Bolduc évident. Une superbe découverte !

Note : 8,5/10
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Chaperon Rouge



A propos de ce livre :

- Site officiel de l'auteur : http://claudebolduc.tripod.com/

Avis des visiteurs :

- Voilà, je viens de finir ces histoires d'un soir et autres épouvantes. Et ce qui est certain, c'est que le fantastique de Claude Bolduc dérange, écorche et que c'est un vrai plaisir à lire. La plupart des histoires de cet auteur puisent toutes leur énergie dans les corps, corps du Christ, corps maltraité et violé, corps démoniaque etc...Un brin irrévérencieux mais toujours parfaitement construites, avec un travail sur la chute, les nouvelles de Claude Bolduc font mouche à tous les coups. Voilà sept nouvelles que je ne suis pas prêt d'oublier. Du grand art et donc chapeau l'artiste !

Note : 9/10 (Cruisader)

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