La Glace et la Nuit
Opus I - Nigredo

Cinq années après La Sève et le Givre, cinq longues années passées loin de la présence ensorcelante du monde de Vertigen et de l'amour impossible et absolu entre Finstern l'Obscur et Angharad la double, Léa Silhol nous fait l'immense cadeau de l'Opus I de la Glace et la Nuit, Nigredo, la suite tant attendue de la Sève et le Givre.
C'est donc avec délectation et presque avec une certaine appréhension révérencieuse que j'ai ouvert ce roman et que je me suis abandonnée à sa lecture. Quel bonheur ! Quelle leçon magistrale d'écriture et de noblesse, quel talent ! La Glace et la Nuit est un petit bijou, un petit chef-d'oeuvre qui nous emporte totalement en son sein empli de poésie et de beauté et dont on ressort ébahi, abandonné, nostalgique et presque envieux. Envieux d'un tel amour, d'une telle histoire, d'une telle féerie qui déborde du roman à chaque page, à chaque mot tant la cohérence et la beauté de l'ensemble est réellement magique. Ce roman est indispensable, que l'on aime ou non la fantasy, il est d'une rare beauté et d'une intelligence à couper le souffle. Sublime...

Deux cents ans auparavant, Angharad a renoncé au pouvoir après avoir déjoué la trame des Parques et s'être élevée contre le Destin qui faisait d'elle le châtiment de Finstern. Angharad, l'impossible alliance entre L'Hiver et le Printemps, l'aimée de l'Obscur, qui s'est retirée pour ne pas avoir à porter sur ses épaules l'avenir de tous le Royaume de Féerie. Pourtant, le jour est venu où Gaemred, la Reine de Neiges, sent la fin du peuple approcher, la division et l'anéantissement les guetter de plus en plus douloureusement. Seule Angharad peut désormais sauver le Royaume et les Cours et Gaemred va donc envoyer Kelis Demi-coeur, un sang-mêlé plus apte à voyager en Mortalité, à la recherche la "Très-Aimée".
Une quête périlleuse au cours de laquelle le jeune barde (bientôt Fili) rempli de doute devra prendre pleinement conscience de sa force et de ses ressources personnelles. Il sera la voix de la Glace et la Nuit, et nous suivrons les traces d'Angharad et de Finstern par son récit de voyage auquel viendront s'ajouter des chapitres à la troisième personne nous narrant les aventures épiques et palpitantes du Couple Royal dans leur course vers les Clés de Seuil. Car sur les traces d'Angharad, c'est aussi Finstern que Kelis retrouvera, lui le Roi si puissant, l'Obscur, qui a tout quitté pour suivre les traces de son aimé et lui faire admettre la force de leur amour. De Cours en Cours, de Clartés en Clartés, nous suivrons donc la quête de Kelis et déjoueront à ses côtés les pièges tendus pas les Monarques de Féerie. Jusqu'à la rencontre ultime, LA rencontre entre Kelis, Angharad et Finstern qui inaugurera la conquête de Seuil, la seule alternative possible à la sauvegarde du Royaume. Une décision lourde de conséquence qui annoncera le début de l'alliance et de la rébellion, le début d'un ordre nouveau. C'est une route semée d'embûche et d'énigmes, de combats et d'amour mais aussi de profonde loyauté que nos compagnons devront affronter, une route où se croiseront figures celtiques et mythologiques et qui est aussi un pont entre les différentes oeuvres de Léa Silhol. Attention chef-d'oeuvre...
Quel que soit le résumé que nous puissions faire de cette oeuvre magistrale, aucun ne saurait rendre assez hommage à la magie et la poésie qui se dégagent de ce roman, à la richesse de son ton et de son érudition, à la beauté de ses émotions et à la noblesse de ses personnages. Ici, tout est drapé d'élégance, de pureté et d'intelligence. La quête se fait épique, le ton est parfois incisif, les dialogues d'une richesse et d'une portée assez rares en fantasy pour être signalée. Pour moi, le maître mot de ce roman une fois refermé est Noblesse : noblesse des sentiments (rarement une histoire d'amour ne s'est enveloppée d'autant de beauté et de poésie), noblesse des actes, noblesse des personnages, noblesse des attitudes et noblesse du style. Léa Silhol nous livre ici un roman d'une intensité inégalable, ciselé comme un diamant d'une pureté incroyable où chaque mot trouve sa place et où chaque acte est empli de cette grandeur perdue, de cette beauté qui nous serre le coeur en nous faisant espérer mieux, en nous donnant envie de nous améliorer, d'atteindre nous aussi un jour un état de grâce qui ressemblerait au destin d'Angharad et de Finstern, à l'amour incomparable et si absolu qui les lie à jamais. Et à côté de cet amour intemporel, il y a l'action.
Car dans la Glace et la Nuit Opus I, aucun temps mort ne nous est accordé, Léa Silhol ne nous épargne aucun souffle, et surtout pas celui que l'on retient comme lors du combat de Finstern avec les neufs Roi morts... Mais je ne vous en dit pas plus, c'est à vous de découvrir ce petit bijou, à vous de faire revivre l'une des plus belles évocations de féerie qui m'ait été donnée de lire à ce jour. Et ce peut-être parce que l'auteure connaît son sujet sur le bout des doigts et qu'elle crée ainsi, au fils de ses oeuvres, une forme de multivers bien personnel qui allie avec talent toutes les légendes et les mythologies.
Que vous soyez amateur de fantasy ou non, que vous ayez déjà lu ou non un roman de Léa Silhol, peu importe. Lisez tout simplement la Glace et la Nuit et vous comprendrez ce que les mots féerie, magie, beauté et noblesse signifient réellement en littérature. Ne vous privez pas de ce roman, cela serait bien trop triste, il rend le monde plus beau si je peux me permettre. Alors merci Léa, merci aux Moutons électriques, et merci à Finstern et Angharad, la Dubailte, de nous faire rêver avec autant de puissance et de majesté...

Note : 10/10
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Chaperon Rouge



A propos de ce livre :

- Couverture d'Amandine Labarre, frontispice et illustrations intérieures de Dorian Machecourt.

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