Fils de la Haine

"Je suis fils de la haine et du carnage. Bientôt tous le sauront." Hong-Kong, XXIIème siècle. Une série de crimes atroces est perpétuée, de véritables carnages où les victimes s’amassent par centaines, atrocement mutilées et massacrées. L’auteur de ces meurtres réalisés au sein des sièges de certains grands congloms terrifie la population, les policiers et les miliciens car ces exactions ne peuvent pas être le fait d’une créature humaine : ils sont trop horribles, trop systématiques, trop inhumains. Mais alors, quelle est donc la véritable nature de cette créature meurtrière et assoiffée de sang ? Animale ? Cyborg ? Une intelligence artificielle ? Un humain aux pouvoirs décuplés ? Sur les traces de la créature vont donc se lancer Sayn Shanda, un super flic d’une unité d’élite, et sa coéquipière, Jiki, interfacée à la Trame. La Trame, c’est l’héritière de nôtre internet, sa forme évoluée après que notre réseau se soit phagocyté et dévoré de lui-même. La Trame, c’est donc un espace virtuel surdéveloppé dans lequel s’interfacent quelques petits génies de l’informatique dont fait partie Jiki. Sayn Shanda et Jiki, deux coéquipiers à l’absolue confiance réciproque, deux membres d’un seul esprit : l’un dans la basse réalité, le flic bourru et gros-bras, et l’autre dans la haute réalité, la réalité profonde, l’interfacée torturée et malingre. L’un dans l’action, l’autre dans la recherche de données pour une efficacité maximale. Patrick Eris reprend donc ici les termes effroyablement efficaces de haute réalité, réalité profonde et basse réalité à Jean-Marc Ligny et va les incorporer à son roman profondément teinté de cyberpunk avec beaucoup d’aisance et de talent. Les deux coéquipiers vont donc se lancer à la poursuite de la chose, de la Bête, et se retrouver confrontés aux rivalités des congloms, les grands complexes industriels, et aux complots basés sur les conflits d’intérêts et les recherches biotechnologiques à outrance.

Fils de la Haine est donc un excellent roman d’anticipation à la croisée du cyperpunk traditionnel à la Gibson, de ses héritiers cinématographiques tels que Matrix, Avalon ou Ghost in the Shell et des grands classiques tels que Frankenstein. Patrick Eris revisite et rend hommage aux grands de l’anticipation, du cyperpunk, de la technologie et de la folie créatrice. Les références sont multiples mais heureuses et l’on plonge pour notre plus grand plaisir dans un univers bien connu mais qui n’apparaît absolument pas comme une pâle copie ou un plagiat pur et simple. Non. On est vraiment entraîné par l’action qui est franchement haletante, extrêmement bien menée et qui ménage un suspens bien géré. Les révélations viennent à leur heure et l’horreur de la réalité fera appréhender le futur même aux plus optimistes d’entre nous… Fils de la Haine nous plonge vraiment dans un climat angoissant et oppressant, entre Moscou et Hong-Kong, un univers cloisonné, désenchanté, froid et corrompu qui n’a rien à envier à William Gibson. Sauf qu’ici, on est plus dans l’action brute et que son personnage principal Sayn Shanda est un homme de loi respecté et admiré, un homme rigide et engoncé dans son honneur, un peu perdu dans un univers en pleine transformation où l’hypertechnologie et les biomutations règnent de plein droit. Mais en plus de l’intrigue rondement menée, il y a aussi la structure qui est bien intéressante dans ce roman : jouant sur plusieurs époques, plusieurs lieux et plusieurs personnages, des "Intermèdes" viennent s’ajouter aux chapitres de la narration principale pour conter en creux la genèse des protagonistes et des actions. L’écheveau de l’histoire se démêle donc peu à peu et l’on en vient à comprendre rapidement les enjeux de l’intrigue et la nature profondément ambiguë de la Bête. A noter aussi que parmi ses références, Patrick Eris en vient à intégrer à son roman l’état virtuel existant réellement, le NSK, crée par les membres du groupe slovène électro-indus, Laibach. Fascinant de voir à quel point l’anticipation peut parfois rejoindre la réalité. Ce genre de roman nous fait vraiment envisager notre ordinateur et notre connexion internet d’un autre oeil ! Fils de la Haine est donc un très bon roman à recommander à tous les amoureux de cyberlecture que le style de William Gibson aurait définitivement repoussés : c’est bien écrit, avec une grande aisance et peu de temps mort, c’est intelligent - la réflexion sur la politique et les progrès scientifiques sont fort intéressantes - et cela nous plonge vraiment dans une cyberculture fouillée, passionnante et déchirante. Seul petit bémol, mais qui n’enlève absolument rien à la qualité de l’histoire : il serait bon de relire un peu mieux les épreuves car trop de fautes de typo gâtent un peu le plaisir de lecture. C’est dommage. Mais bon, passons, Fils de la haine de Patrick Eris est avant tout une lecture passionnante et très agréable qui vous entraînera d’un bout à l’autre du roman sans même vous en apercevoir !

Note : 8,5/10
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Chaperon Rouge



Avis des visiteurs :

- Un thriller vraiment bien construit et très bien écrit prenant place dans un univers cyperpunk prévoyant un peu ce que pourra être notre monde de demain. Le lecteur est tenu en haleine de bout en bout et prend grand plaisir à voir l'intrigue se dénouer. Une vraie réussite, un peu amoindri par quelques fautes de frappes et d'orthographes souvent présentes dans cette "petite" collection.

Note : 8/10 (.: gregore :.)

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