Le Festin des Ténèbres - L'Opéra de sang 2
(Personal Darkness)
Le premier tome de l'Opéra de Sang de Tanith Lee, La Danse des Ombres, nous avait laissé sur la fuite de Ruth après avoir incendié la Demeure et après avoir sauvagement assassiné la plupart de ses occupants. Les Scarabea doivent donc désormais faire le deuil des leurs, des créatures pourtant centenaires à les en croire, et retrouver une nouvelle Demeure, dans la dignité et le silence qui les caractérisent. Rachaela, la mère de Ruth, va donc suivre les Scarabea et s'installer avec eux à Londres, dans une vie qui va se reconstruire peu à peu dans sa quiétude, sa monotonie et son lancinant rythme nocturne.
Mais des événements étranges vont peu à peu apparaître au fil du temps : Camillo, comme Miranda, semblent en effet peu à peu rajeunir. Et d'autres Scarabea, une autre branche plus lointaine de la famille, vont soudain faire leur apparition dont Althène, la superbe et mystérieuse jeune femme et Malach, le sombre guerrier aux longs cheveux couleur de glace. Deux créatures à la fois terrifiantes et fascinantes qui n'auront pas fini de soulever des questions et des sentiments paradoxaux dans le coeur fermé et douloureux de Rachaela.
Mais pendant ce temps, la jeune Ruth poursuit sa route, laissant derrière elle des meurtres sauvages. L'enfant n'a alors que onze ans mais elle en parait déjà vingt et elle se conduit comme un vampire, tuant sans scrupule et buvant le sang de ses victimes. On lui a laissé entendre à la Demeure que les Scarabea étaient des vampires, alors elle se conduit comme telle, cruelle et insatiable. Comment le sillage de sang de Ruth pourra-t-il être stoppé ? Les Scarabea accepteront-ils un jour de croiser de nouveau son chemin, elle qui a plongé (une nouvelle fois ?) la famille ancestrale dans le drame et le meurtre ?
Une fois encore Tanith Lee nous plonge avec ce deuxième tome de l'Opéra de sang dans une danse macabre et parfois malsaine, au coeur de l'inceste, de l'amoralité, du meurtre et de la sensualité. La présence des Scarabea se fait à la fois plus rassurante et en même temps un peu plus surnaturelle, leur véritable nature devenant à chaque page à la fois un peu plus claire et un peu plus complexe. Car c'est ce qui fait toujours l'intérêt de ce second roman : il y règne une atmosphère sombre et étouffante, pleine de mystère, de trahison et d'incompréhension, et l'auteur ne nous dévoile que par touches infimes tout ce que nous mourrons d'envie de savoir.
Les relations entre les membres de cette mystérieuse famille sont toujours aussi perverses, notamment afin de perpétrer la lignée, et le sexe, le sang et l'honneur sont tous étroitement liés dans ce milieu clos et feutré. Les Scarabea ne vieillissent que très peu et une fois très vieux, ils paraissent rajeunir, ils ne vivent que la nuit, mais pourtant... Que savons-nous sur eux ? Presque rien. Comme Rachaela qui est pourtant une Scarabea et qui à près de 50 ans en parait à peine vingt cinq ou trente. Des êtres sans âge et peut-être sans âme, avec leur passé, leurs crimes et leurs tragédies et qui vivent réunis, tels des poupées de cire immuables dans leurs demeures luxueuses...
Ce second tome nous propose donc de suivre parallèlement le cheminement de Ruth, ses meurtres, ses rencontres, et la vie de Rachaela à la nouvelle Demeure. Un peu moins bon que le premier volet, le Festin des ténèbres se laisse pourtant lire très agréablement malgré un certain nombre de longueurs durant le premier tiers. En fait, c'est peut-être parce que ce roman est un petit peu moins original que le premier. Le profond mystère qui régnait sur le premier volet s'éclaircit peu à peu et l'entrecroisement des actions fait perdre en élégance à la narration.
Mais vers la fin, les événements vont se précipiter de nouveaux et l'on referme Le Festin des ténèbres sur un événement capital qui nous interdit de nous désintéresser de l'histoire ! La clé de cette trilogie se trouve dans Caïn l'Obscur, le troisième et dernier tome, et le Festin des ténèbres laisse donc augurer de très très beau morceaux de fantastique... Une trilogie qui est donc à conseiller aux amateurs d'ambiances pesantes et particulières et non aux amoureux d'angoisse, de frisson et d'hémoglobine. L'Opéra de sang fait dans le dérangeant, la préciosité, voire l'élégance, et le résultat est globalement très bon. Une fois encore la morale n'est pas sauve, mais on aime être emporté dans la suavité de l'écriture de Tanith Lee. On en redemande même !
Note : 7,5/10
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