La Famille du Vourdalak
(Sem'ya vurdalaka)

En 1815, lors d'une soirée entre gens de la haute société, le Marquis d'Urfé raconte l'histoire macabre qu'il a personnellement vécu une cinquantaine d'année plus tôt : sa rencontre avec une famille de paysans serbes sous la menace d'un vourdalak. Il narrera les méfaits dudit monstre, et ce en deux temps : son apparition, et la conclusion de cette histoire.
Avec une grosse élipse entre les deux, puisque Urfé s'était éloigné de cette famille durant quelques temps, ce qui permet à Tolstoï (pas Léon, mais son moins célèbre cousin) de faire de sa seconde partie une seconde histoire à part, au début de laquelle autant son personnage principal que ses lecteurs ne savent plus à quoi s'attendre. Un procédé qui, en outre, permet de mettre en avant les conséquences du vampirisme : bien entendu, dans l'intervalle, certains humains seront devenus des monstres, et leurs comportements permettra donc de définir au juste quels sont les traits de caractère d'un vourdalak. Car la nouvelle de Tolstoï date ne l'oublions pas de la période pré-Dracula, et donc d'avant la popularisation du mythe du vampire. Un mythe très largement répendu dans les folklores européens dont il s'agit ici de la variante russe, bien qu'à vrai dire il n'y ait guère de différences entre le vampire tel qu'on le connaît et le vourdalak de la tradition russe. Tout juste peut on noter que le vourdalak s'en prend uniquement à sa famille et à ses amis proches.

Bien sûr, pour les lecteurs du vingt-et-unième siècle que nous sommes, toute l'intrigue de cette nouvelle pourra sembler très fine et pleine de clichés (disparition d'enfant, visage blafard apparaissant au milieu de la nuit, préparation du pieu...). Mais n'oublions pas qu'à l'époque de sa rédaction, en 1847, le mythe tenait encore du folklore et non du phénomène culturel de masse, et Tolstoï s'est probablement évertué à retranscrire la peur qu'une telle créature pouvait inspirer dans les communautés paysannes reculées. Ce n'est donc pas non plus pour rien que l'histoire du vourdalak constitue un récit dans le récit : se faisant, l'élément folklorique est transmis à la connaissance d'une société matérialiste post-révolutionnaire (dans laquelle on peut également voir les lecteurs de l'époque, certainement peu habitués à de tels récits), très loin de la paysannerie serbe et d'autant plus décontenancée par une telle aventure.
Une nouvelle qui porte donc sur la paysannerie d'un pays slave reculé, certainement calculée pour inspirer le mystère et l'angoisse au lectorat de l'époque, sans distinction d'éducation ou de culture (le récit entretenant également l'oralité d'une légende comme celle-ci). Une époque dorée pour la littérature russe, se basant à la fois sur son propre foklore, mais également ici sur l'engouement né au début du siècle en occident pour le genre fantastique dans le sillon du mouvement gothique littéraire. C'est à travers des récits comme la Famille du Vourdalak que naîtra plus tard le Dracula de Bram Stoker. Chaudement recommandé, donc.

Note : 7/10
Moyenne des votes : 7/10 (1 vote)

Walter Paisley



A propos de ce livre :

- Cette nouvelle peut également être trouvée chez Presses Pocket, dans la collection "La Grande Anthologie du Fantastique". Cette collection est elle-même découpée en plusieurs thèmes : "Histoires de Monstres", "Histoires Démoniaques", "Histoires de Fantômes"... Ici, il s'agit des "Histoires de Morts-Vivants".

Psychovision © 2002-2008 | Contact | Partenaires : Films d'animation