Et toujours le bruit de l'orage

Justine Niogret. Retenez bien ce nom car je pense que vous n'avez pas fini de l'entendre après ce magnifique premier recueil que nous offre l'auteur. Un recueil coup de poing, marquant, puissant, fracassant qui happe le lecteur par son écriture viscérale pour ne plus lâcher. Une promenade tourmentée et souvent troublante au coeur de l'univers de Justine Niogret, pas forcément une promenade de santé, mais en tout cas une promenade inoubliable au coeur d'un monde tourmenté, écrasé par la moiteur de ces orages d'été ou ébranlé par le fracas du tonnerre qui déchire le coeur des hommes. L'écriture de Justine Niogret est sans concession, sensitive, brutale et chargée d'émotion. Des adjectifs qui ne vont habituellement pas forcément de paire mais qui s'assemblent ici à merveille tant la palette des sentiments qu'elle nous offre à lire est vaste et maîtrisée.

Nostalgie et douleur semblent d'ailleurs très présents dans ce recueil, la mort, le deuil, la nostalgie de l'enfance, la perte de l'être aimée, la mort du père, toutes ces tragédies que l'auteur nous rend avec une acuité déchirante. J'ai été profondément bouleversée par la nouvelle intitulée "Bayou", dans laquelle une jeune femme retourne dans la maison nichée au coeur des marais où est mort son père. De même "Styx" est un cri déchirant, le cri de douleur de celle qui veut oublier pour ne plus souffrir, le choix de l'abnégation totale pour enfin cesser de se rappeler celui qui nous a quitté et enfin mettre à un terme à l'insoutenable douleur. Une nouvelle bouleversante d'émotion où l'écriture de l'auteur, ici peut-être encore plus qu'ailleurs, fait mouche à chaque phrase. Car Justine Niogret écrit d'une manière bien particulière, avec un style métaphorique et lancinant, lourd de symboles, haché et en même temps fluide, avec toujours ce jeu sur la répétition qui donne un mouvement et une ampleur propres au texte, une tonalité parfois réellement éprouvante. Ce n'est pas une écriture facile, mais bien au contraire une écriture qui se vit, qui se ressent, qui prend au tripe et qui s'offre. Une plume résolument moderne et la plupart du temps très maîtrisée. Une écriture qui ne s'oublie pas si facilement.
Mais à côté de la douleur, il y a aussi la cruauté. Une cruauté d'autant plus marquante qu'elle est souvent le fait des enfants, comme dans "Les Autres", une nouvelle précédemment publiée dans la revue Monk et qui m'avait à l'époque déjà interpellée. Mais il y a aussi la Grange et cet étrange petit garçon au coeur noir et aux remarques acerbes, ainsi que la vengeance et la rancune des amours de jeunesse de la superbe nouvelle "Un chant d'été". Arrêtons-nous un instant sur ce texte si vous le voulez bien. Pourtant presque anodine dans son thème - des enfants se retrouvant chaque année en un lieu de vacances auprès d'une idole d'argile qu'ils ont innocemment façonné de leur mains d'enfants, les espoirs et les amours naissant, l'adolescence et les rancoeur - cette nouvelle m'a complètement happée. Elle dégage une puissance et une atmosphère magique, sensible et poignante mais en même temps toute simple. Une nouvelle sans grands effets mais qui touche son lecteur par petites touches pour l'emporter très loin. Une vraie réussite. Je ne pourrais pas parler de tous les textes, mais il y a aussi "échanson, je boirais même ta colère", un superbe titre pour une nouvelle vraiment étrange. Je dois reconnaître que je n'y ai pas tout saisi, mais vous plongez ici dans une un délire organique, violent, charnel et sanglant et en même temps poétique. A lire absolument, ne serait-ce que pour ce faire sa propre idée car je crois que cette nouvelle peut se prêter à de multiples interprétations.Mais il y a aussi la très belle "Deux ou trois choses que je sais de vous" ou l'histoire d'un robot rêvant des hommes pour son plus grand malheur et celui de son peuple et "le jour de la Belladone", une histoire une fois encore pleine de violence, de monstres cachés et de désespoir.
Et Toujours le Bruit de l'Orage est un ouvrage saisissant et charnel, plein de colère, de fureur, de haine et de passion. Justine Niogret nous offre une écriture à fleur de peau, à fleur de mot et chaque nouvelle frappe le lecteur de plein fouet. Ce petit bijou est en plus servi dans un bel écrin puisque la couverture de Hérysis est tout simplement magnifique, en parfait accord avec le recueil. Dommage juste que les illustrations intérieures ne soient pas toutes à la hauteur de cette couverture. Une magnifique découverte une fois encore, un ouvrage que je vous recommande chaudement.

Note : 8,5/10
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Chaperon Rouge



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