Elric des dragons
(Elric of Melniboné)
Elric est un mythe, l'un des plus beaux cycles d'Héroïc Fantasy qu'il m'ait été donné de lire. Une des oeuvres les plus poignantes d'originalité, de beauté, de contradiction, de style et de force. Mon petit Robert ne contient pas assez de superlatifs et d'adjectifs en tout genre pour dire tout l'amour que je porte à cette oeuvre. Bref, le cycle entier d'Elric est un chef-d'œuvre. Elric des dragons est le premier tome d'une série qui en comprend neuf.
Le roman comporte certes tous les poncifs du genre, mais il fait partie de ces lectures que l'on se surprend à faire à voix haute, comme si l'on se racontait à nous-même l'histoire qui défile devant nous comme un film en technicolor sur grand écran. Un livre d'aventure, d'amour, d'évasion et bien plus encore.
Elric est l'empereur de Melniboné, l'île aux dragons. Mais le royaume de Melniboné n'est plus ce qu'il fut. Les dragons sont endormis au creux des cavernes millénaires, le peuple est las des fastes et des fêtes. Son empereur, celui qui siège sur le trône de Rubis, est un peu à l'image de sa cité. Un roi fatigué par la maladie et par les drogues qu'il est obligé d'ingurgiter pour tout juste se maintenir en vie. Certains murmurent même que l'empereur est incapable de régner, qu'il est trop faible physiquement et que sa politique est mauvaise, trop laxiste, trop faible, trop humaniste.
C'est entre autres ce que pense son cousin le prince Yyrkoon, un être mauvais au pouvoir magique terrible. Une rivalité tenace amène nos deux personnages à se mener une lutte sans merci, une lutte faite de guerres et de coups bas, de magie et de duels à l'épée. D'autant plus qu'entre les deux hommes il y a une jolie jeune femme, cousine d'Yyrkoon : Cymoril. Une lutte sans merci qui conduira nos personnages jusqu'au coeur de l'enfer...
Oh, bien sûr, vu comme ça, ce livre est un "vulgaire" livre d'heroïc-fantasy, un livre parmi tant d'autres répondant à un schéma bien défini. Mais Moorcock va bien plus loin et tout son génie se situe là.
Un roman d'aventure, épique, comme ces combats contre les pirates des jeunes royaumes, où la plume de l'auteur ne touche terre, nous faisant nous envoler au-dessus des flots comme pour mieux nous permettre d'appréhender ces combats hauts en couleur.
Un roman de trahison et d'amour, où nous voyons chevaucher Elric l'empereur albinos au côté de la jolie Cymoril, une scène d'amour simple et belle, où les deux corps se lient sous une pluie d'orage annonciatrice de tout un cycle de malheurs et de quêtes.
Un souffle magique et poétique se répand sur l'ensemble de ce court roman, chef-d'œuvre absolu d'intelligence et de beauté. Yyrkoon le traître sera-t-il vaincu par Elric ? Et si l'empereur était obligé de s'allier à Arioch, maître des enfers et du chaos ? Cymoril sera-t-elle sauvée ?
Magie et combats fastueux ne sont pas les uniques temps forts de ce roman. Moorcock a mis beaucoup de lui dans son récit, beaucoup de réflexion, de passion et beaucoup de sa personne :
"(...) dans ses premières aventures, Elric se déplaçait dans un univers assez semblable au mien. Pour moi, Elric c'était moi (tout au moins le moi des années 60). Nous avions en commun les mêmes caractéristiques troubles du traître et du trahi, un abasourdissement identique face à l'existence et le même désir de trouver des solutions ; car toutes ces formes d'incompréhension menant à la violence, au cynisme ou au désir de puissance, tout cela venait de moi."
Voilà, une fois de plus c'est Moorcock lui-même qui nous offre de sa plume la clef d'un univers bien particulier et infiniment plus complexe et cet univers, c'est le sien.
Effectivement, Elric est un personnage infiniment plus compliqué qu'il n'y parait... Faible, il veut devenir fort sans y parvenir. A deux reprises il a l'occasion de tuer la source de tous ses soucis, Yyrkoon, mais il ne peut pas, il n'y arrive pas...
Elric est un faible là ou il devrait être un tyran, il est un personnage en quête de forme, en quête d'un autre lui-même, d'autres appelleront ça le destin. Elric est en quête d'un destin, en quête d'un caractère, il doit devenir. Qui pourra l'aider ?
Elric des dragons se présente donc comme une sorte de long monologue intérieur ponctué de grands moments de bravoure et de fabuleux moments épiques. En un mot, il s'agit là d'une fabuleuse épopée, à mon sens l'une des plus importantes dans le monde de l'héroïc fantasy (avec celle de Conan) qui en plus de nous faire passer un bon moment nous permettra de réfléchir sur le sens de la vie, sur l'humain et même sur le monde qui nous entoure. Un must pour tout les fans de ce genre de récit et parfait pour tout ceux qui souhaiteraient découvrir la vrai héroïc fantasy.
C'est toute la vie de Moorcock dans les années 60's, c'est tout le travail fabuleux d'un écrivain en quête de lui-même, un romancier qui de son propre aveu est un musicien frustré, c'est toute la vie d'un homme qui cherche à se construire et qui est en lutte avec lui-même. C'est toute la force de cette géniale épopée, c'est l'histoire d'un homme, c'est notre histoire, c'est la vie de l'individu pris dans ses propres tourments et qui sait que son pire ennemi, c'est lui-même.
Un chef-d'oeuvre de la littérature !
Note : 10/10
Moyenne des votes : 10/10 (1 vote)
Cruisader