Days

Bienvenue chez Days, le premier et ("d'aucuns le pensent encore") le plus beau Gigastore du monde. Mais attention, ne confondez pas un Gigastore avec nos pauvres Hyper marchés, non, non. Un Gigastore, c'est un monstrueux complexe où tout ce qui peut être vendu y est vendu, des chaussettes dépareillées aux filles de joie en passant par les livres, la gastronomie du monde, les cravates, les horloges, les instruments de musiques et les collections les plus folles. TOUT se vend, mais essentiellement aux plus riches. Car pour avoir un compte chez Days et posséder une de leurs cartes (de la pitoyable Aluminium pour les moins nantis à l'incroyable Osmium), il faut un compte suffisamment approvisionné.
Alors ceux qui ne peuvent pas avoir de compte se contentent d'errer des journées entières devant les vitrines vivantes ou alors, pour les plus persévérant, ils triment toute leur vie pour espérer un jour avoir l'autorisation d'ouvrir un compte. C'est le cas du couple Trivett, Linda et Gordon Trivett. Pendant plus de trente ans, ils ont fait des économies de bout de chandelle pour enfin obtenir leur carte (mais attention, pas une vulgaire Aluminium, le couple visait une Silver, le niveau au-dessus !) et au bout de longs sacrifices et d'une vie peut-être gâchée en vaines illusions, le jour tant attendu est arrivé : ils ont leur carte, il vont enfin pouvoir entrer dans le Gigastore et découvrir de leurs propres yeux le monde dangereux, violent, hystérique et impitoyable de la consommation à outrance.
Le monde implacable des ventes flash ou durant cinq minutes un rayon donné des 777 rayons (maintenant 666 depuis que les que les sept frères qui dirigent le Gigastore se sont attribué le septième et dernier étage) va bénéficier d'une remise de 20 à 25 pourcent. La folie humaine n'a alors plus de limites : à la vague de clients enragés qui déferle alors durant ce laps de temps va rapidement se succéder des vagues de délires collectifs qui finissent le plus souvent dans la violence, dans les coups et dans les plus basses perfidies. Tous les coups sont permis pour faire une bonne affaire... Même si trente seconde plus tôt, vous n'auriez même pas songé à vous acheter le produit ! 20 pourcent cela ne se rate pas et survivre à une vente flash de Days en faisant partie des privilégiés qui sont parvenus à passer aux caisses dans le temps imparti relève de la prouesse... C'est donc dans ce monde impitoyable que Linda et Gordon vont se trouver projetés, simplement armés de leur naïveté et de leur désir ardent d'acheter, d'être reconnus comme des Clients de Days...

Mais pour faire régner l'ordre dans ce gigantesque complexe, il y a des vigiles, mais aussi et surtout les membres de la police tactique, les "fantômes" dont Franck Hubble fait partie depuis bientôt trente ans. Des policiers qui doivent passer inaperçus dans la foule pour appréhender les voleurs. Et ces fantômes ont le permis de tuer. Chez Days, un voleur en fuite peut être tué, c'est la règle. Comme je vous l'ai dit, dans ce microcosme, tous les coups sont permis.... Mais Franck n'en peut plus de cette vie. Une vie de fantôme où lui-même ne se reconnaît plus dans les miroirs, une vie dédiée corps et âme à ce monstre qui est Days.
C'est donc une journée chez Days à laquelle nous allons assister : une journée où tous les événements vont se cristalliser minute après minute autour du couple Trivett et de Franck Hubble. Une journée qui marquera à jamais le restant de leur vie.... (Aidé en cela par une querelle de longue date entre le rayon livres et le rayon informatique !).
Mais Days, c'est aussi les Sept frères qui le dirigent, les sept héritiers de Septimus Days qui a fondé toute la réussite de son entreprise sur la symbolique du chiffre sept. D'ailleurs, tout le livre tournera autour de cette symbolique par l'exergue emblématique de chaque chapitre qui est une information sur la récurrence du 7 dans le monde et dans l'histoire. Ce chiffre parfait, mais aussi la symbolique manichéenne du blanc et du noir, le logo de Days, qui jalonne l'ensemble du Gigastore mais aussi du roman.
Bon, comme vous l'avez sans doute compris, Days n'est pas un roman franchement évident à résumer ! Avec un arrière plan assez complexe et ce découpage par heure, il y a matière à parler... Mais au final, ce qui ressort de ce roman, c'est surtout le sentiment d'une excellente lecture. Sur le mode de la critique et de l'anticipation, James Lovegrove nous peint un portrait extrêmement sombre (mais peut-être malheureusement pas excessivement) de notre société et du comportement humain. Certains passages tombent franchement dans le burlesque, certes, mais lorsque vous voyez à la télévision les images de ces centaines de personnes qui se ruent dans les magasins à l'ouverture des soldes, vous vous dîtes, qu'on n'est peut-être pas si loin de la fiction...
Le style est fluide et enlevé et l'on ne s'ennuie pas dans Days. Les personnages sont tous extrêmement attachants, chacun à leur manière, et la construction est très travaillée, notamment au niveau des exergues de chapitres sur la symbolique du sept et le rapport avec les événements narrés. James Lovegrove en fait parfois un peu trop et il y a un côté un peu répétitif au roman vers son milieu, mais au final, Days est vraiment très bon. La critique est certes facile, mais il fallait la faire. Et l'environnement du Gigastore est vraiment bien rendu. Ces sept frères oscillent entre la sympathie et la folie la plus pure et l'on est vraiment pris dans l'intrigue et dans le défilement des heures marquées par un peu plus de folie à chaque page. Tout se vend, tout s'achète et les gens mourraient pour consommer. Constat cynique mais peut-être bien vrai et Days nous renvoie aux parties les plus sombres de nos comportements. Drôle, sarcastique, ironique, tragique, burlesque, Days est un peu tout cela et tombe finalement assez juste. Du beau travail ! Une lecture que je vous conseille chaudement.

Note : 8,5/10
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Chaperon Rouge



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