Coraline
Coraline est une "exploratrice", une vraie ! Et cela tombe plutôt bien pour elle car cette fillette maligne et intrépide vient d'emménager avec ses parents dans une grande et étrange maison remplie de recoins à explorer. Et je ne vous parle pas du jardin... Un vrai régal pour cette exploratrice en herbe ! Mais Coraline ("Pas Caroline, martèlera-t-elle tout au long du roman, Coraline !") s'ennuie ferme : ses parents sont bien trop occupés pour jouer avec elle et le jardin et la maison auront bientôt rendus tous leurs secrets... Heureusement, il y a tout de même des voisins hors du commun pour lui faire passer un peu le temps : deux anciennes actrices excentriques toujours prêtes à bavarder autour d'un bon thé accompagné de délicieux petits gâteaux et un éleveur de souris savantes un peu toqué. De sacrés personnages qui plantent d'emblée le décor doucement halluciné du court roman Coraline de Neil Gaiman.
Pourtant, il y a bien deux choses qui résistent à la curiosité insatiable de Coraline et qui n'ont de cesse de titiller son penchant aventureux : tout d'abord, un étrange chat noir capricieux et un tantinet snobinard qui refuse de se laisser approcher et caresser. Une honte ! Et surtout une grande déception pour la petite fille solitaire... Mais surtout, il y a cette étrange porte verrouillée à double tour au fond de la maison et dont la clef est cachée avec interdiction formelle de s'en approcher. Et comme chacun le sait, une interdiction est très certainement ce qui éveille le plus au monde l'intérêt et la curiosité d'une exploratrice de la trempe de notre Coraline ! Pourtant, chose encore plus étrange, un jour que sa mère l'ouvrait pour vérification, Coraline a bien vu que cette porte donnait sur un mur de briques. Très étrange...
Et un jour, la petite parviendra donc à s'emparer de la clé ouvrant la mystérieuse porte et se faufilera dans le sombre couloir qui lui apparaît : le mur a en effet subitement disparu et devant elle se dessine un passage vers un endroit inconnu et intriguant... Se sera pour Coraline le début d'une série d'aventures effroyables, terrifiantes mais aussi terriblement passionnantes dans un univers qui ressemble pourtant pour deux gouttes d'eau au sien. Il y a son père, sa mère, la maison, le chat, etc. Mais ici, ils sont tous prêts à faire leur possible pour la garder auprès d'eux et s'occuper d'elle comme elle le voudrait, la gâtant et la câlinant jusqu'à n'en plus pouvoir. Un monde idéal en quelque sorte, à ce détail près que ces parents de substitution sont très inquiétants, qu'ils ont de gros boutons noirs à la place de yeux et qu'ils refusent de la laisser retourner dans son véritable monde... Comment Coraline parviendra-t-elle à déjouer les pièges de ces créatures et à rejoindre sa vraie famille ?
Première incursion de Neil Gaiman dans le monde de la littérature jeunesse, ce Coraline est un véritable petit bijou de fantaisie macabre, d'une délicate noirceur et d'une poésie très proche de celle d'un Tim Burton. Ne soyez surtout pas rebutés par l'appellation "jeunesse" de ce roman, il a l'étrange capacité de s'adapter à toutes les attentes : assez enfantin pour ne pas trop choquer les plus jeunes, mais jamais assez mièvre ou niais pour repousser les adultes. Certes, je ne le mettrai tout de même pas dans les mains de petits lecteurs trop sensibles, on ne sait jamais !
Quoiqu'il en soit, Coraline est une merveilleuse histoire d'univers parallèles très empreinte des thèmes de prédilection de notre cher Neil Gaiman : ici encore nous retrouvons avec bonheur cette image d'un univers en négatif du nôtre qui accentue tous ses travers de manière à la fois noire et poétique. Plein de fantaisie et de trouvailles, ce roman est vraiment à cheval entre un univers à la famille Adams et une réécriture moderne d'Alice au pays des merveilles ou surtout de l'Autre côté du miroir de Lewis Carroll. Heureusement que la jeune Coraline saura se trouver un allié de choix pour affronter les monstres tout droits issus d'un cauchemar typiquement enfantin (un double maléfique de nos propres parents et de notre maison) et trouver sa véritable voie au milieu des chants délétères de sirènes lui promettant jouets, bonbons et cajolerie en échange de ses yeux et pourquoi pas, de son âme...
Le style de Neil Gaiman est ici vraiment superbe : enjoué, haletant, naïf mais jamais niais, simple, efficace et drôlement adapté à tous les publics. Un bel exercice de style ! C'est vrai que pour les plus insensibles ou amateur de sensations fortes d'entre vous, l'histoire sera peut-être un peu simplette et gentillette. C'est sûr que ce n'est pas ici qu'il faut chercher du thrash et de l'hémoglobine, non. Ici, tout est en ambiance et en macabre innocemment pervers et si on est sensible à cet univers, on suit alors avec délectation le périple de la jeune Coraline comme une plongée dans notre inconscient et dans nos peurs enfantines les plus primales.
C'est un superbe conte qui reprend au genre tous les archétypes essentiels et les structures internes fondamentales et Gaiman joue avec brio avec les cordes les plus sensibles de notre part d'enfance. L'auteur s'amuse et joue à se faire peur et cela marche à cent pourcent : on adhère à cette étrange histoire et l'on s'attache bougrement à la petite Coraline. Alors si la condition pour lire des romans qui nous font rêver et vivres des aventures palpitantes et oniriques est de se plonger dans un roman dit "jeunesse", alors je dis oui sans hésiter ! En plus, si c'est du Neil Gaiman, comment refuser le voyage...
Note : 8/10
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Chaperon Rouge
Avis des visiteurs :
- Assez étrange cette oeuvre destinée à un jeune public amateur de sensations fortes, étrange par l'univers dessiné par Gaiman, un reflet un peu pervers et malsain de notre monde de tous les jours mais aussi étrange par l'efficacité de l'auteur à rendre son histoire inquiétante à tel point qu'il pourrait vraiment marquer un public un peu trop jeune ou sensible ! C'est peut être même l'un de ses romans les plus dérangeants, on est très proche en effet d'un Tim Burton et comme pour L'étrange Noël de Mr Jack, Coraline est une oeuvre à découvrir mais pas forcement par tous...
Note : 8/10 (.: gregore :.)