Les contes de la fée verte
(Swanp Foetus)

Lecteur prend garde et écoute. Il me faut t'aviser et te prévenir car le chemin que tu t'apprêtes à prendre en ouvrant ce livre n'est pas de tout repos.
La dame, fort jolie du reste, est américaine. Une américaine de la New Orleans, connaissant le vaudou, les moindres recoins des marais pestilentiels qui entourent la ville aussi bien que cette maison maléfique où un jour, un certain Charles Manson a pénétré afin d'accomplir sa tragique destinée.
C'est très certainement là que Poppy Z. Brite puise son inspiration, là qu'elle se perd et laisse sa porte ouverte à tous les cauchemars et les pires atrocités qui pourraient traverser son esprit. Encensée par Dan Simmons, saluée par King comme une prêtresse du genre, Brite dépasse pourtant très rapidement les deux maîtres et avec ces douze nouvelles ici publiées en un seul volume, elle nous offre une véritable anatomie de l'horreur et du macabre.

Anatomie disais-je ? Oui, car Poppy aime les corps, les corps qui s'aiment et qui s'entrelacent, les corps de jeunes homosexuels, sombres et mystérieux qui ont tous un peu des allures de Rock star gothique. Mais Z. Brite aime surtout les corps que l'on exhume encore chauds, les cadavres qui vous entraînent avec eux jusqu'aux portes de l'enfer, les corps qui saignent et qui se mutilent.
Cendres du souvenir et du désir nous décrit froidement et sans mystère un étrange avortement qui tourne mal. Etranges autant que gores, certaines nouvelles nous plongent carrément dans un univers digne des Zombies de Romero ou du film Dellamorte Dellamore. Je pense entres autres à cette nouvelle intitulée Calcutta, où le fleuve du Gange charrie des morts vivants que peut-être une balle en or ou en argent pourra rendre au royaume de l'enfer, à moins que Shyva ne demande encore et encore des sacrifices.
Certaines nouvelles, comme celles que je viens de citer, ressemblent presque à de simples promenades au sein d'une indicible horreur. Ce qu'il y a de plus troublant encore c'est qu'à chaque fois ces événements sinistres arrivent dans la plus ordinaire des villes, la plus ordinaire des rues, nous montrant avec noirceur et pessimisme les actes les plus barbares de notre vie que sont le viol, le suicide et tout autre forme de violence urbaine.
Peut-être que parfois Poppy en fait un peu trop mais tu es averti maintenant, lecteur. Car attention, si parfois il y a de la démesure jamais l'auteure ne nous plonge dans le grand guignol ou l'inutile bain de sang. C'est un véritable ravissement pour les sens à condition d'avoir le cœur bien accroché.
Simple, le style de Brite nous entraîne directement au coeur même de l'horreur et ne s'ennuie pas de surplus et de mélodie inutile. Tout est direct et simple, c'est très certainement ce qui ravira et plaira même à ceux qui ne sont pas habitués ou réfractaires à la lecture.
Les puristes auront peut-être à reprocher aux douze nouvelles ici présentées une construction parfois un peu hors norme aux yeux de ce que demande la classique construction d'une nouvelle. Peu importe si les chutes sont parfois trop sommaires ou s'il n'y a pas vraiment d'histoire. Poppy montre un certain talent pour dépeindre des ambiances malsaines et au passage d'un chapitre on s'entend lire à haute voix une poésie noire et sombre. Le lecteur plonge alors dans une horreur sordide jamais éloignée de notre quotidien.
Les personnages sont pour la plupart étroitement liés à une certaine culture gothique. Ainsi, deux personnages récurrents dans l'oeuvre de l'auteur et apparaissant ici au détour de deux nouvelles, semblent tout droit sortis d'un groupe de musique gothique type Bauhaus ou Joy Division. Il faut dire que la dame s'y connaît en terme de musique gothique et elle n'a pas attendu Marilyn Manson pour se plonger corps et âmes dans cette culture.
Les deux personnages que sont Ghost et Steve apparaîtront par la suite dans le brûlant roman Les âmes perdues. Nous les trouvons entre autre ici aux prises avec une armée de SDF, personnages hideux qui sont pareils à des lépreux traînant dans les rues de New York, ville qui devient sous la plume de Poppy Z.Brite une sorte d'obscur no man's land ou il ne fait pas bon vivre (Prise de tête à New York).
Te voilà prévenu lecteur. Ici tout n'est qu’horreur, gore et macabre. Les écrits de Brite sont sombres, malsains, emplis d’une sensualité étrange qui pourrait bien te mettre profondément mal à l'aise. Résisteras-tu aux effets de la fée verte ? Pour cela, il faut y goûter non ? Alors je te laisse succomber au déroutant vertige que Poppy Z.Brite va faire naître en toi... Mais prend garde il parait qu'à la fée verte on peut vendre son âme et par la même la perdre. Te voilà prévenu... Bonne lecture.

Note : 9/10
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Cruisader



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