Le Club des petites filles mortes

L'éditeur Bragelonne a eu l'excellente idée de regrouper plusieurs romans de la célèbre Gudule dans un superbe recueil. On se retrouve avec plaisir dans un univers lugubre à souhait où règne la souffrance. En particulier pour les petites filles qui semblent être ses victimes favorites. Il faut dire que l'auteur semble prendre un certain plaisir à leur faire subir les choses les plus atroces dans des textes où chaque mot est un coup de poing.
Parlons d'abord de Dancing Lolita et Repas éternel, deux récits d'anticipation qui proposent un futur proche et terriblement crédible. Dans le premier, on se retrouve dans un futur où un médicament à permis aux personnes âgées de redevenir des enfants, au grand plaisir de certains pervers qui peuvent assumer leur pires fantasmes. On y suit le destin de Mina, une fillette qui a fugué à cause des viols répétés de son beau-père, et celui d' Abel Féval, un journaliste en quête de sa mère. Dans le second, l'être humain semble être devenu une nourriture providentielle où les malades et les personnes considérées comme des rebuts finissent dans des camps. Seul quelques riches semblent pouvoir s'offrir une mort digne et décider en quel mets il seront recyclés. Le parcours de Tatoo, jeune femme rejetée, et d'un petit groupe de privilégiés va nous faire découvrir ce monde. Les deux futurs proposés sont particulièrement effrayants et on aimerait pas vraiment y vivre. Les histoires proposées par ces deux textes sont assez classiques mais terriblement prenantes et Repas éternel tire son épingle du jeu grâce à des images si horribles qu'elles en deviennent drôle. Pas de doute, Gudule utilise l'humour noir et le cynisme à la perfection mais sait envoyer également des uppercuts à ses lecteurs.

Ensuite, on pourra évoquer Gargouille et La baby-sitter qui sont deux romans à tendance horrifique. Gargouille conte l'histoire de femmes qui doivent se retrouver sur le lieux de leur ancienne école et reprendre leur photo de classe afin de tenir une promesse qu'elles s'étaient faite à l'époque, mais le spectre du pensionnat semble leur en vouloir. Ce récit est assez conventionnel mais la touche de Gudule apporte une note originale et arrive à nous faire prendre en pitié le meurtrier qui apparaîtra plus comme une victime. Dans la babby-sitter, Lucie, une jeune femme, doit garder deux jumeaux, Violette et Cyril, pour trois jours dans une maison perdue. Au fur et à mesure qu'elle leur raconte des contes de fées, Lucie va voir son passé douloureux remonter à la surface et devenir folle. L'opposition entres les contes et le passé de l'héroïne est particulièrement intéressant. Ainsi, un homme qui a voulu abuser d'elle et tenté de la tuer devient le grand méchant loup dans le Petit Chaperon Rouge et la belle-mère violente et alcoolique devient l'horrible marâtre de Blanche-Neige. Cela participe à l'ambiance violente du récit qui nous maintient en haleine jusqu'à sa fin et qui est loin des happy-end qu'on trouve d'habitude dans ce genre de récit. Il faut dire que les fins joyeuses sont rares chez Gudule ! Et on ne peut pas vraiment en faire quand on explore les parties les plus sombre de la conscience...
Il est le temps maintenant de passer à nos petites filles et particulièrement avec trois textes : La Petite Fille aux Araignées, Mon âme est une porcherie et Petite Chanson dans la pénombre. Le premier est l'histoire de Miquette qu'elle va nous conter depuis l'hospice où elle se trouve. Elle va nous raconter comment elle a vu un acupuncteur faire vieillir sa mère et faire rajeunir sa grand-mère. Le second, Mon âme est une porcherie, est celui que va nous faire une jeune femme depuis un hôpital. Elle va nous raconter comment elle a piqué un peluche porte bonheur en forme de cochon à son amie, la superbe Jennifer afin de devenir belle, vu que tout le monde la trouve affreuse, même sa mère. Après s'être fait reprendre la peluche, elle va vouloir que son amie soit défigurée. Son voeu va être exaucé puisque le lendemain matin, la mère de Jennifer va retrouver sa fille morte et défigurée à coup de couteau dans son lit. L'histoire d'amour entre la jeune femme et le cochon va commencer... Jeanne, l'héroïne de Petite Chanson dans la pénombre nous conte son histoire depuis la tombe où son assassin et violeur l'a caché et va nous montrer comment elle a assouvi sa vengeance grâce à une autre petite fille. Ces trois textes sont parmi les plus forts et les plus intéressants dans les récit proposés. Gudule nous raconte avec des mots de jeune femme, voire de fillettes, des événements horribles, ce qui les rendra bien pire encore. Dans les deux premiers, on est en présence de deux récits fantastiques où l'on se demande ce qui vient de la folie des narrateurs et ce qui tient du réel. Cette petite touche ajoute un supplément à la saveur de ces récits. Le troisième, qui est clairement fantastique, nous décrit quant à lui une fillette revancharde, mais pas sans raison. Ces trois récits sont réellement éprouvant et on en ressort pas vraiment indemnes. L'écrivain semble prendre un malin plaisir à malmener ses lecteurs...
Pour finir, il serait dommage de ne pas évoquer le dernier récit, Entre chien et louve. Un vieillard qui vient de mourir se retrouve réincarné dans un corniaud avec les souvenirs de sa vie précédente. Il va aller retrouver la femme qu'il a aimé quand il était un homme, une africaine qui l'avait ramené dans son pays. Il va sous sa nouvelle forme découvrir que son épouse ne l'aimait pas vraiment. Ce récit est le moins fort du recueil mais aussi le plus poétique. Il nous montre une autre facette d'une auteur particulièrement talentueuse. Si vous avez le coeur et l'estomac bien accroché, n'hésitez pas à vous lancer dans ses récit douloureux mais qui constitue un vrai plaisir de lecture.

Note : 9/10
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Stegg



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