Carmilla
(Carmilla)
Il est des noms comme cela, que je n'ose à peine prononcer. Frankenstein et sa terrible créature qui doit encore rôder de part notre monde, incomprise et meurtrière, Dracula, qui doit encore hanter bien des ruines, prêt à se repaître du sang d'innocentes jeunes filles et Carmilla qui court encore sur la lande ! Carmilla, belle Carmilla, fabuleuse Carmilla, issue de l'imagination d'un irlandais répondant au nom de Le Fanu qui publie son court roman en 1871, donc bien des années avant Bram Stocker (qui lui aussi est Irlandais rappelons-le et de Dublin comme Le Fanu et comme Wilde !) et son fantastique Dracula !
Pour moi Carmilla, c'est un château, une lande brumeuse dans la lointaine Styrie, deux jeunes femmes qui s'aiment, d'un amour contre nature, maladif, c'est l'ennuie et toute la beauté d'un XIXème siècle fantasmé. C'est une poésie noire et sombre, un roman qui effleure à peine un érotisme tout juste dévoilé.
Bien sûr, ce roman, comme d'ailleurs son modèle le château d'Otrante, souffre de quelques maladresses, des personnages semblent être abandonné en cours de route, l'arrivée de Carmilla même, dans ce "carrosse" aux chevaux fous est presque grossier. Mais derrière tout cela, il y a un homme, Sheridan Le Fanu. Un homme qui souffre, rongé par l'angoisse, solitaire, insomniaque (il est dit qu'il n'écrivait que la nuit) et anéanti par la tristesse d'avoir perdu sa femme. C'est la peur de la mort (comme chez Poe d'ailleurs), c'est aussi la volonté de la dompter, de mettre une distance entre nous et elle. Comme dans la plupart des histoires de vampires.
Oui, car Carmilla est avant tout l'une des toutes premières histoires de vampire et elle met en scène deux femmes. La narratrice qui s'ennuie un peu dans ce château, dans ce pays, qui souffre de vague à l'âme, de dépression. Arrive enfin cette douce compagne, par accident, comme cela, surgissant de la nuit. Une amitié sincère et ambiguë se lit entre les deux femmes. Belle, étrange... Carmilla apparaît, disparaît, pâle comme un fantôme. Une vampire, un être en souffrance qui en trouve un autre. Mais voilà, le destin en décide autrement et seule la narratrice ne se rend pas compte qu'elle est "amoureuse" d'une morte. Conversations entre femmes, conversations avec la mort, remplies d'une sensibilité extrême, où les hommes sont forts mais pas infaillibles. Cette novella est une merveille d'une poésie fantastique et simple.
Bien sûr, je le répète, ce roman est peut-être rempli d'incohérences, de facilités - surtout vers la fin - mais cependant il est d'une rare beauté et Carmilla est l'un des plus beaux vampires de l'histoire à mon avis ! Je crois que c'est un roman qui peut encore être bien vivant de nos jours, que tout amateur de fantastique se doit d'avoir lu. Bien sûr, on ne tremble pas autant qu'avec un Stephen King, bien sûr Carmilla n'est pas Lestat... Mais peu importe, car elle est la porte de tous les rêves et tous les fantasmes, un roman fondateur et même Stocker et son Dracula (ultime chef-d'oeuvre parmi les chef-d'oeuvres) n'est qu'un suiveur ! Carmilla n'a peut-être pas eu la chance d'avoir eu le succès cinématographique de Vlad Tepes (il n'y a que Jean Rollin dans certains de ces films capable d'appréhender avec grand succès les thématiques de Le Fanu à mon sens), ou d'avoir eu comme le fameux comte Dracule autant de gloire, mais il est évident que Carmilla sera à jamais dans mon coeur... C'est ça, non les vampires ? L'obsession, l'amour fou, même par la mort... Un chef-d'oeuvre de la littérature gothique !
Note : 10/10
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