Le Cabaret Vert

Bon, et bien décidément ce n'est pas aujourd'hui que je vais vous présenter LE mauvais ouvrage de chez Nuit d'Avril... Je ne crois même pas qu'il y en ait un à l'heure actuelle (ou du moins il se cache bien, le bougre) et ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que le Cabaret Vert d'Estelle Valls de Gomis est très certainement l'un de mes préférés...
A tous les amoureux de décadence et de délicieux tourments, de dandies paresseusement étendus sur leurs sofa de velours et d'absinthe, de créatures mythologiques emportées par les affres du tourment et du désir et surtout de beaux éphèbes aux penchants vampiriques, je ne dirais qu'une seule chose : ce livre est fait pour vous. Et aux autres, Estelle Valls de Gomis vous les fera aimer, je ne peux absolument pas douter de ce point.

Grande amatrice du XIXème siècle ainsi que de ses grand maîtres et éminente spécialiste es-vampires, notre auteure s'est immergée pour notre plus grand plaisir dans la culture décadente et dans l'ambiance ourlée et feutrée des boudoirs, des fumeries ou des salons de la grande époque. Elle trempe sa plume dans l'absinthe enivrante et dans le sang de ses victimes, elle pare d'or et de rubis les grandes figures de la mythologie, telles Prométhée, Ulysse, Aphrodite et Poséidon pour ne citer qu'eux, et sublime leurs destins d'un agréable parfum d'horreur, de luxure et de débauches toutes décadentes. Elle se joue des mythes et des archétypes et fait alterner la moiteur des eaux grecques avec le baroque d'un intérieur galant où se pâment de jeunes dandies en mal d'amour et de gloire. Mais toujours ou presque, c'est l'ombre du vampire, de l'oupire, de la lamie, qui plane sur ces textes à la couleur de la fée verte.
La thématique du vampirisme est omniprésente et en véritable maîtresse de cérémonie, Estelle Valls de Gomis orchestre ses apparitions dans un véritable crescendo d'horreur, de souffrance, d'abandon et de jouissance. Le vampire saura se faire tendre et romantique à son heure, mais aussi jouisseur et avide de libertines offertes, tueur de mendiants ou créateur d'oeuvres artistiques dépassant le concevable. Du démiurge en souffrance à la créature sans scrupule jouant de ses charmes pour conquérir ses victimes, c'est tout un florilège de personnages plus attirants les uns que les autres que l'auteure nous dépeint de sa plume inspirée et délicieusement décalée. A la fois Louis d'Anne Rice, Carmilla de Le Fanu et Dracula de Stocker, les multiples facettes de la créature s'offrent à nos yeux et s'interchangent sans fin dans un véritable ballet de débauches et de déchirements de l'âme.
Mais c'est aussi l'ombre de Lucifer qui plane sur ce recueil, le Diable lui-même qui ne peut qu'être attiré par tant de tentations délétères et de passions débordantes... Mais ici un Lucifer fatigué de la triste banalité des hommes. Et cette fin de nouvelle (Le Sang de l'Art) nous dit beaucoup de choses : elle nous dit probablement que Satan lui-même se lasse de l'uniformité du Mal de nos jours, de la banalité des débauches actuelles. Car Satan est un dandy décadent, vous vous en doutez, alors Satan se tourne vers le vampire démiurge, dernier bastion de cet esprit fin de siècle, pour le masquer à cette grisaille ambiante. Car l'esprit fin de siècle n'est plus, le talent des grands auteurs du XIXème ne sont plus et Estelle Valls de Gomis vient nous le rappeler et nous le marteler, à la fois cruellement, mais aussi pour notre plus grand bonheur car sa plume maîtrisée et précieuse sait les faire revivre un dernier instant. Telle une lamie, elle vient leur apporter une partie de son sang et leur conférer une nouvelle éternité, ressuscitant ainsi les derniers vrais esthètes.
Toutes ces nouvelles sont extrêmement maîtrisées et rondement menées, il n'y a pas un mot de trop et pas un qui ne fasse mouche dans ces dix-huit nouvelles fantastiques. Le Cabaret Vert est pour moi une excellente découverte, peut-être le seul ouvrage jusqu'à maintenant qui soit parvenu à réveiller des sensations de lectures propre à Jean lorrain, J.K Huysmans ou encore Mérimée (je pense à La Statue, la première du recueil, qui fleur vraiment bon la Vénus d'Ile, l'un de mes textes préférés de Prosper Mérimé). Mais le Cabaret Vert, c'est aussi Bram Stocker, Maupassant, Théophile Gautier ou même Alexandre Dumas, ces grands maîtres qu'Estelle Valls de Gomis a dû lire jusqu'à l'excès pour sembler en être autant imprégnée !
J'ajouterais enfin à cela un véritable talent de sa part pour décrire ses personnages masculins et leurs beautés d'éphèbes diaboliques qui nous feraient presque espérer sentir leurs crocs sur notre jugulaire... Mais bon, je m'égare et vais donc laisser là ma canne au pommeau ciselé, mon frac, mon épingle d'onyx et mon verre d'absinthe et vous laisser la place pour que vous découvriez à votre tour les saveurs enivrantes et ensorcelantes de la décadence... Bien à vous, et merci Estelle Valls de Gomis pour ces instants précieux et bien trop rares...

Note : 9/10
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Chaperon Rouge



A propos de ce livre :

- Site de l'éditeur : http://nuitdavril.com/

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