Bestialité

Bestialité, voilà un titre bien prometteur n'est-ce pas ? Je vois déjà les babines du fan de gore se retrousser tel un chien enragé, je vous vois déjà saliver au plaisir de lire ce livre, surtout quand le terme de bestialité est accolé à celui de Jean Rollin, le grand Jean Rollin. Réalisateur, scénariste, écrivain...
Bestialité donc. Mais qu'en est-il vraiment ? La bestialité de Jean Rollin n'est pas ici celle que vous croyez. Elle est celle qui se dissimule en tout homme, cette partie monstrueuse que l'on veut se cacher à soi-même, celle que la société tente d'annihiler en chacun de nous. La bête qui se cache au plus profond de nous, dans notre cerveau, notre inconscient, qui fait de nous des loups potentiels, des prédateurs, des bêtes sauvages.
"Caché" disais-je. Le livre s'ouvre sur un mystère, celui du comte de la Fresnaye. Une malédiction pèse sur cette famille, sur cet homme, ancien diplomate aux Indes et qui revient dans son château de Sologne après avoir été déchu de son haut rang de diplomate. Mais que cache cet homme dans cette malle qu'il ramène des Indes ? Que dissimule-t-il à sa fille et quel est le lien qui l'unit à Miarka la bohémienne ?

Une bête, un lycanthrope, un loup garou. Non, je ne vous cache rien, car l'auteur ne nous cache rien et l'intérêt du livre ne vient pas du mystère. L'écriture de Jean Rollin ne laisse aucune zone d'ombre, aucun clair-obscur et si la majeure partie de l'histoire se passe la nuit, on aurait presque souhaité une oeuvre juste un peu plus mystérieuse, plus torturée. L'écriture est toute tournée vers le dévoilement direct, vers la narration simplifiée à l'extrême, nous contant les chevauchées sanguinolentes d'un loup garou qui décime peu à peu tout un village jusqu'à une fin plus que terrible.
Vous l'aurez compris le livre de Jean Rollin est un livre simple, qui se laisse lire mais qui nous laisse un peu sur notre faim. Mais est-ce peut être aussi car le sujet du livre est juste un peu plus complexe que ce que le laisse croire une première lecture. Tout est dans le titre. Jean Rollin s'interroge sur cette part obscure de l'homme, la décline. Peut-on aimer un monstre ? Et qu'est-ce qu'un monstre, d'ailleurs ?
Le loup garou de Jean Rollin n'est pas un être attachant, mais il a une soeur, une humaine. Comment peuvent elles s'aimer ces deux là, autrement que dans le crime ? Doit-on se laisser aller à nos plus vils instincts ? Et le père devra-t-il tuer son enfant ou bien se laisser dévorer par lui ? Voilà à quoi sert le monstre de Jean Rollin : à nous montrer au grand jour la face cachée de l'humanité, à nous montrer que dans nos moindres sentiments nous sommes rattachés à ce que nous sommes : des bêtes.
Si le sujet est intéressant, si les idées sont fortes, il faut avouer que le roman n'a pas été à la hauteur de mes espérances et que je fus même un peu déçu, moi le fan transis de ce réalisateur atypique.
Malgré tout Bestialité, en plus d'être un livre intelligent, se laisse lire, on y prend un certain plaisir même si l'ouvrage est plus réservé à l'admirateur de Jean Rollin (ce que je suis pour ma part) ou à ceux qui aiment les loups garous et les histoires simples. Il ne me reste plus qu'à me replonger dans la filmographie de cet artiste atypique, un réalisateur rare et un bon écrivain. Merci à lui et à Nuit d'avril.

Note : 6,5/10
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Cruisader



A propos de ce livre :

- Site de l'éditeur : http://nuitdavril.com/

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