L'appel de Cthulhu
(The call of Cthulhu)
Oh oui, je sais ami lecteur, que peut-on encore dire, que peut-on encore écrire sur Lovecraft ? Mais c'est à chaque fois un tel plaisir, alors pourquoi se refuser d'y goûter à nouveau ?
Peut-être parce qu'il fut trop seul, peut-être parce qu'il était malade et un peu aigri alors Lovecraft a peuplé nos nuits de créatures atroces et répugnantes, il nous a hanté et il continue à le faire avec ses mythologies venues d'autres planètes et auxquels certains humains vouent un culte sanglant et barbare, les plongeant dans la folie et les ténèbres.
Toute l'histoire fut révélée en 1926 dans la nouvelle intitulée L'appel de Chtulhu. Un culte secret, atroce, dans les bayous de la Nouvelle-Orléans, des hommes qui meurent dans leur sommeil se jetant par les fenêtres dans une crise de somnambulisme aigu, des statuettes et des hiéroglyphes étranges et surtout une cité cyclopéenne : R'Iyeh.
Voilà autant d'éléments disparates qui nous conduisent vers de nouvelles architectures, de nouvelles géométries inimaginables même par le plus grand des génies, de nouvelles langues, codes secrets, sur lequel il ne vaut mieux pas jeter le regard. Car ici la folie vous guette et encore pire que la folie, une effroyable peur risque de vous tomber dessus, de vous rendre fou, une peur qui attend depuis des siècles, qui était là avant l'homme et qui lui survivra, une peur qui n'a qu'un nom : Chtulhu.
Si L'appel de Chtulhu est très certainement l'une des nouvelles les plus connues du vieil ermite de providence, le mythe en tant que tel apparaît véritablement pour la première fois en 1917 dans la nouvelle intitulée Dagon. Cette nouvelle propose pour la première fois une esquisse de ce que seront les créatures du mythe, des créatures visqueuses, horribles qui attendent leur heure, rampant dans le silence des forêts et dans les profondeurs abyssales de nos océans, prêtes à reprendre le contrôle de la terre, là où elles sont nées et où elles reviendront pour un règne de chaos et de douleurs.
L'appel de Chtulhu est l'acte fondateur du mythe. Pour la première fois, le lecteur comprend ce qu'il en est, ce que sont capables de faire ceux qui se font appeler les anciens, ces terribles créatures dont la plus connue est le grand Chtulhu qui, dans la grande citée de R'Iyeh, attend son heure. Ici explose tout le génie de cet auteur qui crée alors complètement un nouveau mythe, résurgence d'anciennes légendes et de superstitions qui mélangent pèle mêle mythe de l'Atlantide, dieux d'anciennes mythologies, sorcellerie, vaudou, mystères arabisants etc...
Le génie de Lovecraft est de donner une cohérence et d'écrire avec un tel pouvoir de persuasion que le lecteur est amené à véritablement croire ce que l'auteur nous raconte. A tel point que toute la littérature que Lovecraft a imaginée, livres diaboliques dont le plus célèbre est le fameux Necronomicon, fut si convaincante que les libraires furent (et continuent) d’être harcelés pour qu'ils dénichent au lecteur le précieux ouvrage, clef de l'œuvre et du mythe. J'ai vu récemment dans les rayons d'une grande librairie une édition de cette grande œuvre du mal.
Je t'avoue lecteur que je n'ai pas encore osé porter mon regard sur le dit ouvrage, craignant autant pour mon esprit que pour mon porte-monnaie à qui il arrive parfois d'avoir une raison face à des délits commerciaux, qui a grands renforts de sensationnel essayent de s’accaparer le tout et le n'importe quoi. Mais qui sait, peut être que cette oeuvre existe réellement. En tout cas, Lovecraft la cite ici et Augusth Derleth, l'un des principaux amis et collaborateurs du maître va même plus loin encore.
Dans une des nouvelles publiées dans ce livre, L'habitant de l'ombre, il fait de Lovecraft un véritable spécialiste dont les nouvelles ne seraient pas pure fiction, mais de véritables témoignages d’événements vrais de vrais. Il n'est donc pas étonnant que le mythe de Chtulhu ait rallié à lui tant d’artistes, toutes disciplines confondues, élevant son créateur au niveau de grand génie du macabre et de l'horreur. Le recueil de nouvelles ici présenté en est la plus belle preuve.
Pourtant, enfin de compte, l'art de Lovecraft n'est pas si complexe que cela et son style simple sait captiver et faire frémir le lecteur. La plupart du temps, il met un héros en scène, "jeune incrédule" au raisonnement clairement arrêté et façonné par la bonne conscience scientifique et la morale de son siècle. Mais comme par hasard, ses découvertes chez un antiquaire, dans une vieille librairie ou chez un vieil oncle agonisant vont le conduire sur les traces de monstres aux noms tout aussi prestigieux que Nyarlathotep le chaos rampant, Azathoth ou encore Yog-Sothoth le tout en un et le un en tout.
S'ensuit alors une longue descente vers l'enfer... Et cet enfer est déjà sur terre, les dieux, panthéon atroce, sont là, prenant aux humains leurs misérables vies, leur raison pour mieux régner sur cette terre qui fut la leur.
Dans les nouvelles présentées ici, ne vous attendez pas à du spectaculaire car ces monstres sont souvent suggérés avec brio. Ils sont d'abord un bruit, puis une ombre pour enfin devenir la mort rampante, le chaos et l'abomination qu'ils sont en vérité. Lovecraft aime à jouer avec nos sens et nos nerfs et l'un des plus beaux exemples et très certainement la nouvelle Talion où se mélangent la mythologie lovecraftienne et la nécromancie d'un magicien méphistophélique qui a vendu son âme à l'un de ses monstres infernaux qui s'immisce dans le temps et l'espace de la façon la plus pernicieuse qui soit.
Un chef d'oeuvre d’horreur et de macabre ! D'ailleurs si l'on a beaucoup comparé, à tort ou à raison, Lovecraft à son compatriote Poe, je trouve pour ma part que cette nouvelle est plus proche de Maupassant et de certain de ces contes fantastiques, tel que La main d'écorchée.
Voilà donc tout le génie de Lovecraft et tout ce qui fait que le fantastique peut encore nous faire frissonner. Un lac perdu, une brise étrange, des sons inquiétants et c'est toutes les peurs de notre enfance qui réapparaissent, comme lorsque l'on se surprend à regarder sous le lit pour voir si un monstre ne s'y cache pas. Des peurs ancestrales que l'auteur n'explique pas mais qu'il exploite à merveille. Rien n'est jamais explicité dans les nouvelles du mythe de Chtulhu, tout est suggéré. Il en ressort ainsi l'idée que l'esprit humain ne pourra jamais comprendre le monde qui l'entoure, ou que les sciences ne sont là que pour palier à la curiosité mais elles ne sont jamais la réponse.
Dans la nouvelle Les chiens de Tindalos, le personnage fabuleux opiomane, pareil à l'Adous Huxley des portes de la perception, comprend que par de-là les sciences il gît ici, dans notre monde, des "choses" bien plus terribles et déroutantes que la plupart des découvertes scientifiques. La nouvelle fait entrer le lecteur dans une spirale paranoïaque et laisse entrevoir une réalité bien terrible, une réalité qui danse avec la folie et la mort et qui vient troubler tous nos sens. Lovecraft illustre parfaitement ce qu'est (ce que doit être ?) le grand art de la littérature fantastique.
Lui qui mourut sans gloire ni succès, qui ne fut reconnu que par certains amis proches, est aujourd'hui très certainement l’un des plus grands auteurs de fantastique qui soit. Il faut posséder au moins cet ouvrage de Lovecraft et de ses collaborateurs dans sa bibliothèque pour comprendre toute la force de ses récits, qui réinventent le fantastique et qui ont marqué tant de générations de lecteurs.
Avec Lovecraft, l'horreur est partout. Il y a toujours quelque chose au-dessus de nous, peut être même en dessous, en tout cas il existe un ailleurs qui n'est jamais vraiment très loin, prêt à surgir au moment où on s'y attend le moins. C'est cet ailleurs qui nous fait trembler, c’est le mythe, la légende, ce qui est au de-là de la connaissance et qui fait tout ce que nous aimons dans ce style littéraire. Alors ami lecteur un seul conseil : A lire à tous prix !
Note : 10/10
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Cruisader
Avis des visiteurs :
- Juste pour dire qu'à priori Lovecraft se serait inspiré d'un livre de la Franc maçonnerie, loge égyptienne si je ne m'abuse. Ce qui voudrait dire, que le mythe des grands anciens serait bien antérieur au 20ème siècle... mais à part çà, génial tiens d'ailleurs faudrait que je le relise un jour.
Note : 10/10 (Mardak)