Anansi Boys

Le tout dernier né de l'un des auteurs les plus orignaux et les plus riches de ces dernières années, Neil Gaiman, est un sacré ovni, à la fois par rapport à l'oeuvre de son auteur que par rapport à la littérature fantastique de manière plus générale. Anansi Boys joue sur à peu près tous les tableaux, le merveilleux, la mythologie, les relations familiales, l'humour, les mythes, l'amour, l'intrigue policière, la satire et j'en passe. Un sacré cocktail qui nous replace dans l'univers d'American Gods avec cette fois de grandes louchées d'humour et de jubilation en plus. Peut-être que quelques pincées auraient pu largement suffire, certes, mais il semblerait que Gaiman ait tellement aimé son incursion dans l'univers déjanté de Terry Pratchett lors de l'écriture à deux mains de De Bon Présage qu'il ait à son tour voulu travailler sa propre gamme et sa propre déclinaison du thème de l'humour. Pourquoi pas ? C'est fait avec beaucoup de talent, de subtilité et de jubilation, ce n'est jamais gras ni lourdingue, mais bien au contraire toujours caustique et désopilant.
Ce n'est pas là que le bât blesse. D'ailleurs il ne blesse jamais ce bât et c'est là toute la difficulté de juger de ce roman : il est excellent, on ne peut rien lui reprocher sauf que... Sauf que personnellement je n'arrive pas à retrouver dans Anansi Boys toute la magie des autres ouvrages de Neil Gaiman. C'est un très bon roman mais un poil au dessous tout de même avec pour moi cette seule et unique raison : Anansi Boys m'a fait rire, sourire, vibrer et réfléchir mais il ne m'a pas fait rêver. Et quand j'ouvre un roman de Neil Gaiman, je veux rêver. Je veux qu'il m'emporte loin comme lui seul sait le faire dans un monde plein de magie et de poésie, cruel et troublant à la foi, merveilleux et onirique. Et là, ça part, on plonge avec lui et à chaque fois, le soufflet retombe car une bonne blague ou un trait d'humour vient casser le rythme et la poésie...

Mais revenons un instant sur l'histoire : Charles Nancy est employé comme comptable dans l'agence Graham Coats. Mais Charles Nancy, même si c'est son vrai nom, personne ne l'appelle comme cela : pour tout le monde, il est Gros Charlie. Gros Charlie le gentil balourd, Gros Charlie le maladroit et le timide, Gros Charlie à la vie un peu terne et surtout très banale, Gros Charlie le parfait gentil anti-héros. Certes il va épouser la belle et charmante Rosie, mais il va aussi et surtout épouser la mère de Rosie, tyrannique et avec le gros désavantage de le détester et de le considérer comme un minable fini. De son enfance, Gros Charlie en garde surtout un souvenir : son père. Un homme un peu trublion, toujours plaisantin et séducteur qui a passé sa vie à humilier son fils et à lui "coller" la honte. Alors Gros Charlie ne veut pas de son père à son mariage car selon lui, celui-ci n'a toujours fait que le mettre dans des situations embarrassantes.
Mais quand il va apprendre la mort soudaine de son père (une crise cardiaque durant un karaoké et au bras d'une jolie touriste blonde), Gros Charlie va devoir renouer avec son passé, avec son père et apprendre à envisager son enfance sous un très nouvel angle. Car ce que Gros Charlie va apprendre va changer à jamais le cours de son existence : son père était en réalité un Dieu ; le Dieu Anansi, le Dieu Araignée le plus rebelle, le plus tordu, le plus fourbe et le plus drôle de toute la création ! Anansi l'esprit de rébellion et d'amusement, le garant de toutes les histoires de ce monde depuis qu'il les a reprises à Tigre l'esprit de sauvagerie. Mais Gros Charlie, en plus d'être le fils d'un Dieu va aussi apprendre qu'il a un frère, Mygal, qui serait tout le contraire de lui, son double divin en quelque sorte, le plus doté des deux qui aurait hérité de tous les pouvoirs et du charisme de son père. La rencontre risque d'être explosive...
Et elle le sera, soyez-en sûrs ! Entres oiseaux tueurs, fantômes, financiers véreux, et rencontres d'un soir, Gros Charlie aura bien du mal à garder le cap de son existence auparavant si tranquille. Car de là à dire que Mygal va venir mettre un désordre aussi complet que radical dans la vie de Gros Charlie, il n' y a qu'un pas... vite franchi. Mais heureusement, il y a aussi un citron vert dans cette histoire, vous verrez ! Et beaucoup d'amour aussi. Anansi Boys est un bel hommage à la famille et à ces sentiments doux-amers que l'on ressent parfois. Au-delà de l'humour, il y a beaucoup de sensibilité, de la réflexion et de belles pages sur les sentiments humains et sur le sens de la vie et des mythes. Au début, j'ai eu le sentiment que l'intrigue ne décollait pas. Que cela avançait de manière assez linéaire sans véritablement voir se profiler de rebondissements ou de quête. Et en effet, l'histoire avance à son rythme, au fil des délires de Gaiman et des mésaventures de son héros. Mais peu à peu, on sent l'intrication se faire de plus en plus pressante : chaque indice, chaque personnage, chaque action se rencontrent avec brio et l'on cerne soudain la profondeur du roman et ses intérêts. Déroutant, Anansi Boys l‘est à coup sûr. Il ne plaira pas forcément à tous, ce n'est à mon sens absolument pas le meilleur Gaiman, mais une fois encore il nous montre son talent d'écrivain, de conteur, ainsi que sa faculté à créer des situations et des personnages hors du commun. Il a voulu jouer dans l'humour, on aime ou on aime moins, mais en tout cas, c'est indéniable qu'il le fait avec talent et qu'il nous fera sourire immanquablement et sans faute de goût. Il nous fait envisager la vie sous ses meilleurs angles et avec un bonheur et une allégresse communicatifs et cela, c'est déjà énorme...

Note : 7,5/10
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