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#1 2015-12-12 13:04:49

Gernier
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[C]D’Autres Royaumes – [Matheson. — 2013]

Bonjour,

Malgré une section presque éteinte, je suis revenu (de loin). les derniers mois ne m'ont pas laissé le temps de respirer et j'ai souvent frôlé le burnout... Enfin bon, tout cela est achevé et je peux reprendre mes activités un peu plus créative ! En attendant, je vous la devez, voici donc, enfin ! la critique du dernier Richard Matheson !

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http://ifisdead.net/wp-content/uploads/2013/05/Dautres-Royaumes-de-Richard-Matheson.jpg

Cela fait des plombes que je remets la lecture de ce roman aux calendes grecques.

Deux raisons m’ont poussé à l’éviter comme on le ferait de la peste : la première c’est qu’à l’époque où je l’ai eu en ma possession, je saturais de la Fantasy – tout du moins dans sa forme la plus classique – et qu’ensuite, Richard Matheson venait tout juste de mourir. Dès lors, la parution de cet opuscule me donnait l’impression d’une capitalisation malvenue sur les derniers feux d'un auteur de génie de la part d’un éditeur peu scrupuleux. Attendons donc…

Alors, que vaut la visite de ces Royaumes ?

À l’inverse des quelques critiques plus que mitigées qui peuplent le Net, j’avoue que j’ai retrouvé un écrivain que j’apprécie toujours. Matheson traite certes cette histoire en mode mineur, usant d'un humour volontaire plus exacerbé que d’ordinaire et y adjoint un romantisme à fleur de peau qui peut surprendre pour qui connaît la facette horrifique et paranoïaque de l'écrivain. Cependant, l’auteur avait déjà composé avec une certaine efficacité quelques œuvres dans cette veine dont « Le Jeune homme, la Mort et le Temps » ainsi qu’« Au-delà de nos Rêves »… Nous ne sommes pas face à un changement radical de préoccupation littéraire, mais à une nouvelle variation sur un de ses thèmes de prédilection.

Cependant, le style oscille dans un équilibre délicat entre l’autodérision, la paranoïa galopante – marque de fabrique de l’écrivain – et l’horreur la plus totale, quoique celle-ci soit le plus souvent laissée hors champ, suggérée par quelques lignes de dialogues lapidaires et une patiente installation. La seule critique pertinente que l’on pourrait adresser à l'auteur, c’est l’abus des parenthèses qui ponctuent le récit. Le narrateur ne cesse de digresser et de couper court dès qu’il introduit une tentative de métaphore. Il insiste parfois lourdement pour faire comprendre au lecteur que toute cette histoire constitue un témoignage et non une fiction ! Un beau pied de nez littéraire au genre cinématographique du « Found Footage » dont la maîtrise échappe parfois à Matheson…

Ce narrateur se matérialise en la personne d'Alexander White, plus connu sous le pseudonyme d’Arthur Black, romancier d’horreur qui a décidé à l’aune de sa vieillesse de rapporter les circonstances qui l'ont mené à l’écriture. Dans les tranchées de la Première Guerre mondiale Alexander rencontre le soldat Harold Lightfoot, un individu illuminé qui chasse les rats avec lui. De fil en aiguille les deux jeunes hommes se lient d’amitié jusqu’à ce qu’un obus mette fin à cette relation de manière aussi impromptue que définitive. Blessé et démobilisé, Alexander se rendra dans le petit village de Gatford en Angleterre pour respecter la promesse faite à son ami…

Là il rencontrera une pelletée de personnage tous plus excentrique les uns que les autres. Il s’abîmera dans une aventure galante avec la mère d’Harold, la sorcière Magda dont le caractère trouble empirera au fil du récit. Il croisera dans les bois interdits l’ensorcelante Ruthana, une fée entichée de lui qui l’emmènera de l’autre côté du miroir… Sans surprise d’ailleurs, ces deux protagonistes peuvent être compris comme des incarnations de « la Femme » vue depuis le prisme masculin d'Alexander. Chacune est à la fois séduisante et dangereuse, elles sont capables de donner la vie, mais aussi de la reprendre, par obsession ou par candeur…

La magie existe dans le cadre du roman, mais elle n’est qu'un outil dont on se sert pour soigner, se rendre la vie plus facile… Comme toutes forces naturelles, son utilisation négative entraîne des conséquences terrifiantes. Les rebondissements les plus importants se produisent avant les actions qui parsèment le récit. Ces déchirements surviennent durant des joutes oratoires plus complexes que ne le laisse supposer leur simplicité apparente. Usant du non-dit, des sous-entendus et des interprétations erronées qui en découlent, Matheson joue avec les sentiments à vif de ses attachants personnages.

Ces bouillonnements intérieurs de couples qui s’avancent vers un abîme autodestructeur — d’autant plus dangereux que l’utilisation de la magie a de lourdes conséquences — forment le véritable cœur du roman. Au final, Richard Matheson se fout bien de la Fantasy — et nous le fait savoir —, ce qu'il dissèque, ce sont les relations amoureuses dans toutes leurs facettes : romantique, érotique, perverse, égoïste et inéluctable…

Le récit navigue ainsi entre gros pastiches assumés de la Fantasy, symbolisme jungien et une nostalgie mortelle. Sans être une œuvre définitive, l’ultime opus de Matheson s’avère un excellent roman, pourvu que l’on parvienne à trouver son cœur sanguinolent dans les ronces de l'auto-dérision.

Car l’humour est la politesse du désespoir, ne vous l’a-t-on jamais dit ?

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#2 2015-12-24 09:41:39

gregore
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Re: [C]D’Autres Royaumes – [Matheson. — 2013]

Merci pour cette critique, un peu de vie dans la section roman big_smile moi aussi un peu débordé avec les bds et puis le déménagement de serveur prévu mi-janvier !

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