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#1 2008-09-17 09:18:50

Le Cimmerien
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[M] [ITW] Charlotte Bousquet.

C'est pour moi un véritable plaisir que de vous présenter cette interview d'une des auteures que j'admire le plus... Ici, deux de ses ouvrages mis à l'honneur : Lettres aux ténèbres et Le Crépuscule des Loups. Le premier est un fabuleux recueil vampirique, le second une anthologie sur les loups, tous deux publiés aux Editions du Calepin Jaune (la maison d'édition d'Estelle Valls de Gomis dont vous pouvez lire l'interview dans ces pages). Merci à Charlotte d'avoir bien voulu répondre à mes questions.

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A/Lettres aux ténèbres :

1/Tout d'abord bonjour et merci d'accepter de répondre aux questions de Psychovision. Récemment sortaient aux éditions du Calepin Jaune deux livres, Lettres aux ténèbres dont tu es l'auteur et Le Crépuscule des loups, une anthologie que tu dirigeais.
Je dois avouer qu'avant la lecture de Lettres aux Ténèbres le nom de Charlotte Bousquet était pour moi lié à la fantasy, notamment avec ce qui est à mes yeux l'un des meilleurs cycle français : Le Coeur d'Amarantha. En lisant ton roman qui comprend des nouvelles plus anciennes, je me rends compte  que tu t’intéresses aux vampires depuis longtemps. Comment t'es venue cette passion, qu'est-ce qui t'intéresse et te motive à écrire dans cet univers? Au vu de toutes les productions qui sortent sur le vampire pas facile d'être originale, non?


D’abord, merci de me proposer cette interview – et de tous ces compliments qui me font vraiment plaisir.
Je vais essayer de répondre dans l’ordre. Mon premier contact avec les vampires a été assez traumatisant pour que j’en fasse des cauchemars pendant très longtemps : c’était le Nosferatu de Herzog, et tous ces crânes entassés me terrifiaient. Et puis, je ne sais pas ce qui s’est passé. Ai-je voulu combattre le mal par le mal ? Ai-je succombé à la vague « films d’horreur » de l’adolescence ? En quelques mois à peine, mon aversion s’est métamorphosée en passion, assouvie à grand renfort de films allant du « vrai » Nosferatu au Vampires de ces dames, en passant évidemment par Lost Boys – « les mouches vont aux vampires comme la connerie aux fachos », une réplique d’anthologie – et Le cauchemar de Dracula. En parallèle, j’ai commencé à dévorer ce qui était lié de près ou de loin au sujet, dont Sang pour sang de Jean Marigny bien sûr, je me suis délectée de Carmilla – d’ailleurs je préfère Carmilla à Dracula – avec, en parallèle, une propension à vénérer les femmes fatales : la marquise de Merteuil des Liaisons dangereuses, par exemple… Puis, il y a eu Anne Rice, qui a été une révélation. Et, en parallèle, toute la littérature qui paraissait dans la collection Pocket Terreur : Fred Saberhagen, Ramsey campbell, etc. Sans compter, bien sûr, le film Interview With The Vampire, de Neil Jordan… Quand je me suis remise aux jeux de rôles, en 1997, j’ai plongé dans le Monde des Ténèbres – et, donc, Vampire : The Masquerade… Autre révélation. Et, au final, une partie de ma thèse de doctorat portait sur le monstre – en particulier le vampire. Voilà pour l’histoire.
Je suis un peu longue, non ?
Le vampire est pour moi l’Autre, dans ce qu’il a, à la fois, de plus étranger et de plus proche de ce que nous sommes. Humain, il l’est par son apparence, par son passé. Etrange, inquiétant – monstrueux puisque c’est le terme consacré -  il l’est par son immortalité, par son côté prédateur, aussi. Je trouve cette dualité fascinante, d’autant plus qu’elle permet de dépasser, d’une certaine manière, les interrogations humaines, la finitude ou encore la dialectique bien-mal. Pour moi, les vampires sont des êtres de passion, et la mort qu’ils risquent, plus que la brûlure du soleil, c’est celle de leur âme. S’ils se laissent figer par le temps, dans le temps – s’ils cessent d’éprouver des sentiments, de se mouvoir…
C’est peut-être parce que j’avais envie – ou besoin – de poser ces aspects-là du vampire que j’ai écrit Lettres aux ténèbres… Je n’ai pas nécessairement cherché l’originalité. D’ailleurs, il y a des références explicites au Monde des Ténèbres, des clins d’œil à Anne Rice… Il y a eu énormément de choses sur les vampires, comme sur un tas d’autres thèmes – d’une certaine manière, on peut dire qu tout a déjà été écrit. Mais ce qui est important, c’est peut-être plus la manière dont on écrit, raconte, ressent l’histoire, non ? 

2/ Ce qui m'a marqué dès les premières pages lues, par-delà l'histoire et les personnages, c'est ton agencement des mots, tes constructions de phrases, bref ton style. Il y a quelque chose de brut, de contemporain, comme des bribes de pensées qui s'échappent entre la lecture des lettres que les deux personnages s'écrivent. Un style auquel on est peu habitué, malgré tout, dans le genre fantastique et éloigné de tes précédents écrits. Est-ce une écriture complètement naturelle pour toi? Qu'est-ce qui a justifié ce choix de style? Ce mélange aussi entre cette narration particulière et le style épistolaire? J'imagine que cette écriture a dû nécessiter un gros travail?

En fait, mon écriture s’adapte au sujet. Je n’écris pas un roman de fantasy de la même manière qu’un article universitaire, un fantastique ou un roman jeunesse. Le double style de Lettres aux ténèbres est né d’une part de la nature même du roman – le genre épistolaire étant assez particulier – et d’autre part, de la nécessité d’introduire une cassure nette entre la lecture de ces lettres et la « réalité », qu’il s’agisse d’un ressenti émotionnel ou d’une simple tranche de vie. Au-delà de cela, je crois avoir entendu, au moment où je me lançais dans l’histoire, Marion Cotillard en voix off dans Les jolies choses. Et il me semble qu’elle lisait le texte de Virginie Despentes dont le film est tiré. C’était des phrases courtes. A l’infinitif. J’ai adoré leur musicalité. Alors il est possible que je sois partie de cela. Cela dit, il y a tellement de choses qui font écho, à un moment donné, et viennent se greffer à l’espèce de machinerie organique bizarre qui me sert de corps et d’inspiration que je ne saurais en avoir la certitude. Concernant l’effort d’écriture… C’est un texte que j’ai beaucoup retouché, mais pour lui donner plus d’éclat, pas vraiment sur la forme stricte. Comme si cette écriture spécifique était venue naturellement.

3/ Lettres aux ténèbres est un roman d'amour mais c'est aussi une oeuvre profonde, une quête des origines... A ce niveau, même si ton roman est complètement différent, difficile de ne pas penser à Anne Rice. Il y a même un passage qui se passe en Égypte comme dans les romans de Rice. T'a-t-elle inspiré ou est-ce moi qui fait fausse route?

Complètement, oui (rires) Mais je crois qu’Alexandrie se référait plus à La momie – le roman, d’Anne Rice, pas les innombrables films. Pour le décor, en tous cas. Relativement aux origines...
Anne Rice fonde les origines des vampires dans une Egypte mythique où finalement, les vampires sont le produit de l’intrusion d’un esprit avide de s’incarner et d’un mortel. Akasha et Enkil, le premier couple, ressemble un peu à Isis et Osiris.
J’aimais bien ce côté égyptien, mais n’étais pas totalement satisfaite.
Comme je n’étais pas du tout satisfaite du traitement judéo-chrétien des origines des vampires dans le Monde des ténèbres. Encore moins, d’ailleurs, de ce qu’ils avaient fait des vampires égyptiens – les Sethites.
Alors j’ai profité de ce récit pour poser quelques jalons… Jalons développés dans une nouvelle, « Trinité », à paraître ces jours-ci dans Au miroir des sphinx (éditions Argemmios).  Et cela va certainement paraître excessivement prétentieux, mais je trouve ma version bien meilleure (et toc !).

4/ Lettres aux ténèbres est un roman vampirique, pour moi l'un des meilleurs qui ait été écrit en France. Car à la fois tu gardes une certaine continuité avec ce qui a été déjà écrit mais en même temps tu portes la réflexion bien plus loin. Au risque de me répéter, c'est fabuleusement intelligent. A ce titre tes personnages sont pour moi, lecteur, une source de réflexion importante. Ambre porte en elle une interrogation sur la littérature et l'imaginaire. Crois-tu que tout créateur emprisonne l'autre? Crois-tu que la plupart des créateurs et donc que les écrivains n'arrivent jamais vraiment à atteindre une vraie réalité? Je pense entre autre à ce qui est arrivé à Ambre et à son « geôlier ». Muse malgré elle... Et si je dis que Lazzo est une grande réflexion sur la réalité et la construction des images (plus particulièrement la peinture) es-tu d'accord avec moi? On retrouve d'ailleurs cette réflexion avec le sphinx de Gustave Moreau que tu sembles citer...

Dans quel ordre dois-je répondre ? (tout cela sans rougir sous le flot de compliments, ce qui est de plus en plus malaisé). En commençant par la fin. Le sphinx – les sphinx – sont une référence à L’Enigme de Gustave Doré. Il me semble que la sphinge de Moreau est face à Œdipe, non ? Or, on sait ce que le fils de Laïos inflige à la malheureuse ! L’Enigme, donc, m’accompagne depuis la rédaction de ma thèse – ce qui fait tout de même six ans – et ne m’a jamais quittée. D’un côté, le sphinx égyptien, gardien des énigmes. De l’autre, la sphinge grecque qui questionne. Pour moi, c’est tellement lié à l’histoire d’Ambre et Lazzo, mais aussi finalement à la quête de soi, l’acceptation de l’Autre (inquiétante étrangeté)… Partant de cela, est-ce que Lazzo, sphinx égyptien, est prisonnier d’une réalité fallacieuse – l’illusion d’être un simulacre de vie - qui l’empêche de questionner et donc, de créer ? Certainement. Quant à Ambre, c’est parce qu’elle  était la muse du Narrateur de A la recherche du temps perdu, qu’elle n’avait aucune chance d’exister pour elle-même. Le Narrateur n’accorde aucune importance, pour elles-mêmes, aux femmes qu’il aime – et, de manière générale, aux autres. Ainsi, Robert de Saint-Loup n’a de valeur à ses yeux que dans la mesure où il évoque pour lui le « côté de Guermantes ». Albertine n’est aimable que dans son sommeil, dans son absence – par la souffrance qu’elle provoque. Dans Lettres aux ténèbres, Ambre a été la muse qui a inspiré Albertine et Odette, et la seule manière qu’elle avait d’échapper à son « geôlier » était la mort – ici, le Baiser qui a fait d’elle une Enfant de la nuit.
Un créateur n’emprisonne l’autre que dans la mesure où il cherche à le posséder, à le défaire de lui-même. Ou à le recréer à son image – c’est le syndrome de Pygmalion, quelque chose que j’ai en horreur.
Quant à la réalité, je crois que c’est une notion très floue. Il n’y a d’une certaine manière, pas plus de réalité que de vérité. En tant qu’auteure, je ne cherche pas à les atteindre– quelles qu’elles soient – mais à explorer des pistes, poser des questions et, bien sûr, faire en sorte que les lecteurs, eux aussi, s’interrogent. 

5/ Par-delà ces réflexions, ce qui semble être l'un des moteurs du livre c'est que tes deux personnages sont des rebelles. On devine qu'il y a toute une organisation vampirique, des secrets, des choses à ne pas dire et à ne pas faire pour pouvoir vivre heureux éternellement (encore que cela semble difficilement possible). Rebelle en amour et rebelle face à une certaine organisation qui fait d'ailleurs penser à celle du jeu de rôle Vampire. On retrouve cette organisation dans une autre nouvelle où tu mets en scène François Villon. As-tu créé toute une « mythologie » que l'on pourrait retrouver plus tard? Existe-t-il vraiment une organisation vampirique? On pourrait rêver à un cycle dans cet univers, non?

François Villon, prince de Paris… C’est à cause de la vision un chouia réductrice qu’en avait White Wolf : politicien décadent, inculte et entouré de top models, hélas, trop souvent adoptée par les joueurs – j’ai entendu un nombre incalculable de récits où le malheureux prince était un traître, un pervers, un fou, une fiotte, etc., que le Villon de Ballade du temps retrouvé est né. Et aussi parce que mon propre maître de jeu en avait une vision irrésistible, mais ceci est une autre histoire… Bref, pour répondre à ta question : j’ai dans la tête l’idée d’écrire d’autres nouvelles mettant en scène François Villon et, peut-être, quelques vampires parisiens… Vampires dont l’organisation est ouvertement inspirée de Vampire : The Masquerade, mais comme je me suis aperçue que je n’étais pas la seule, je n’ai aucun scrupule…  Comme je l’ai précisé plus haut, j’ai écrit une nouvelle, « Trinité » – dont un fragment peut être le parchemin de Khairan – qui conte l’origine des vampires. Une autre nouvelle, « Vies volées » (Au miroir des sphinx itou), s’attache à l’aspect plus magique de ce monde. Et Elégies de cendres qui se déroule à Rome (commencé bien avant que White Wolf publie son supplément Rome pour Requiem… je précise tout de même !)  aussi.
Ambre et Lazzo, eux, ne réapparaîtront plus je pense.

6/ J'aimerai maintenant conclure sur Lettres aux ténèbres en arrivant au point peut-être le plus touchant de ce roman. Sur chaque page il y a une sensibilité, une souffrance plus que palpable. Rarement un livre ne m'avait fait cet effet là ! J'ai l'impression que tu as donné beaucoup de toi dans ce livre, qu'il pourrait même être une partie de ta vie plus importante par exemple que le cycle d'Amarantha. Plus qu'un livre sur les vampires, c'est l'auteure qui est là à fleur de peau, non? J'ai comme l'impression que l'auteure a souffert en l'écrivant et qu'il y a une sincérité époustouflante...

Souffert, non (rires) ! Je ne souffre pas quand j’écris, j’ai plutôt tendance à être concentrée et si je m’immerge complètement dans le récit, le ressenti des personnages, il n’y a pas de douleur. Eventuellement, un état second, limite transe ou dédoublement de personnalité mais j’aime écrire – et même quand j’exprime quelque chose de vraiment profond, quelque chose qui me tient à cœur, cela ne fait pas mal – c’est plutôt un plaisir, en fait. 
En revanche, tu ne te trompes pas du tout quand tu dis que Lettres aux ténèbres pourrait « même être une partie de (ma) vie plus importante par exemple que le cycle d'Amarantha ». Plusieurs raisons, en fait. D’une part, j’étais en pleine écriture de thèse et tellement investie dedans que j’avais besoin d’exprimer tout cela sous une forme autre qu’universitaire. Je dis en gros, dans ma thèse, qu’il n’y a pas de réponse universelle à ce qu’est l’être humain. Pour celui qui tente de comprendre le « connais-toi toi-même » inscrit sur l’autel d’Apollon, à Delphes, il n’y a de clef que singulière. Il faut accepter d’être monstrueux, hors normes, pour devenir soi même. L’Autre, dans sa différence, son inquiétante étrangeté, est celui qui montre le chemin. Ambre et Lazzo viennent en partie de là. Ils viennent également – et c’est le côté plus intime de Lettres aux ténèbres – d’un personnage incarné dans le jeu de rôles Vampires… et du vampire dont elle était amoureuse (est certainement toujours, d’ailleurs…). Comme j’ai tendance à m’investir énormément dans les personnages, je crois que j’ai « vécu » quelque chose qui ressemblait à cette histoire.

Et voilà, maintenant, tout le monde va dire que je suis cinglée ! (rires) 


B/Le crépuscule des loups.

7/ Quittons maintenant si tu le veux bien Charlotte Bousquet écrivaine pour parler de Charlotte Bousquet anthologiste.
Si on lit ton blog (je le conseille d'ailleurs car il est vraiment intéressant: http://charlottebousquet.over-blog.com/) on peut dire que tu es engagée! Cela te gêne-t-il si je dis que cette anthologie est une anthologie engagée? Et crois-tu (moi je le pense du moins) que la littérature fantastique peut-être une littérature engagée? Dans le sens où elle prend position comme ici en faveur des loups...


Merci (pour le blog) ! Le crépuscule des loups est une anthologie engagée : par la cause qu’elle soutient, par le choix des textes, aussi. « Entre chien et loup », de Nathalie Dau, qui ouvre le bal donne le ton, je crois et les autres textes, chacun dans leur genre, ont tous été écrits par des auteurs révoltés par la situation des loups, en France. Situation qui ne s’est pas améliorée en quatre ans, hélas.
De manière plus générale, je crois en effet que la littérature fantastique et les littératures de l’imaginaire de manière plus générale peuvent être engagées. C’est d’ailleurs pour ça que Fabien (Fablyrr – mon mari) et moi avons créé, au sein de CDS éditions, la collection pueblos…
Le fantastique questionne, c’est une littérature de la frontière, c’est une littérature des seuils. Vie et mort, humain ou monstre, normalité, surnaturel – il se situe toujours dans l’entre-deux, dans l’Unheimlichlkeit – l’inquiétante étrangeté de Freud – et à ce titre ouvre une multitude de possibles pour qui s’interroge ou souhaite provoquer le questionnement. Dans le fantastique, l’Autre se tient toujours à la lisière du même, du quotidien et c’est ce rapport qu’il est intéressant d’interroger. Dans Le crépuscule des loups, l’Autre était bien évidemment le loup – mais les textes ont montré, du moins je l’espère, combien cette altérité  pouvait se faire ressemblance, voire prendre la place de la norme dans des récits où l’humain se faisait monstre.
L’un des plus beaux textes classiques, Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, déjà, posait les questions du même et de l’autre, de la nature du monstre. Pour plagier Simone de Beauvoir, j’irai presque jusqu’à dire : « on ne naît pas monstre, on le devient ». On le devient, comme la créature de Frankenstein, condamnée par son père à devenir monstrueuse. On le devient par le regard  des autres – je pense ici au magnifique récit de Michel del Castillo, La guitare ou encore aux très beaux romans de Xavier Mauméjean que sont Ganesha et Lilliputia. On le devient, tout simplement, parce qu’on est différent – certaines nouvelles de Sire Cédric, comme « Cross-road » ou « Cauchemars » - le montrent bien.
Et puis, il y a les Freaks, aussi. Un questionnement qui se poursuit, s’approfondit, se perd dans les méandres des miroirs… Je pourrais en parler durant des heures,  mais on s’éloignerait beaucoup du sujet, non ?
En somme - oui, la littérature fantastique peut être engagée – j’irai même jusqu’à dire que, dans la mesure où elle force le lecteur et l’auteur à s’interroger, elle est par nature engagée. 

8/ Pour chaque ouvrage acheté, l'argent est entièrement reversé au parc du Gévaudan dans le but de sauver un loup. Peux-tu nous présenter cette association? Et nous expliquer un peu le projet? Et pourquoi le loup?

Cette anthologie a été initiée en 2004, année où le gouvernement avait autorisé des abattages de loups dans les Alpes. Ecœurée, j’avais décidé de lancer un appel à textes pour protester contre ces décisions. L’histoire de l’anthologie et de ses différents déboires éditoriaux est longue, mais c’est finalement Estelle Valls de Gomis – auteure et illustratrice très talentueuse en plus d’être adorable – qui l’a accepté dans sa maison d’édition (Le calepin jaune éditions). 

Les loups sont des animaux magnifiques, fascinants – et nécessaires à l’équilibre de la nature – ils sont intégrés dans tous les pays d’Europe, les bergers s’en accommodent parfaitement – et, de manière générale, les humains aussi. Pourquoi pas en France ? Nous avons la peur du loup chevillée au corps, et une notion du nuisible qui, en plus d’être écœurantes, se confond souvent avec des intérêts pécuniaires. Le parc du Gévaudan , en tant que parc à loups, a vu le jour en 1985 (il existait en tant que parc animalier depuis 1962) grâce à Gérard Ménatory qui au début des années soixante, a initié le projet. Le parc compte une centaine de loups actuellement et fait énormément d’efforts pour ce magnifique prédateur. Et tout ça, dans le Gévaudan !
Leur site : http://www.loupsdugevaudan.com.

9/ Cette anthologie regroupe bon nombre d'auteurs connus et talentueux. Comment as-tu fais pour les intéresser à ce projet? Car rappelons malgré tout que l'écriture est ici totalement « bénévole » puisque aucun écrivain ne touche de droit d'auteur...

J’ai lancé un appel à textes – ce qui m’a permis de faire de très belles rencontres littéraires – et j’ai demandé aux auteurs que je connaissais déjà s’ils étaient intéressés : Nicolas Cluzeau, Estelle Valls de Gomis, et Thomas Hervet, qui sont des amis de longue date, ont accepté aussitôt. Jean Marigny m’a conseillé de contacter Claude Seignolle. Tous ceux qui ont participé à l’anthologie savaient qu’ils le faisaient « pour la bonne cause », non pour l’argent –  et voilà… Le plus beau, c’est que la plupart d’entre eux sont assez dingues pour récidiver. Lucie Chenu, Sophie Dabat et Menolly, pour ne citer qu’elles, ont eu la gentillesse d’accepter de participer à mes prochaines anthologies « à causes » : Plumes de Chats et « L ».

10/ Pourquoi le loup ? Est-ce dû au potentiel fantastique du loup? Pourquoi pas un autre animal?

Pourquoi le loup ? Comme je l’ai précisé un peu plus haut, principalement en raison des abattages écoeurants décidés par les autorités. Cannelle n’avait pas encore été victime de la bêtise des chasseurs, à l’époque, sinon j’aurais peut-être élargi le propos de l’anthologie aux ours et aux lynx, espèces très menacées. Ensuite, le loup fascine, c’est vrai et, dans le registre fantastique, est sources d’innombrables récits, mythes, légendes…
Etant « Animal Addicted » (bon, si l’on en croit la série The Sopranos, c’est une caractéristique de sociopathe), je n’ai aucunement l’intention de me limiter aux loups. Plumes de chats – à qui seul manque un éditeur à l’heure où j’écris ces lignes – est une anthologie destinée à aider… les chats (et plus particulièrement l’association Sauve dans laquelle je me suis engagée pendant deux ans). Il y en aura d’autres – j’aimerai notamment initier quelque chose sur les équidés – mais pour le moment, je fais une pause « humaine » avec le premier ouvrage de la collection pueblos, « L », qui a pour thème les femmes. Les droits seront reversés aux Pénélopes, je pense. L’anthologie 2010 sera également « humaine », je crois – mais Fabien et moi n’avons pas encore décidé quel en sera la « cause ». Il y a tellement à faire ! A ce propos, je signale que les jeunes éditions du Riez lancent un appel à textes, « Contes et légendes du monde », destiné à apporter un soutien financier à Aide et action.   

11/ Dans les deux ouvrages il y a aussi de superbes illustrations. Comment as tu travaillé avec ces illustrateurs? As-tu dirigé leur travail, as-tu choisi toi-même les illustrations? Ou bien est-ce ton éditrice qui s'est chargée de cette partie du travail?

Dans la mesure où Estelle est une amie, Fablyrr mon époux et Jijicé quelqu’un que je connais très bien (il publiera d’ailleurs, en début d’année prochaine, un recueil d’illustrations chez CDS éditions), cela n’a pas été trop compliqué. Je leur ai demandé de choisir les nouvelles qu’ils souhaitaient illustrer et les ai laissés libres, si mes souvenirs sont bons, de faire comme ils l’entendaient. D’abord, c’est une question de confiance, ensuite, je connais assez Fabien, par exemple, pour savoir qu’être « emprisonné » dans des directives trop précises a tendance à nuire à son inspiration. Les illustrations et la couverture convenaient à mon éditrice, donc… Elle les a toutes acceptées.

12/ Voilà, notre interview touche à sa fin. Avant de te remercier pour le temps que tu nous a accordé, peux-tu nous en dire un peu plus sur tes futures productions? Va-t-on te retrouver dans un registre vampirique? Ou bien de la fantasy? Quels sont tes projets en cours?

Trop – enfin, c’est une façon de parler. Dans le très proche… J’ai un recueil de nouvelles, Au miroir des sphinx, qui sort ces prochains jours aux éditions Argemmios, avec une magnifique couverture de Krystal Kamprubi. On y retrouvera certaines nouvelles écrites et publiées antérieurement, mais retravaillées, des textes inédits et des poèmes. Je ne sais pas trop comment classer Au miroir des sphinx, certains y ont vu de la fantasy, d’autres de la réécriture de mythes, je considère plus qu’il s’agit – une fois de plus… - d’une réflexion sur le thème du monstre, du même et de l’autre. En décembre, un autre ouvrage, très différent, sort aux éditions Le calepin jaune : Prysmes. Il s’agit d’un recueil de nouvelles fantastiques et chromatiques (la « chromatisation » ayant été initiée par Leonor Lara) où la mort, l’amour et les regrets sont omniprésents… Il est possible – je touche du bois – qu’on puisse en lire un échantillon dans un prochain Elegy. Une fois encore, Prysmes sera illustré par Estelle Valls de Gomis, Fabien Fernandez et Jijicé (qui signe également la couverture).
L’an prochain, outre ma participation à trois anthologies, un roman fantastique contemporain, Llorona On The Rocks, aux éditions Le calepin jaune, un récit jeunesse, La marque de la nuit, dans la collection Royaumes perdus que dirige Xavier Mauméjean chez Mango, Dolly Bag – toujours au Calepin – un recueil d’illustrations et de textes co-créé avec Fabien, Tout un tas de trucs en cours d’écriture, de soumission, etc. qui ne dépendent pas de moi…
Et CDS éditions, bien sûr. CDS éditions (loi 1901), fondées en septembre (officiellement) par mon mari et moi-même… Le but premier est de promouvoir de jeunes artistes dans les domaines de l’imaginaire (photographies, illustrations, etc.). Nous avons gardé ce pôle, notamment avec la collection « collectionneur », mais nous avons aussi deux autres collections, « hypericum » qui est dédiée aux jeux de rôles et « pueblos », qui consistent en anthologies à vocation humanitaire ou écologiques (et, donc, animalières). Le premier ouvrage de CDS éditions Project : Pelican est un jeu de rôles d’horreur contemporaine, dans lequel les joueurs incarnent des Natifs au lendemain de l’occupation d’Alcatraz (1969-1971). C’est Fabien qui est aux commandes, et les droits seront reversés à une association destinée à aider les enfants de la réserve de Pine Ridge. Des vierges et des tombeaux, ouvrage d’illustrations de Jijicé mises en miroir – je n sais pas si cela se dit mais tant pis, j’aime bien – de poèmes classiques, sortira en février 2009. « L », anthologie – domaine de l’imaginaire encore – sortira en mars et les droits seront, si tout va bien, reversés à l’association Les Pénélopes. Et en juin, la talentueuse Estelle Valls de Gomis sortira son premier recueil d’illustrations, Le boudoir aux Végétales…

Je te remercie d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Ce fut un véritable plaisir !

Merci à toi pour cette interview – et pour ton enthousiasme qui me touche vraiment beaucoup.


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#2 2008-09-18 10:49:01

Chaperon Rouge
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Re: [M] [ITW] Charlotte Bousquet.

Passionnant ! Bravo à vous deux pour cette super interview ! big_smile


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