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#1 2011-04-12 10:34:44

BernardMenez
Nouvel Arrivant
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[M] L’aiguille dans la botte de foin [Ernesto Mallo - 2005]

http://img703.imageshack.us/img703/1055/laiguilledanslabottedef.jpg

L’aiguille dans la botte de foin
(La aguja en el pajar)

Origine : Argentine
Genre : Polar

Année : 2005
Auteur : Ernesto Mallo

Editeur : Rivages / Noir (sorti en France en 2009 si j'ai tout compris).


Dans un coin perdu en rase en campagne, trois cadavres sont découverts. En fait de trois, ce fût deux cadavres au préalable qui furent trouvés par un vieux camionneur passant par là. Sauf qu'entre l'annonciation de la découverte des deux cadavres et l'arrivée de l'officier de police Lascano, il y en a un de plus. Ou un de trop ? A moins que le vieux camionneur n'aie mal vu, ce qui semble peu probable.
Nous sommes, il convient de le préciser dans les années 70, en Argentine, et la dictature militaire est au pouvoir. C'est donc dans un contexte où la notion de justice semble déviée de son sens, que notre officier de police, va mener son enquête, avec l'aide notamment, de son ami Fuseli, un médecin légiste. Un médecin légiste affuté à qui Lascano fait entière confiance. Un homme tellement expérimenté en son domaine qu'on dit de lui qu'il fait parler les morts... et ça ne tarde pas à être le cas.
Soit, deux parmi les trois cadavres, deux semblent bien être de jeunes révolutionnaires exécutés en toute légitimité par l'Etat dans une Argentine en plein chaos. En revanche le troisième macchabée va se mettre à table. Les morts parlent à ceux qui savent les écouter ! Ainsi très vite Fuseli, découvre que ce troisième homme n'a pas été abattu sur place, mais tabassé ailleurs, avec certains coups causés même par le transport du corps. Et puis les exécutions sommaires gouvernementales, font que l'on retrouve les victimes la tête en bouillie. Ce n'est pas le cas de ce troisième cadavre qui va s'avérer gênant.
Lascano est surnommé Perro (Le chien). c'est un officier intègre profondément affecté par la mort de sa femme, et qui se dévoue entièrement à son travail dans une fuite en avant supposée lui éviter des états d'âme qui seraient synonymes de mort. De fait, c'est comme un chien en chasse qu'il suivra toutes les pistes possibles et inimaginables, et se faisant, mettra en danger quelques instances supérieures inflexibles, lesquelles auraient intérêt dans ce cas à ce qu'il disparaisse lui aussi avec tous ceux qu'il côtoie de trop près...

Autant dire que notre Perro ne lâchera pas son os, et à Ernesto Mallo de nous livrer une peinture corrosive sous des allures littéraires neutres, ce, à l'instar de son héros flic, qui, faussement candide, ne s'en remet qu'à son métier pour forcer des portes scellées pour obscures raisons d'état.
A maintes reprises, on se surprend à penser au juge d'instruction campé par Jean-Louis Trintignant dans "Z" de Costa Gavras ; un juge restera faussement neutre, n'affichant aucune conviction, ni politique, ni sociale, ce, pour mieux mettre en évidence les faits, et exercer son métier en épurant tout esprit de rébellion qui ne serait signe, au mieux, qu'on lui retire la charge de l'enquête. C'est en suivant au plus près les mécanismes de sa profession qu'il parviendra à défaire les rouages sous-tendant des crimes de bas étages lorsqu'il ne s'agit pas tout simplement de crime fascistes fomentés par un gouvernement. Une manière d'éluder un constat embarrassant : "Où sont les limites de la démocratie dès qu'elle tend vers le fascisme, ce, au travers notamment, des rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif".
En tant qu'officier de police, finalement Perro, se fait garant du pouvoir exécutif l'air de ne pas y toucher.
Bref, il ne faudra surtout pas faire l'erreur à la lecture de cet fort bon "L’aiguille dans la botte de foin" de croire que son auteur évite tout sujet qui fâche pour ne se concentrer finalement que sur une enquête des plus conventionnelles. Le sujet du livre n'est ni la fidélité aux principes, ni l'intégrité en soi, deux qualités personnifiées du reste par Perro Lascano ; non, Ernesto Mallo prévient qu'il y aura toujours une personne venant mettre son grain de sable dans des rouages pourtant bien huilés et instrumentés, et qu'en cela, le pouvoir en place et ses organisations secrètes devraient redoubler de vigilance au lieu d'afficher une orgueilleuse dictature basée sur un soi-disant bien commun.

Premier d'une série mettant en page une Argentine tourmentée ainsi qu'un héros cherchant la rédemption et l'oubli dans son travail, L’aiguille dans la botte de foin est très bien structuré. Chaque personnage nous est tour à tour présenté, d'abord notre héros presqu'à bout de force et de motivation pour se lever de son lit, son ami Fuseli qui jouera un rôle crucial et se mettra en danger, le major Giribaldi, un militaire quasi mercenaire au service de l'état, pratiquant le zèle et les opérations les plus louches. Mais attention, l'homme de par son statut et sa position pourra bien se révéler intouchable. Un usurier juif détesté de tous et retrouvé mort à un endroit où jamais il n'aurait dû se trouver. Le frère de l'usurier, son employé, qui aurait eu, comme tant d'autres, un bel intérêt à effacer ses dettes face à l'intransigeance de l'homme d'affaire pingre.
Des dettes disposées comme des dominos prêts à tomber les uns après les autres, lesquelles feront que chacun aura besoin d'un autre pour se dépêtrer de son bourbier ou bien pour masquer un meurtre "ordinaire" en le faisant passer pour une exécution justifiée et de bon droit. Et puis Eva, une jeune rebelle, faisant partie d'une organisation dissidente mais qui croisera la route d'un Lascano qui non seulement ne s'en remettra pas, mais sidéré par la ressemblance entre Eva et son ancienne compagne décédée, se sentira doublement impliqué dans l'affaire. une affaire dont les rouages tomberont peu à peu tandis que les dangers se refermeront comme des étaux, ce, de façon inéluctable.
Mallo (à ne pas confondre avec Mallox) réussit l'exploit de livrer un drame de politique fiction mâtiné d'une limpide peinture d'une époque pourtant oh combien trouble et confuse, ainsi qu'un polar qui tient en haleine du début jusqu'à la fin. On rajoutera au crédit de l'écrivain, une humanité qui habite ses personnages, laquelle tend à rendre ce mélange de genres homogène et parfaitement réussi, assez fascinant. Difficile de décrocher en cours de route !


Note : 7,5/10

Dernière modification par BernardMenez (2011-04-12 16:36:00)


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#2 2011-04-12 14:22:13

Chaperon Rouge
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Re: [M] L’aiguille dans la botte de foin [Ernesto Mallo - 2005]

Fichtre diantre, en voilà une belle chronique !!!! big_smile


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#3 2011-04-12 16:20:51

BernardMenez
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Re: [M] L’aiguille dans la botte de foin [Ernesto Mallo - 2005]

Fichtre diantre, je viens de me corriger quelques fautes (et même un doublon de formule !). Sorry.

Signé : Un autiste anonyme.

(Mais le livre est bien !) tongue


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