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#1 2009-06-27 16:02:54

Chaperon Rouge
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Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Suite et fin du dossier.


                                                                                                                             TROISIEME PARTIE :


                                                                                                                        REECRITURE ET SUBVERSION :







A – CONTES DE FEES ET SUBVERSION :



Réécrire, c’est avant tout participer à l’évolution collective d’un texte, le faire vivre, le faire évoluer, le transformer. Pourtant, au gré de ces transformations, l’évolution peut rapidement se teindre de subversion, prendre la coloration d’un détournement plus ou moins manifeste des objectifs initiaux des récits et donc, dans le cas qui nous intéresse ici, des contes de fées :

"Il s’agit de savoir ce que chacun veut du conte : le fixer ou en saisir la vie. Tenter d’entrer dans la dynamique du conte, c’est l’affecter de ce mouvement ; mais c’est aussi s’inscrire dans toute une lignée de médiateurs, chacun ayant remodelé les récits à sa manière et en fonction de la communauté à laquelle il appartenait."


De nombreux auteurs vont donc choisir la forme du conte pour véhiculer un message subversif, qu’il soit formel ou idéologique, en jouant sur les notions d’intertextualité. Ces réseaux de récits étroitement croisés, évoqués, adaptés vont ainsi révéler le besoin de rappeler une filiation, de se rattacher à une tradition littéraire et pour ainsi dire mythique afin de mieux détourner leurs contenus et leurs enjeux sous-jacents. Dans un premier temps, nous allons donc aborder la notion de subversion littéraire afin d’en dégager les principes fondamentaux pour ensuite tenter d’éclairer nos contes sous l’angle de la perversion, notion à la fois proche et divergente de la subversion, mais avant tout moteur et support idéal aux réécritures subversives.

   

    I – SUBVERSION ET PERVERSION :

I – 1 – La subversion littéraire : présentation des principaux enjeux.



    Lorsque l’on étudie les phénomènes de réécriture, nous sommes inéluctablement confrontés  un moment ou à un autre à la notion de subversion, que cela soit pour parler des productions littéraires contemporaines jugées subversives par rapport aux schémas classiques, ou encore pour rendre compte de la démarche d’un auteur détournant la structure convenue d’un récit célèbre. Si l’on consulte le dictionnaire, nous lisons :
   
"subvertir :  bouleverser un ordre, un équilibre. Inverser des données, des postulats.
Subversion : action, activité visant au renversement de l’ordre existant, des valeurs établies. Mouvement de subversion."


La figure de la subversion entretient des rapports très étroits avec la norme, le canon ou le discours dominant et elle nous amène donc à étudier les phénomènes de rejet, de rupture, de distanciation, de détournement ou encore de parodie et de dissociation à l’œuvre dans un texte littéraire. L’idée de subversion implique des degrés et met en jeu de manière très nette les attentes du lecteur en représentant des illustrations de possibilités et de controverses. D’un point de vue littéral, la subversion peut donc être réalisée de deux façons : soit l’auteur va transformer le style et la forme de son hypotexte, soit il va à l’inverse l’imiter en jouant dans ce cas non sur l’écart de forme mais sur l’écart de contexte ou de sujet. Mais de toute façon, subvertir nécessite un renversement, un détournement entraînant une transformation, qu’elle soit formelle ou qu’elle relève uniquement de la finalité du texte. Au regard de notre corpus de réécritures, nous pouvons alors légitimement nous questionner sur la présence éventuelle d’un tel phénomène de subversion sous la plume des auteurs ayant choisi de s’approprier les contes de fées que nous avons sélectionné car en effet, hormis la nature subversive ou non de leurs écrits, les contes de fées fournissent le support idéal à une telle démarche par leur nature d’ores et déjà extrêmement subversive, comme ont pu le montrer de nombreux critiques .Nous ne pourrons développer ce point plus amplement car il nous demanderait une analyse extrêmement étendue qui sortirait quelque peu du cadre de notre sujet et nous citerons donc un extrait de la thèse de Virginie Douglas sur la subversion dans la littérature jeunesse  pour éclairer ce point qui formera le support à notre étude :

"Si les grands classiques pour adultes et pour enfants ont souvent inspiré des réécritures subversives, le conte qui n’est pourtant pas spécifiquement destiné aux enfants, comme cela a été démontré, correspond de loin au genre le plus subverti par les jeux intertextuels des récits contemporains. Pourquoi constitue-t-il la principale cible de la subversion ? Une première raison se trouve dans le degré de saturation actuel de la civilisation occidentale par les contes (subvertis ou non). (…) L’omniprésence du conte, qui en fait un acquis culturel parfois inconscient, se vérifie par exemple dans la publicité. C’est pourquoi la subversion intertextuelle s’appuyant sur le conte semble aujourd’hui privilégiée : la dimension populaire de ce registre et son imprégnation de l’inconscient collectif le rendent accessible à tous, y compris – et surtout – aux enfants. Mais la principale motivation du traitement subversif du conte vient peut-être de ce que genre synthétise tous les types de conventionalités, depuis la vision archétypale de la pensée et de la psychologie humaine qu’il autorise jusqu’à la codification littéraire rigide à laquelle il est soumis (qui en a fait un objet d’étude particulièrement approprié aux intérêts de l’école formaliste), du déroulement préétabli de l’intrigue à la dimension stéréotypée des personnages."


Même si cette citation est un peu longue, nous avons pourtant choisi de la citer dans son intégralité car elle montre bien l’importance d’un genre tel que le conte de fée dans la perspective de réécriture subversive qui nous préoccupe en montrant combien certains contes peuvent briser la structure normative et « le discours dogmatique de la tradition du conte de fées classique »  à l’intérieur d’un espace restreint et choisi.  Il paraît donc intéressant de voir qu’en plus d’appartenir à un genre qui a suscité de nombreuses études sur la subversion, nos trois contes sont eux-même quelque peu en marge des contes classiques et de leurs structures courantes. Peau d’âne, le petit Chaperon rouge et la Belle et la Bête se prêtent ainsi très aisément à des réécritures subversives car ils contournent eux-mêmes les voies ordinaires du conte, ne serait-ce que par la présence de trois héroïnes féminines, par la fin tragique du petit Chaperon rouge ou encore par les parcours atypiques auxquels se livrent les personnages. Nous sommes en effet bien loin d’une structure que nous pourrions résumer comme : un petit personnage part dans le vaste monde, il rencontre sur son chemin une belle princesse en détresse qu’il va devoir secourir, aidé dans sa tâche par une fée bienveillante, afin de parvenir finalement à la conquête du royaume et du cœur de la princesse. Bien au contraire, nos récits vont former donc tous trois la matière parfaite à la réappropriation subversive et c’est donc cette réappropriation, réorientant l’objectif du conte dans un but nouveau et axiologiquement connoté, qui va réaliser cette subversion. De manière à étudier plus amplement les modalités de ce phénomène à l’œuvre dans nos textes, nous allons dans un premier temps aborder la question de la perversité originelle de nos contes sources comme point de départ aux subversions ultérieures. Car en effet, perversion et subversion sont deux notions relativement proches mais qui contiennent des enjeux pourtant bien différents et nous nous appuierons sur une définition de Mikel Dufrenne, dans son ouvrage intitulé subversion, perversion, pour aborder ces deux notions :

"Ces deux verbes peuvent donc à première vue s’échanger ; et l’on dit indifféremment aujourd’hui : pervertir ou subvertir les règles du discours. Mais une première différenciation se produit quand on confronte les substantifs issus de ces verbes : subversion désigne le fait de l’action et aussi son effet, en sorte que l’accent est mis sur l’efficace de l’entreprise ; et la langue a forgé un adjectif qui spécifie le caractère de l’action : on la dit subversive. Alors qu’on ne parle pas d’action perversive. Et en effet, perversion dénote moins l’efficace de l’acte que sa nature ou sa structure ; les théories de la perversion, attentives à déceler cette structure, recourent peu au verbe pervertir."


La subversion, locale et ponctuelle, réfère ainsi beaucoup plus exclusivement à une action : « subversif » désigne le caractère et l’effet d’une action, non un sujet, alors que la perversion peut renvoyer à un objet déterminé, à un état, dans le sens ou nous allons l’étudier. C’est donc ce que nous allons tenter de voir en dégageant de nos contes un postulat qui nous conduira à dire qu’il paraît possible, et pour ainsi dire évident, d’en réécrire des versions subversives en majeure partie en raison de leur nature intrinsèquement et originellement perverse.



I – 2 – La perversité des contes :


Afin de montrer ce que nous avons choisi de nommer la « perversité » de nos contes, nous allons voir dans un premier temps que la figure maternelle est négative dans nos trois récits et qu’elle va considérablement altérer la norme relationnelle en enfreignant les lois classiques de la relation parents-enfants. De la mère à la marâtre, la mère est en effet ici une figure de la perversité qui génère les malheurs de nos héroïnes de par leur présence ou leur simple évocation. L’un des aspects essentiels de ces récits est donc de montrer des personnages innocents livrés à eux même, la plupart du temps à cause de leur parents qui pervertissent considérablement leur fonction naturelle bien que généralement contre leur volonté :

"Ainsi le conte voit-il toujours l’enfant comme une pauvre victime, et s’il tente d’innocenter les parents en incriminant quelque tours de magie, le père et la mère, parfois les deux, parfois un seul, n’en sont pas moins dans son esprit les complices involontaires, voire des aides du mauvais sort."


Il y de fait dans le conte merveilleux ce postulat de base selon lequel l’enfant n’ est pour rien dans ce qui lui arrive, à la différence des parents qui eux doivent être tenus pour responsables des malheurs et des épreuves qui vont s’abattre sur leur progéniture. Et c’est donc en cela que nous pouvons affirmer que le conte est pervers puisqu’il va montrer des situation familiales cruellement dénaturées au sein desquelles les parents vont devenir les instruments de la perte des enfants, que cela soit par leur étourderie ou par leur absence de réflexion sur la portée de leur propos comme nous allons clairement le voir dans nos trois contes sources.
    Nous allons donc débuter notre étude par le conte de Peau d’âne, celui-ci éclairant ce point de manière extrêmement probante puisque la mère, bien qu’elle meure au tout début du conte, va entraîner par ses dernières volontés à la fois le désir incestueux du père et l’exil de la jeune fille. Pourtant, c’est bien sous les traits d’une reine douce et vertueuse, véritable parangon de la figure maternelle idéalisée, que celle-ci nous est présenté :

"Son aimable Moitié, sa Compagne fidèle,
Etait si charmante et si Belle ;
Avait l’esprit si commode et si doux
Qu’il était encor avec elle
Moins heureux Roi qu’heureux époux.
De leur tendre et chaste hyménée
Plein de douceur et d’agrément ,
Avec tant de vertus une fille était née
Qu’ils se consolaient aisément
De n’avoir pas de plus ample lignée."


Néanmoins, c’est cette même mère qui engage le processus et rend possible l’amour incestueux qu’éprouve le roi pour sa fille, responsable de tout le tragique du conte, en en élaborant le stratagème de lui faire promettre de ne point épouser une femme qui ne serait pas aussi belle qu’elle pour être sûre qu’il ne se remariera pas :

" Je veux avoir pour serment
Que si vous rencontrez une femme plus belle,
Mieux faite et plus sage que moi,
Vous pourrez franchement lui donner votre foi
Et vous marier avec elle.
(…)
Sa confiance en ses attraits
Lui faisait regarder une telle promesse
Comme un serment, surpris avec adresse,
De ne se marier jamais. "

Car en effet, si la mère n’avait pas posé cette condition en voulant enchaîner le roi à son amour pour elle,  le père de l’infante n’aurait pas conçu le projet de l’épouser en procédant ainsi à un véritable déplacement de la relation qu’il avait avec sa femme et en cherchant surtout l’unique moyen pour lui de se départir de son serment l’obligeant à un veuvage forcé qui ne semble absolument pas lui convenir :
   

"Au bout de quelques mois,
Il voulut procéder à faire un nouveaux choix ;
Mais ce n’était pas chose aisée,
Il fallait garder son serment
Et que la nouvelle Epousée
Eût plus d’attraits et d’agrément
Que celle qu’on venait de mettre au monument. "


Ce n’est donc pas sans un certain humour, voir un certain cynisme, que Perrault décrit cet empressement du roi à se remarier sitôt la reine enterrée mais il demeure toutefois que la figure maternelle est ici grandement ambivalente car elle est en réalité duelle ( positive et négative ) puisqu’elle fait subir à son enfant les conséquences extrêmement perverses de sa promesse. De plus, ce serment est d’emblée annonciateur des malheurs de l’enfant car c’est aussi l’hybris féminin qui est ainsi puni par l’intermédiaire de Peau d’âne sous la plume de Charles Perrault, celui-ci étant  toujours extrêmement acerbe envers les travers féminins. La perversité du conte de Peau d’âne est donc de renverser les valeurs maternelles et maritales en un pacte dévoyé qui va entraîner par la faute de la mère, pourtant loin de l‘avoir souhaité,  la tentation de l’inceste ainsi que l’exil et les humiliations que devra par la suite subir la jeune fille.
    De même, nous pouvons relever un phénomène plus ou moins analogue dans le conte du petit Chaperon rouge en ce qui concerne l’attitude quelque peu inconsidérée de la mère de la fillette ainsi que celle de la grand mère. En effet ces deux femmes, en partie en raison de leur amour débordant pour la petite fille, vont la pousser entre les griffes du loup, thème qui sera amplement développé par les réécritures ultérieures qui renforceront très nettement la part de responsabilité de la mère dans l’aventure tragique de petit Chaperon rouge :

"Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa grand-mère plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout, on l’appelait le Petit Chaperon rouge."


D’une part, les deux femmes vont donc inconsidérément rendre la fillette encore plus attractive et séduisante pour le loup, et donc par extension pour tous les jeunes hommes qui rôdent, alors qu’elle était déjà "la plus jolie qu’on eût su voir"  et d’autres part, c’est bien la mère de la fillette qui va déclencher son parcours dans la forêt tout en la prévenant de manière paradoxale de se méfier du loup dans les bois. Nous comprenons ainsi d’emblée que par leurs actes, les deux femmes ont étroitement tissé le piège qui va se refermer sur le petit Chaperon, la menant à sa rencontre avec le loup et à sa fin tragique, même si une fois encore, leurs actions n’étaient aucunement motivées par une volonté de nuire à l’enfant. Peau d’âne et le petit Chaperon rouge sont donc bien des héroïnes innocentes dont les mères respectives se font les "complices du mauvais sort"  en pervertissant leur rôle maternel, ce qui fait d’elles des figures malgré tout négatives, bien que cela demeure implicite. Nous trouvons par ailleurs un phénomène similaire dans la Belle et la Bête puisque là encore, c’est l’étourderie du père et sa légèreté (le vol de la rose dans le jardin de la Bête ) qui va entraîner toutes les mésaventures de la jeune femme qui devra se sacrifier pour sauver son père de la mort :

" Je veux bien te pardonner, mais ce n’est qu’à condition que tu me donneras une de tes filles. Il me faut quelqu’un pour réparer cette faute."

Nous noterons d’ailleurs que cette culpabilité paternelle est fortement renforcée sous la plume d’Angela Carter dans la nouvelle The Tiger’s Bride  car celui-ci n’est plus simplement victime de sa légèreté mais il perd sciemment sa fille aux cartes en la mettant en jeu comme gage de son illusoire victoire. C’est donc bien l’un des intérêts du conte que de masquer à la première lecture les rôles fondamentaux de ses principaux protagonistes. Les opposants ne sont en effet pas toujours ceux que l’on pourrait croire de prime abord, à l’image du conte de la Belle et la Bête qui en est la parfaite expression en nous montrant un monstre qui en réalité n’en est pas un et des être humains inconscients des conséquences de leurs actes.
    Ensuite, un second élément dans cette étude de la perversité et du pervertissement des contes pourrait être envisagé dans l’analyse des rapports d’identité et des jeux sous-jacents qui se créent au fil des pages. En effet, et ce notamment dans le conte du petit Chaperon rouge, un réseau implicite d’identification se tisse à l’insu du lecteur en élaborant un discret travail de sape des figures conventionnelles du conte et en dénaturant les personnages que nous aurions pu d’emblée croire si archétypaux et stéréotypés. De fait, comme nous l’avons précédemment analysé dans le conte de Perrault, une analogie se crée en filigrane entre la fillette et le loup lors des dialogues similaires échangés sur le seuil de la maison de la grand-mère afin de montrer la résurgence de la nature dévoratrice de la fillette en souvenir des versions folkloriques dans lesquelles l’enfant dévore les restes de son aïeule . De même, de nombreuses réécritures vont continuer et développer ce point en conduisant le lecteur à discerner une nouvelle analogie, cette fois-ci entre la grand-mère et le loup. Nous pouvons prendre l’exemple de la version d’Henri Pourrat dans laquelle nous lisons très clairement :

"Sa mère-grand lui disait toujours d’avoir grand’peur du loup, tant elle la trouvait gente : gente à lui donner envie de la croquer."

   
Le terme "croquer" est sur ce point tout à fait explicite car il introduit d’emblée le soupçon sur les réelles motivations de la grand-mère qui revêt par là une sorte de dimension dévoratrice, voire castratrice, l’apparentant au loup. De plus, la célèbre scène de déguisement du loup, présente dans les versions de Perrault, Grimm et Pourrat, entérine cette assimilation et ce pervertissement des rapports d’identité en abolissant les distinctions corporelles et comportementales entre la grand-mère et l’animal. En effet, en ne reconnaissant pas le loup dans les atours de sa grand-mère, élément d’une grande incohérence mais justifiable par l’univers merveilleux du conte, de nombreux commentateurs y ont aussi vu une démarche inconsciente de remplacement de la figure grand maternelle par la figure dévoratrice du loup, la grand-mère devenant ainsi métaphoriquement celle qui désire absorber la jeunesse de la fillette en refus de son propre vieillissement :

"C’est la femme d’âge mûr qui s’évertue à reléguer sa fille au second plan afin d’occuper elle-même le devant de la scène. Lu dans cette optique, le petit Chaperon rouge conseille de se méfier non seulement de certains hommes en quête de proies faciles, mais aussi du genre de grand-mère qui rêve de dévorer métaphoriquement son petit enfant et annonce son attention en s’exclamant "tu es mignonne à croquer !""

   
    Elle aussi duelle, la figure de la grand-mère va donc être extrêmement pointée du doigt par les adaptations ultérieures du conte en exacerbant son aspect négatif entraîné par las analogies et les détournements des rapports d’identité. Nous pouvons en ce sens considérer la réécriture de Tomi Ungerer qui est extrêmement intéressante à ce niveau en faisant de la grand mère une vielle femme mauvaise et acariâtre, frustrée d’avoir perdue sa belle voix de cantatrice et battant sa petite fille :

"All I get for my trouble is blows and insults, anyway. Each time I get there she accuses me of things I haven’t done yet. (…).I still carry on my tender skin the bluish marks of the old woman beatings. And, here, look at the marks where she bit me in the shoulder last week. Vicious to the core, that’s what she is."


Nous sommes donc ici bien loin de la bonne grand-mère du conte et le personnage opposant n’est désormais plus le loup mais la grand-mère, l’animal devenant le sympathique intermédiaire permettant à la fillette de se débarrasser de la vielle femme qui finira réduite à la taille d’un rat auquel elle disputera un peu de nourriture avariée, symbole de son avarice :

"And the grandmother? Left without food, she shrank and shrank, until she was just six inches high. When last seen, she was scavenging someone’s larder in the compagny of a Northway rat. And, tiny and hungry, she was just as mean as ever."

    De même, un court métrage du réalisateur Jan Kounen intitulé le dernier petit Chaperon rouge  datant de 1996 reprend très exactement cette thématique faisant de la grand-mère une abominable créature car dans cette adaptation, elle est désormais une ancienne ballerine qui s’est fait casser les jambes par le loup dans sa jeunesse. La grand-mère, cruelle et proche de la folie, désire donc absolument récupérer les jambes de sa petite fille pour se les greffer à son propre corps et ce point de départ scénaristique va donc donner lieu à une version extrêmement étrange du conte dans une atmosphère versé d’horreur et de fantastique. Une fois de plus, la grand-mère est donc assimilée au loup et à sa dimension meurtrière puisque c’est désormais elle qui traque le Chaperon rouge pour le tuer. Nous voyons donc en cela la perversion exercée sur les personnages et sur les jeux d’identité, donnant ainsi une résonance nouvelle au récit en dénaturant totalement les situations de départ. Subversion et perversion sont donc deux phénomènes relativement proches comme nous pouvons le constater au gré de notre étude, mais nous considérerons cependant que ces jeux d’identité relèvent plus du pervertissement que de la subversion car ils entraînent clairement un changement en mal. Et en effet, subvertir un texte n’implique pas forcément une connotation négative – comme nous le verrons notamment avec des subversions orientées vers le féminisme sous la plume d’Angela Carter – mais seulement une changement d’objectif axiologiquement neutre qui, lui, changera la portée et les enjeux du récit. En ce qui concerne ces réseaux, sous-jacents ou non, de transfert d’identité, nous parlerons donc de perversion car c’est bien dans une perspective de dégradation des structures initiales que s’établit et s’épanouit le nouveau sens du texte. Sur ce point, Angela Carter va quant à elle aller encore plus loin dans sa nouvelle The Werewolf  en qui concerne la dégradation et le détournement du personnage de la grand-mère. En effet, au lieu de créer une analogie implicite entre la nature dévoratrice et lupine de la grand-mère et la véritable nature du loup, elle va faire de la vieille femme un loup-garou. Carter mélange donc ici les deux figures de la grand-mère en une seule, à la fois prédateur et castratrice en même temps que maternelle :

"But it was no longer a wolf’s paw. It was a hand, chopped off at the wrist, a hand toughened with work and freckled with old age. (…) By the wart, she knew it for her grandmother’s hand. She pulled back the sheet but the old woman woke up, at that, and began to struggle, squawking and shrieking like a thing possessed."

L’analogie est donc ici poussée à l’extrême et l’ambivalence atteint son comble puisqu’à la fois femme et loup, la grand-mère a toujours rempli son rôle d’aïeule mais une fois découverte, elle est lapidée, subissant ainsi un sort similaire à celui du loup du conte de Grimm c’est-à-dire la mort :

"They drove the old woman, in her shift as she was, out into the snow with sticks, beating her old carcass as far as the edge of the forest, and pelted her with stones until she fell down dead."


Chez Angela Carter, l’ambiguïté demeure entre figure positive ou négative et nous pouvons très certainement rapprocher ce fait du jeu littéraire constant de « fascination – répulsion » qui se déploie dans toute son œuvre et qui a suscité de nombreuses critiques . Béatrice Bijon parle notamment d’« entreprise de fascination »  concernant la noirceur des personnages et des situations dépeinte    s par l’auteur et c’est bien ce que nous trouvons dans cette vision extrêmement sombre du petit Chaperon rouge dans laquelle le lecteur se trouve emporté, presque malgré lui. En effet, le cœur de cette très courte nouvelle est occupé par l’allusion très nette au conte dans laquelle nous retrouvons tous les élément permettant de l’identifier :

"Go and visit grandmother, who has been sick. Take her the oatcakes I’ve backed for her on the hearthstone and a little pot of butter. The good child does as her mother bids – five miles’ trudge through the forest ; do not leave the path because of the bears, the wild boar, the starving wolves. "

Le lecteur se trouve donc emporté dans un récit qui appartient à son univers et à son inconscient littéraire pour ensuite être contraint de se départir des données traditionnelles du conte, celui-ci étant rapidement noyé dans un monde où les êtres sont hybrides et maudits et où les personnages ne sont absolument plus ceux à quoi le lecteur était en droit de s’attendre.  Par ailleurs, c’est paradoxalement la fillette qui est ici la plus cruelle, et non le loup-garou car elle fait preuve d’un sang-froid et d’une insensibilité notoire, acceptant sans un mot la mise à mort de sa grand-mère :

    "Now the child lived in her grandmother’s house ; she prospered."

Ainsi, nos trois contes comportent tous un certain nombre d’éléments qui pervertissent radicalement les relations entre les personnages, envisagés selon une certaine norme. Ce sont tout particulièrement les relations entre les héroïnes et leurs familles respectives ( et essentiellement les figures maternelles ) qui sont ici mises en cause par des renversements de positions et d’identités réalisant des échanges de rôles, et ce notamment dans le conte du petit Chaperon rouge dans lequel les frontières entre l’enfant, le loup et la grand-mère sont extrêmement poreuses. Après avoir abordé la question de la perversité de nos contes et de leurs protagonistes, nous allons donc à présent entrer de plain-pied dans notre étude de la subversion en étudiant dans un premier temps les subversions structurelles à l’œuvre dans nos différentes réécritures, c’est-à-dire les détournement s’effectuant principalement à partir de la forme et du déroulement des divers hypotextes de base.


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II – SUBVERSIONS STRUCTURELLES :


    II – 1 – D’une valorisation à l’autre :



    Afin d’étudier les différentes manifestations d’une écriture subversive opérée dans la structures de nos contes, nous allons donc nous intéresser tout particulièrement à ce que Gérard Genette nomme dans son ouvrage palimpsestes, la littérature au second degré  les phénomènes de « valorisation » , de « dévalorisation »  et,  plus généralement, de « transvalorisation » . Valoriser correspond à augmenter le mérite ou la valeur symbolique d’un héros dans un hypertexte en lui conférant une importance supérieure à celle qui lui était attribuée dans l’hypotexte. L’entreprise inverse, la dévalorisation, consiste quant à elle à opérer par démystification, à faire donc perdre très logiquement du crédit et des mérites à un personnage. Mais pour ce qui est de la transvalorisation, et c’est la notion qui va le plus nous intéresser dans le cadre de cette étude, elle consiste en un changement de valeur d’un texte ou d’un personnage au yeux du lecteur. Nous assistons dans ce cas à un double phénomène simultané de valorisation et de dévalorisation et nous pouvons donc ainsi parler de subversion puisque changer la dimension des personnages et leur épaisseur revient bien à changer plus ou moins subtilement l’objectif et la porté d’un texte en relation avec les attentes probables d’un lectorat choisi :

"Parfois la dévalorisation n’y va pas sans quelque valorisation, et donc nous sommes déjà dans le mouvement complexe de la transvalorisation. C’est ici un double mouvement de dévalorisation et de (contre-)valorisation portant sur les mêmes personnages."


Le conte du Petit Chaperon rouge, une fois encore, nous offre donc une parfaite illustration de ce phénomène et ce notamment grâce à la réécriture de Tomi Ungerer par laquelle nous allons débuter notre étude. En relation avec ce que nous venons juste de voir concernant la perversion des rapports d’identité des personnages, nous pouvons considérer que nous sommes bien confrontés à un double phénomène de transvalorisation négative de la grand-mère et de transvalorisation positive du loup. En effet, en plus de ce que nous avons vu sur la dévalorisation de la mère-grand devenue sous la plume de l’auteur une femme vicieuse et cruelle, le loup n’est désormais plus une figure négative mais un animal anthropomorphe devant lutter contre sa mauvaise réputation :

" I know of your grandmother and all I can say is that her reputation is worse than mine."
(…)
I was told wolves feed on little children. I don’t quite trust you, Mister Duke. You wouldn’t eat me, would you?"

Avec beaucoup d’humour, Tomi Ungerer va donc jouer de ce phénomène de transvalorisation pour inverser radicalement le postulat de base du petit Chaperon rouge et se jouer de la réputation des contes en eux-mêmes. Il va donc se livrer à une très nette subversion du conte de fées traditionnel en montrant que la réputation d’un conte précède inexorablement toute nouvelle version qui peut en être écrite ou réalisée et la fillette est donc par là une véritable mise en abîme du lecteur qui s’attend infailliblement à trouver un « méchant loup » et une « gentille grand-mère » prête à se laisser dévorer sans un mot. Par la bouche du loup, Ungerer condamne ainsi la pléthore de contes qui lui ont toujours donné le mauvais rôle en réhabilitant un animal nouvellement sympathique. A la lecture de ce récit, nous avons réellement le sentiment que les personnages du conte ont déjà lu l’histoire du petit Chaperon rouge – ou du moins est-ce le cas pour le loup – et qu’ils essaient de se départir de la trame  originelle en jouant sur la reprise des mêmes formules mais de manière totalement parodique :

"I was told wolves feed on little children. I don’t quite trust you, Mister Duke. You wouldn’t eat me, would you? With a big mouth like that, you could gobble me up in a jiffy and a spiffy, bones, cape, and all."
"Nonsense, child, mere slander, that is. Wolves feed only upon ugly children, and then only on special request,” replied the beast with a sugar smile. “ Never, ever would I do such a thing. Upon my mother’s truffle, never."

L’allusion au conte traditionnel est ici évidente et la subversion de la forme classique va également de paire avec le détournement du « tout est bien qui finit bien » concluant généralement les contes merveilleux. Tomi Ungerer va en effet appliquer la formule heureuse, typique des contes, à un récit qui se démarque pourtant généralement de par sa fin que l’on sait tragique sous la plume de Charles Perrault :

"Off they went to live happily ever after. They did get married and they had all sorts of children who lived happily, too."

En fin connaisseur des contes, l’auteur se joue donc avec complaisance des topos de ce genre de littérature et les termes « as in a fairy tale »  prononcés par le loup démontrent bien cette volonté de se présenter en confrontation directe avec toute un héritage littéraire, et surtout la volonté de renverser les rôles traditionnels en faisant du loup celui par qui la fin heureuse du conte arrive. D’autres part, dans les termes

" I know of your grandmother and all I can say is that her reputation is worse than mine. "

Peut-être pouvons-nous détecter une allusion à ce que nous venons précédemment de voir, c’est-à-dire au fait que le rôle de la grand-mère dans ce conte ne soit pas aussi blanc que l’on voudrait bien nous le faire croire et qu’il est donc de fait particulièrement évident d’articuler sur cet aspect de nouveau rapports de forces explicitant simplement des données implicites du récit originel.
        Par ailleurs, cette transvalorisation permet aussi de soulever un autre point essentiel concernant la subversion structurelle du petit Chaperon rouge : en réhabilitant la figure du loup au détriment de celle de la grand-mère, c’est en effet tout l’arrière plan de la peur du loup ou en tout cas la peur d’une altérité animale qui se désagrège. La subversion se fait donc ici pernicieuse car elle remet en cause les fondements d’une société et d’une tradition du conte à la fois patriarcaux et phallocratiques, reposant sur la crainte du loup comme étant son plus fidèle représentant :

"To rehabilitate the wolf in Red Riding Hood is a great reversal of homo homini lupus, or at least, it indicates how far we have come in destroying our inner nature. To recapture the wolf in us is part of a general counter-cultural movement against the nuclear extinction of the human species, made possible in the name of technological progress. This is why the wolf is no longer pictured as a real threat in radical adaptations of the traditional Red Riding Hood story."


Depuis les années 1960-1970, il apparaît d’ailleurs que ce mouvement se soit totalement généralisé car la plupart de réécritures du Petit Chaperon rouge mettent en exergue une figure féminine désormais plus forte ou un loup plus amical. Cette évolution semblerait donc indiquer que la fillette moderne n’a plus à combattre le loup comme un symbole purement charnel et représentant d’une altérité sauvage mais qu’elle doit désormais apprendre à lutter et à reconnaître ses propres forces et désirs.
Cependant, la subversion est aussi interne, « homodiégétique » , c’est-à-dire qu’elle est aussi le fait des personnages du conte, car outre la subversion opérée par l’auteur, le loup va lui aussi subvertir le comportement de la fillette puisqu’il va la pousser à abandonner les membres de sa famille :

"We shall send your parents post cards and invite them to the wedding. Your grandmother is old enough to take care of herself."

Cela bouleverse ainsi la structure traditionnelle du conte en allant absolument a contrario des archétypes comportementaux des personnages (c’est-à-dire une jeune fille qui se sacrifie pour aider sa famille ) mais en même temps, il réaffirme l’ordre logique du processus de maturation et d’émancipation de tous les enfants en nous montrant un parcours et une accession à une sexualité épanouie parfaitement négociés. Cette réécriture de Tomi Ungerer est donc doublement subversive, tant au point de vue formel et structurel (à un niveau que nous qualifierons d’« hétérodiégétique »  ), qu’au niveau de son entreprise consistant à cultiver une démarche subversive de tous l’univers du conte et de ses stéréotypes. Toute son œuvre, dédiée à la littérature jeunesse et à l’illustration, cultive par ailleurs ce jeu subtil de double lecture qui s’épanouit ici pleinement : ouvrages de transition entre les publics, ses livres brouillent les pistes de manière à rendre de plus en plus perméable la frontière entre le monde des adultes et celui des enfants en exaltant une forme de sensualité sous couvert de littérature enfantine :

"On a ainsi pu constater que ses œuvres laissent passer en filigrane les paroles et l’esprit subversif de ce que Claude Gaignebet a appelé « le folklore obscène des enfants » , c’est-à-dire tout ce non-dit refoulé par l’institution des bonnes manières et des paroles convenues. En inscrivant indirectement avec sa malice frondeuse les signes de la sensualité et de la sexualité sous le glacis d’une apparente naïveté, Tomi Ungerer remet en cause ou en suspend la légitimité affichée des instances moralisatrices."


A un degré complètement différent, nous pouvons pourtant constater que quelques réécritures, même si elles sont beaucoup plus rares, procèdent par dévalorisation. C’est ce qui semble notamment se produire dans le Peau d’âne de Christine Angot puisque l’héroïne du conte ne devient plus qu’une vaste métaphore, un prétexte, à l’évocation de l’inceste et de l’enfance de l’écrivain. Le personnage de peau d’âne n’est plus du tout considéré en tant que tel mais uniquement comme un médiateur, un intermédiaire permettant la résurgence du conte traditionnel et alimentant l’auto-fiction de manière à interpeller le lecteur. Bien entendu, le rapport étroit entre la diégèse du récit moderne et la thématique du conte est incontournable mais ce qui demeure finalement du personnage littéraire, ce ne sont que ses malheurs et son rapport au père, et non la lutte de la jeune fille pour exorciser la tristesse de son exil :
"Son père a commencé alors à lui offrir des vêtements près du corps (…). Il lui disait que c’était lui qui avait choisi le prénom, c’était lui qui avait voulu l’appeler Peau d’âne parce qu’il avait repéré depuis longtemps ces vêtements dans des boutiques parisiennes et il savait qu’il les offrirait un jour à sa fille, c’était donc pour cela qu’il l’avait nommée Peau d’âne."

La métaphore vestimentaire, intimement liée au père, à l’inceste, et à la peau d’animal du conte original, régit véritablement tout l’ouvrage et l’oppression de l’auteur est textuellement rendue par l’omniprésence du lexique du serrement et du resserrement en étroite association avec le motif de l’âne et de la peau :

"Peau d’âne a toujours eu ce vêtement collé à la peau. Ce vêtement que l’on ne pouvait pas acheter, pas vendre, qu’on ne trouvait nulle part, qu’on ne pouvait pas retirer et dont il fallait prendre soin constamment, car c’était de la peau."

La négativité du thème est donc extrêmement présente et même si, de manière paradoxale, l’héroïne du conte est aussi l’héroïne du court roman de Christine Angot, c’est uniquement de manière néfaste et uniquement pour procéder en tant que faire valoir de la figure de l’auteur, véritable héroïne de l’ouvrage.
Ainsi, nous pouvons constater que de nombreuses subversions structurelles sont à l’œuvre dans nos réécritures et que la structure même des hypotextes s’en trouve considérablement modifiée. Cependant, bouleverser le déroulement du conte, ce qui s’apparente bien à ce que nous nommons subversion structurelle, entraîne de nombreuses conséquences au niveau de sa logique interne, cette logique étant l’un des uniques moyen de le légitimer en tant que genre littéraire. Comme ont pu le démontrer de nombreux commentateurs, il semblerait que l’un des objectifs du conte soit de parvenir à sa réalisation, à sa fin heureuse, par la plus grande économie de moyen possible et il s’avère donc que perturber cet ordre, le subvertir, trouble largement le principe de régulation du conte menant à son aboutissement traditionnel.

   


        II – 2 - Normativité et subversion :

Nous allons donc maintenant aborder la question de la normativité des contes : en effet, les contes merveilleux accordent une place prépondérante à ce que l’on appelle la « régulation normative » , surtout dans le schéma récurrent « méfait – réparation – punition / restauration de l’ordre » étudié par Vladimir Propp dans son ouvrage la morphologie des contes . Cette structure résume une grande partie des contes dits classiques (et c’est notamment la structure de la plupart des contes des frères Grimm, beaucoup plus que celle des contes de Perrault) qui procèdent par destruction de l’ordre pour ensuite revenir à une restauration de l’ordre initial, ce retour à la norme constituant la base fondamentale du conte merveilleux classique. Mais ce schéma n’épuise pas tout l’univers du conte merveilleux car il va être très largement subverti dans nos trois contes et principalement dans leurs réécritures comme nous allons tenter de le démontrer. Nous prendrons comme première illustration de ce point l’adaptation cinématographique de la Belle et la Bête réalisée par Jean Cocteau en nous appuyant sur le synopsis du film intégralement reproduit à l’annexe 4. A la fin du film, là où les versions littéraires montraient la Belle agréablement surprise de la métamorphose finale de la Bête en un beau et riche jeune homme, Cocteau choisit quant à lui de représenter la déception de la Belle lorsque la Bête retrouve apparence humaine sous les traits d’Avenant. C’est ce que nous lisons très clairement sous la plume du réalisateur puisque le synopsis est de son propre fait, ceci démontrant clairement sa volonté d’orienter la fin du film dans une toute autre direction par une modification à priori très subtile :

"Ce Prince Charmant ressemble singulièrement à Avenant et cette ressemblance trouble Belle. Il semble qu’elle regrette un peu la bonne bête, qu’elle redoute un peu cet Avenant inattendu. Mais la fin d’un conte de fées est la fin d’un conte de fées. Belle s’apprivoise."

La Belle est donc clairement déçue de cette « régulation normative »  et de ce retour à l’ordre initial des choses, figuré par le Prince ayant retrouvé apparence humaine et remplaçant désormais la créature monstrueuse. La subversion se fait donc ici à la fois par rapport à l’ordre et à la structure classique du conte merveilleux, ainsi qu’à un second niveau par rapport aux données humaines et relationnelles du récit : par un renversement très net de situation, la Belle doit en effet apprendre à « apprivoiser » l’humain qu’elle redoute désormais plus que la bestialité qu’elle a su apprendre à aimer. Ce renoncement à la structure normative et régulatrice du conte est donc clairement un signe du renversement idéologique et axiologique amorcé par Cocteau par rapport au récit dont il s’est inspiré et ce notamment au niveau des données amoureuses et sexuelles. Celles-ci sont en effet clairement perverties dans une forme de dénégation d’une sexualité conventionnelle puisque le retour à la norme, à l’être humain, est considéré négativement. Est-ce donc à dire par là que Jean Cocteau a intégré dans sa narration sa propre sensibilité et que cette forme de subversion s’apparenterait ici à une revendication extrêmement personnelle ? Nous pourrions en effet être amenés à considérer que par ce biais, il proclame son homosexualité ( chose dont il ne s’est jamais caché et dont la thématique sous-tend une grande partie de son œuvre cinématographique ) et que par la subversion des rapports amoureux, il met en exergue sa propre conception d’un retour à l’ordre symptomatique d’une relation marginale. Il semblerait que nous puissions mener cette analyse car en arborant une héroïne déçue par le retour d’un homme ressemblant de plus à son amant du passé, symbole du retour à une hétérosexualité normative, elle paraît donc affirmer son désir d’un amour hors-norme et marginal qui la lierait à la bête, image peut-être un peu grossière de l’homosexualité, mais qui a du moins le mérite de renverser subtilement tout l’objectif du conte sur un simple détail. Bouleverser un simple élément de l’hypotexte engendre donc des modifications parfois considérables dans la portée et la significations des adaptations et il s’agit donc pour les auteur d’user avec beaucoup de circonspection de cet outil parfois terriblement tranchant.
Toutefois, dans une toute autre perspective, le thème de la Belle et la Bête et notamment celui de la transformation finale de l’animal en homme, va aussi être subverti par Angela Carter : dans sa nouvelle The Tiger’s Bride , elle va ainsi aller totalement a contrario des règles de narration classique du conte en inversant radicalement ses composantes. Sous sa plume - du moins dans l’une des ses deux nouvelles -, plus de transformation finale de la Bête en un beau prince : bien au contraire, c’est ici la jeune femme qui va finalement affronter ses peurs et accepter de se transformer en Tigre à son tour pour rejoindre la Bête dans son animalité :

"And each stroke of his tongue ripped off skin after successive skin, all the skins of a life in the world, and left behind a nascent patina of shinning hairs. My earrings turned back to water and trickled down my shoulders; I shrugged the drop off my beautiful fur. "

Pour Angela Carter, il suffisait pour la Belle de surmonter sa crainte de l’autre et de la sexualité (symbolisée par le désir de l’animal de voir la jeune femme entièrement nue) ainsi que de reconnaître les pulsions du désir et de les intégrer, dussent-elle inclure « le goût de l’humiliation et de la souffrance » , pour qu’elle cesse d’éprouver le ressenti d’une violence vécue de manière passive là où il lui était possible d’éprouver du plaisir. Alors la Belle, renonçant à être horrifiée par la monstruosité de la Bête, par sa fourrure animale et par son appétit de carnassier, saura peu à peu découvrir en elle-même les ressources nécessaires pour découvrir sa véritable nature et céder au désir du Tigre – se présenter nue devant lui – dans un dernier élan avant la métamorphose finale qui fera d’elle la compagne animale de la Bête :
"Nursery fears made flesh and sinew; earliest and most archaic of fears, fear of devourment. The beast and his carnivorous bed of bone and I, white, shaking, raw, approaching him as if offering, in myself, the key to a peaceable kingdom in which his appetite need not be my extinction."

Le fantasme de dévoration lié à l’acte sexuel est donc ici présent mais dans l’acceptation de son désir, la jeune femme va se perdre pour renaître autre, pour renaître libre d’accepter ou non l’animalité de la bête ainsi que sa propre animalité, désormais beaucoup moins effrayante que l’apparence humaine :

    "He was far more frightened of me than I was of him. "

    Ainsi, le conte qui tend habituellement à un unique but, c’est-à-dire la réalisation de sa fin dans l’alacrité générale et la restauration de l’ordre initial, se voit donc considérablement bouleversé par le travail de réécriture entrepris par bon nombre d’auteurs. En effet, peut-être cette normativité à de nombreux égards stéréotypée et excessivement formatée frustre-t-elle les écrivains dans leur travail de sape des normes et des structures conventionnelles au nom d’une subversion protéiforme. C’est notamment ce que nous allons voir en abordant maintenant une troisième forme de subversion structurelle qui constitue une forme de brouillage des pistes en écartant le conte  de son chemin habituel.


    II – 3 –Déplacements spatio-temporels :

.    En effet, la question de la subversion structurelle passe aussi par le recours à ce que Gérard Genette nomme le phénomène de "transdiégétisation" ou "transposition diégétique" . Cette pratique transformationnelle implique un changement de milieu et nous préciserons donc qu’il emploie ici le terme de "diégèse" dans le sens de contexte et non plus uniquement dans celui de trame narrative:

"La diégèse, au sens où je l’utiliserai ici, c’est l’univers spatio temporel désigné par le récit, le cadre historique ou géographique, l’univers où advient cette histoire."

C’est donc bien une forme de bouleversement structurel que de sortir un hypotexte de son univers traditionnel pour tenter de le réactualiser, soit en raison des attentes d’un lectorat moderne, soit afin d’extrapoler et de mettre en scène la confrontation de deux mondes aux antipodes, en changeant le milieu narratif. Nous assistons donc à deux exemples très nets de transdiégétisation avec les adaptations de Christine Angot et d’Angela Carter. En déplaçant l’univers du conte dans un univers fantastique et horrifique pour Carter ou dans notre société contemporaine pour Angot, elles réalisent toutes deux une subversion formelle qui sera lourde de conséquences sur la portée de leurs réécritures :

"Peau d’âne ne connaissait rien, elle habitait une petite ville du centre de la France et n’avait rien vu de très extraordinaire. (…) On était alors dans les années 70, ou à la fin des années 60."

Nous sommes d’emblée projetés dans un monde que nous connaissons, celui-là même dans lequel nous vivons, et le conte perd ainsi toute sa résonance merveilleuse. Impossible désormais d’en appeler à la magie et au masque du merveilleux pour étouffer les excès de prégnance ou de symbolique des actes et des personnages archétypaux faisant la plupart du temps effet de sens. Nous sortons donc clairement de l’indétermination du « il était une fois » et ceci est bien un aspect essentiel de cette transformation car, à la différence des autres genres et des autres textes, le conte ne suppose en effet aucune spatialisation antérieure. Nous n’avons donc pas ici de déplacement de milieu mais bien la réelle création d’un monde, une émergence à partir de cet indéfinissable ailleurs caractéristique du conte.
D’autre part, un autre phénomène convergeant est la pratique relativement courante à l’heure actuelle d’insérer à l’intérieur d’une réécriture l’allusion à un autre conte. Simple rappel ou insertion d’un invariant permettant de le reconnaître, les réécritures jouent souvent sur le détournement et la réactivation d’autres histoires célèbres, la plupart du temps pour réactualiser leurs propres récits mais aussi pour mettre en place une complicité entre l’auteur et le lecteur qui se voit ainsi offert le pari de reconnaître ou non les allusions disséminés dans les récits. Nous prendrons comme exemple the Courtship of Mister Lyon d’Angela Carter où, de manière totalement inattendue, nous trouvons une référence à Alice au pays des merveilles :

"On the table, a silver tray; round the neck of the whisky decanter, a silver tag with the legend : Drink me, while the cover of the silver dish was engraved with the exhortation : Eat me, in a flowing hand."

Nous ne pouvons que reconnaître le célèbre passage ou Alice grandit et rapetisse en buvant et mangeant de la nourriture où sont attachées de semblables exhortations et ce faisant, Angela Carter rattache son recueil à toute une tradition de contes et participe ainsi de la réactivation de l’imaginaire collectif et à la résurgence de récits parfois enfouis dans l’inconscient du lecteur. De plus, cette référence est d’autant renforcée par le fait que le conte précédent du recueil s’intitule Louve Alice ( Wolf Alice ), ce prénom étant fortement connoté dès que nous parlons de contes. De même, nous trouvons chez Christine Angot une claire allusion au conte de la Belle au Bois Dormant  qui vient relayer et étayer la thématique de l’inceste et du baiser du père :

"Mais le baiser de la Belle au bois dormant, elle ne l’a jamais eu. (…) Elle a eu le baiser mais elle n’a pas eu le prince, elle a été la belle mais elle ne pouvait plus se rendormir, il n’y a plus eu le bois, dormant. Elle a été réveillée, oui, de l’enfance mais par un baiser qui n’a pas marché, qui n’était pas conforme, qui n’était pas le bon, Peau d’âne s’en accommode."


Parfois, pour qu’un conte puisse parler à une époque il faut qu’il s’agglutine à d’autres, et c’est bien ce qui se passe ici car Christine Angot va réussir à faire parler le conte de la Belle au bois dormant de manière à expliciter à la fois son expérience personnelle, son insomnie, et par extension le conte de Peau d’âne lui-même comme si celui-ci ne parvenait pas à épuiser tout son champs de significations. Le conte fait donc ainsi doublement irruption dans notre univers contemporain et c’est peut-être là où nous pouvons le plus parler de subversion : en effet, de par ces transpositions de milieu et ces jeux sur les références, nous avons presque le sentiment que c’est ici le conte qui fait irruption dans notre monde, dans le récit, et non plus qu’il est le pivot, le moteur de la narration.
        Enfin, nous allons aborder un dernier élément de déplacements spatio-temporels dans l’étude d’une réécriture qui ne rentre pas tout à fait dans le cadre de notre corpus mais qu’il nous paraît pourtant très intéressant d’aborder. Le roman le Vaillant Petit Tailleur d’Eric Chevillard  publié en 2003 est en effet un exemple d’adaptation qui soulève avec beaucoup d’humour et de pertinence la plupart des questions posées par l’acte de réécriture. Tout au long de l’ouvrage, son auteur va se livrer à un jeu de va et vient entre réalité ( le statut et le quotidien de l’écrivain) et fiction ( le récit du parcours du vaillant petit tailleur ) qui entraîne de multiples digressions sur le pourquoi du comportement du héros et donc une réflexion sur le texte de base des frères Grimm sur lequel s’est appuyé Eric Chevillard :

"Pourquoi s’exciter tout à coup, pour quelle raison introduire l’événement qui va emballer cette histoire ? Ne le trouvez-vous pas assez remuant notre petit héros ?"
       
En tant que nouvel auteur du conte ( comme nous le verrons plus amplement par la suite ), il va ainsi juger de l’acte d’écriture de ces prédécesseurs et questionner leur style ou leurs motivations comme nous pouvons le lire dans ce passage où Chevillard intègre à son récit une assez longue référence au petit Poucet de Charles Perrault  pour ensuite pointer du doigt la démarche de réécriture des frères Grimm dans leur version du conte intitulée Tom pouce :

"Certes, j‘ai pris quelques libertés avec l’histoire telle que nous l’a rapportée Charles Perrault, mais bien insignifiantes comparées à celles que s’autorisent les frères Grimm qui ont de surcroît le toupet de la rebaptiser Tom Pouce, comme si le titre original les consternait. Leur version commence à la manière de Hans-mon-Hérisson et peut-être faut-il incriminer plutôt sur ce point la mémoire vacillante ou confuse de leurs cacochymes amies."
   
    L’humour et la distanciation ironique sont donc constamment présents dans son ouvrage et il nous offre par là un autre exemple de subversion qui fait considérablement intervenir  le questionnement sur la pratique de ses devanciers en ce qui concerne la relecture et la réécriture des grands classiques. De plus, par le biais de l’ironie et des sarcasmes, il va entraîner à sa suite le lecteur qui va ainsi être amener à réfléchir sur l’acte d’écriture et sur le tribut que nous devons aux anciens et à nos lectures passées.
Ainsi nos contes, à l’image du petit Chaperon rouge, s’écartent dangereusement des sentiers auxquels on les avait assigné et subissent de nombreuses transformations structurelles tendant à métamorphoser leur portée et leur signification. Que cela soit au niveau de leurs structures, de leur déroulement, ou au niveau des personnages et des changements de valorisation ou d’identité, ces nouveaux récits mettent désormais en scène des comportements et des parcours subversifs particulièrement représentatifs des attentes d’un lectorat moderne friand de renversements de valeurs, aussi bien que de l’expression de la subjectivité des auteurs choisissant la forme du conte pour exprimer des sentiments intimes ou des idées subversives. Toutefois, le changement de milieu que nous retrouvons dans de nombreuses réécritures peut aussi être considéré à un autre niveau car, comme le montre bien Marthe Robert, même si le conte nous entraîne dans un univers d’indétermination et d’absence de référents spatio-temporels, ce n’est que pour mieux nous piéger et nous inciter à plonger à notre tour dans ce jeu sans fin de déplacements :

"Imprécis, [ le conte ] annule lui-même son imprécision grâce à quelques mots clefs dont il fournit malicieusement le mode d’emploi, juste au moment où il semble les camoufler. Il dit « roi » en montrant le père quelconque, « royaume » en évoquant le lieu bien clos du foyer, "il était une fois" en rappelant le passé de l’enfance.(…) Jamais, quoiqu’il en dise, il ne s’évade de ce petit monde familier ; tout au plus peut-il feindre de le fuir en lui suscitant un double fabuleux, mais à la fin le double lui-même rentre au foyer humain, et le fabuleux redevient le quotidien."


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"Life is not measured by the number of breaths we take,
but by the moments that take our breath away."

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#2 2009-06-27 16:15:06

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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

B  – ECRITURE FEMININE ET SUBVERSION :


    Nous allons maintenant continuer notre étude de la subversion en nous attachant dans cette seconde partie à un élément central de notre corpus : les femmes. Qu’elles appartiennent à la diégèse des récits étudiés ou qu’elles soient conteuses, modernes ou non, la femme tient un rôle essentiel dans le conte merveilleux et dans sa  survie, et ce principalement dans les textes que nous avons choisis puisqu’ils font la part belle aux actants féminins et que deux de nos réécritures les plus contemporaines sont réalisées par des femmes.



I - LA FEMME, HEROINE AUX DEUX VISAGES :


I – 1 - La femme conteuse :



Le conte, à la différence d’autres genres littéraires, à souvent été considéré comme une littérature de femme, voire de « bonnes femmes », et par là même le plus souvent considéré comme un genre « mineur ». Des récits oraux racontés par les servantes ou les vieilles femmes à la veillée et qui se transmettaient ainsi de générations de femmes en générations de femmes, aux contes littéraires d’auteurs tels que Madame de Villeneuve, Madame Leprince de Beaumont, ou encore Madame D’Aulnoy ou Mademoiselle l‘Héritier aux XVIIè et XVIIIè siècles, la femme s’est emparée du conte de fées pour véhiculer des modèles d’apprentissage et d’éducation. Pourtant, avant que ces modèles ne se trouvent phagocytés par la morale et les bonnes mœurs, il semblerait qu’ils aient eu pour but premier d’apprendre aux enfants et surtout aux petites filles à se débrouiller dans la vie et à surmonter les problèmes de la puberté et de la sexualité . Tandis que la littérature « noble », les Belles Lettres - histoire, fiction, essais, traités et plus tard romans - étaient laissés aux soins des hommes, les contes étaient inventés, transmis ou réécrits le plus souvent par des femmes. Mais l’épanouissement des vertus moralisatrices, dont Madame Leprince de Beaumont en est une parfaite illustration avec sa version de la Belle et la Bête, mit fin à cette énergie créatrice et libératrice du conte de fées qui fut ensuite considérablement rattrapé et galvaudé par l’écriture masculine comme ont pu le démontrer certains analystes, et ce dans une perspective la plupart du temps féministe :

"On accuse néanmoins les contes de  de fées de sexisme : livrer aux mains des enfants des récits tels que Cendrillon et Blanche neige serait une sorte de lavage de cerveau visant à les convaincre que toutes les petites filles doivent être obéissantes, passives, et s’adonner gentiment aux joies domestiques en attendant la venue de leur Prince charmant."

Et en effet, les douces demoiselles endormies attendant patiemment d’être réveillées de leur sommeil, de leur absence à la vie, par le baiser et le bon vouloir du jeune homme se prêtent très bien à ce style d’analyse et nous notons bien une différence dans les contes et dans le comportement des héroïnes selon que leur auteur est un homme ou une femme, à l’image du petit Chaperon rouge qui se retrouve marqué à vie par le rôle de gourgandine que lui confère Charles Perrault et qui devra attendre le XXè siècle pour pouvoir s’en débarrasser ! C’est notamment ce que montre Marie-louise Von Franz dans son ouvrage la femme dans les contes de fées en mettant en lumière le contraste entre les deux types d’écriture :

"On peut donc supposer que les versions des contes, telles qu’elles nous sont parvenues, ont subi tantôt une influence féminine dominante, tantôt une empreinte masculine, et que certains traits en ont été soulignés et d’autres estompés, selon qu’elles ont été rapportées, en dernier lieu, par un homme ou par une femme."


    Et de même, Mireille Piarotas va étayer ce point en ces termes très clairs :

"Il existait des contes « féminins » comme il en existait des "masculins". Le conte s’adapte au moment, au public. Et c’est donc à travers ces contes de femmes que se révèle fréquemment une image féminine forte, parfois sauvage, toujours indépendante."

Et c’est donc bien ce qui se produit dans le cas d’Angela Carter qui va totalement subvertir le rôle de la femme conteuse en s’appropriant ces données et en les prenant comme postulats de son écriture. En réécrivant des contes de fées célèbres et notamment ceux de Charles Perrault ( rappelons qu’elle fut un certain temps la plus célèbre traductrice des contes de ma Mère l’Oye en Angleterre ), Angela Carter va  s’attacher à renverser radicalement les schéma traditionnels d’oppression et d’asservissement à l’œuvre dans les conte merveilleux. Elle va ainsi développer une écriture féminine et subversive qu’elle nomme « writing fiction as women » visant principalement à mettre fin à la domination masculine présente dans les contes et les récits mythiques : en refusant le statut et la position de victime de ses héroïnes, elle va montrer dans son recueil The Bloody Chamber  des personnages féminins qui assument désormais pleinement leurs pulsions, leurs actes, leurs angoisses ainsi que la réalité de leurs fantasmes et devenant par là même en mesure d’asseoir leur pouvoir nouvellement acquis sur le principe masculin, représenté par le loup ou la Bête :

"Mais, alors qu’à l’ordinaire on assiste à l’agonie d’une victime impuissante, la victime, cette fois, ne laisse pas de montrer, au-delà de la crainte, un certain goût pour ce qui lui arrive. Il suffisait, toute peur étant surmontée de reconnaître les impulsions profondes venues du désir et de les accepter."

L’un des changements essentiels dans sa démarche consiste sans doute à quitter le point de vue de l’homme pour adopter celui de la femme, jusqu’à présent plutôt absent, ce qui permet d’adopter un angle de vision nouveau : le cours des événements en vient en effet à changer très légèrement et l’objectif du conte s’en trouve quelque peu subverti puisque sa réalisation ne se fait plus dans le mariage, l’allégresse et les enfants mais bien plutôt dans la promesse pour l’héroïne d’autre joies  plus illicites et plus intimes comme le montrent les fins respectives de the Werewolf et de The tiger’s Bride : le petit Chaperon rouge va en effet « prospérer »  dans la demeure de la grand-mère et la Belle va quant à elle se transformer en bête au cours de deux pages finales emplies d’une très forte charge sexuelle dont voici un extrait :

"He dragged himself closer and closer to me, until I felt the harsh velvet of his head against my hand, then a tongue, abrasive as sandpaper. ‘he will lick the skin off me! "

Sous sa plume, ce sont désormais les femmes qui triomphent et nous pouvons rapprocher sa réécriture des contes de toute l’entreprise de « démythologisation » à laquelle elle a consacré une partie de son œuvre et qui tend à briser les mythes patriarcaux et phallocratiques, aussi bien que ceux des féministes radicales qui tenteraient de leur substituer de nouveaux mythes du matriarcat :

"I believe that all myths are products of the human mind and reflect only aspects of material human practice. I’m in the demythologising business."


Et même si Angela Carter parle ici de mythes, nous ne pouvons manquer de voir l’analogie existant entre sa démarche de « démythologisation » et la destruction des schémas classiques à laquelle elle se livre dans ses réécritures de contes de fées.
    La figure de la femme auteur et conteuse a donc considérablement évolué depuis les premiers temps des contes et le pouvoir moralisateur de ce genre littéraire a laissé place à l’expression de revendications féministes et grandement subversives. Par ailleurs, il nous faut aussi noter que les écrits d’auteurs féminins ( en tout cas en ce qui concerne le conte ) mettent très souvent en scène des personnages eux aussi féminins et nous allons donc dorénavant voir l’étroite interaction existant entre la femme conteuse et la femme contée.




I - 2 - La femme contée :


La représentation des femmes dans la littérature, et notamment dans le conte de fées, est en constante évolution et mutation comme l’exprime très judicieusement cette citation de Mireille Piarotas :
" Et c’est donc à travers ces contes de femmes que se révèle fréquemment une image féminine forte, parfois sauvage, toujours indépendante"

Et en effet, comme nous avons pu le voir concernant la démarche d’Angela Carter, l’objectif de ces réécritures féminines est de faire valoir des comportements féminins ou des particularités narratives non ou peu exploitées sous la plume des auteurs masculins plus anciens tels que Charles Perrault ou les frères Grimm. Et pour ce faire, il est intéressant de noter que les contes actuels se réemparent des structures et des trames actancielles folkloriques. En effet, celles-ci avaient été profondément dénaturées, voire subverties, par le détournement de la perspective narrative opéré par Perrault qui leur imposa "une transformation substantielle de la manière dont la société, ou la réalité historique, devaient être perçues."  Il en changea ainsi radicalement les personnages et les structures, dans le sens d’un processus culturel visant à "réglementer la nature innée ou acquise des enfants" , établissant ainsi un réel code social dans lequel les jeunes filles acquéraient un rôle extrêmement inconsistant. Nous reprendrons pour démontrer ce point l’exemple du petit Chaperon rouge et l’évolution de la représentation de la fillette dont nous avons déjà brièvement parlé : de l’enfant rusée des contes oraux  à la naïve et ingénue petite fille de Charles Perrault, le contraste est flagrant et la courageuse enfant pleine d’initiatives à laissé place à un modèle de

"petite bourgeoise, impuissante, naïve et coupable, pour ne pas dire stupide."
   
    comme l’illustre cette citation extraite du texte perraldien :

"La petite fille s’en alla par le chemin le plus court, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait."


La démarche d’Angela Carter (et aussi celle de nombreux autres auteurs féminins tels que Catherine Storr ou Chiang Mi avec leurs versions respectives du conte intitulées Little Polly Riding Hood et Goldflower and the Bear) tend donc véritablement à revenir au schéma folklorique et à assigner de nouveau un rôle vindicatif et téméraire au Chaperon rouge comme nous le lisons dans ce passage :

"It was a huge one, with red eyes and running, grizzled chops ; any but a mountaineer’s child would have died of fright at the sight of it. It went for her throat, as wolves do, but she made a great swipe at it with her father’s knife and slashed off its right forepaw. "

Le contraste est flagrant et nous pouvons relever les termes extrêmement signifiants dans notre optique « any but mountaineer’s child would have died of fright »  qui vont dans le sens du clivage entre l’enfant des bois, l’enfant de la nature pourrait-on dire, et la petite « bourgeoise »  du conte de Perrault.
    L’enfant est désormais l’égale du loup, du principe masculin, et elle met à mal son ancienne puissance en l’affrontant dans des combats qui s’effectuent le plus souvent au corps à corps (comme nous le voyons notamment dans la citation supra) et au cours desquels la femme surpasse l’animal soit par son courage, soit par son ingéniosité. Et c’est bien ce qu’exprime Jack Zipes dans son ouvrage The Trials and Tribulations of Little Red Riding Hood dans lequel il se livre à cette analyse concernant l’évolution de la figure du petit Chaperon rouge

"Despite the differences adaptation, all these tales share on basic element in common: Little Red Riding Hood is no longer innocent, helpless and disobedience. Rather, she is fearless, intelligent, and confident. She demonstrates a capacity to learn through experience and can stand on her own feet. Through the wolf may indeed be dangerous, Red Riding Hood is equal to the tasks he sets her. Trough confrontation with him she establishes her own identity and becomes her own person."

De même, il apparaît que le personnage de la Belle dans la Belle et la Bête ait lui aussi subi des transformations significatives. Nous avons vu en début de notre deuxième partie le pouvoir humanisateur de la femme envers l’homme et son rôle socialisateur. Nous ne reviendrons pas sur ce point mais il semble pourtant que nous puissions maintenant aborder ce fait sous un angle nouveau : le rôle de la Belle dans ce récit est en effet particulièrement ambiguë et il semblerait qu’il y ait dans l’évolution du motif du « fiancé animal » une forme de récupération masculine de la puissance féminine, ou du moins l’expression archaïque d’une féminité soumise au service de l’homme, caractéristique des mœurs du XVIIè siècle ( ou du moins en ce qui concerne la littérature et la représentation des femmes ) :

"Le modèle culturel symbolique du matriarcat, qui désignait la femme comme l’initiatrice de l’action et de l’intégration de l’homme, fut constamment remis en question au cours des siècles, aussi bien dans la tradition orale que dans la tradition littéraire. Il en résultat qu’à la fin du XVIIè siècle, le sauveur féminin des origines ne put accomplir son « véritable » salut qu’en se sacrifiant à l’homme, dans sa maison ou son château, en soumission symbolique à la règle patriarcale."

Et en effet, au nom du père, l’héroïne va se sacrifier volontairement à la Bête aux ordres de qui elle va devoir aussitôt se soumettre, ce qu’elle fait d’ailleurs de son plein gré, et ce essentiellement en raison de la noblesse d’âme et de caractère de la créature qui a tout d’un gentilhomme respectable. Sous la plume d’auteurs féminins de l‘époque, nous ne pouvons pas manquer de voir la recommandation de se prêter de la meilleure humeur qu’il soit aux mariages de convenance et l’exhortation aux jeunes filles de respecter et d’apprendre à aimer leurs maris, aussi vieux et laids qu’ils puissent être, et ce notamment pour leur épargner d’être malheureuses toutes leurs vies en rêvant à un amour romantique. De plus, pour les femmes des XVIIè et XVIIIè siècles, la civilité commandait de se renier et celles-ci devaient être châtiées de leur curiosité, de leur versatilité et de leur inconstance. Et c’est donc bien ce que nous trouvons sous la plume de l’Abbé Bignon dans sa version très peu connue du conte qui s’intitule La princesse Zeineb et le roi Léopard : en prenant le point de vue de la l’héroïne, l’auteur va joncher son texte de remarques critiques sur l’hypocrisie et la curiosité du « beau sexe » et la Belle va ainsi devenir coupable de n’avoir pas su résister au désir de détruire la peau de la Bête :
"
Je m’abandonnais a un désir curieux qui m’avait saisi dès le commencement.(…) Je fus saisie d’un mouvement de folie, car quel autre nom donner à mon comportement ? (…) Pourquoi avez-vous résisté aux lumières de votre raison ? J’avouais ingénument ma faute et je le priais de considérer que les filles étaient naturellement très curieuses."

Et même si la femme est représentée ici de manière excessivement dépréciative, les auteurs féminins de cette époque ne vont pas beaucoup s’éloigner de cette vision car c’est bien la patience, le bon cœur et la vertu de la Belle qui vont lui offrir la « chance » de réaliser un beau mariage :

"Ainsi, il n’y avait que vous dans le monde assez bonne pour vous laisser toucher de la bonté de mon caractère. Vous avez préféré la vertu à la beauté et à l’esprit, j’espère que le trône ne détruira pas vos vertus. "

Il est donc assez consternant (dans une perspective d’écriture féminine et féministe, entendons-nous) de voir que ces auteurs femmes ont donné plus d’importance à l’expression des "besoins d’hégémonie"  des hommes qu’à leurs propres aspirations et que la figure féminine ne peut s’assumer qu’à condition de se sacrifier à un principe masculin, que cela soit l’époux ou le père. Angela Carter va donc s’élever une nouvelle fois contre ce phénomène en réécrivant la Belle et la Bête, mais cette fois en en changeant le titre contrairement aux réécritures antérieures : outre les transformations réalisées par la fin très explicite de The Tiger’s Bride  et la métamorphose de la jeune femme dont nous avons déjà beaucoup parlé, nous pouvons aussi constater que la nouvelle The Courtship of M. Lyon  renverse le récit original de manière assez subtile : ici, plus de demande récurrente de la Bête de coucher avec la Belle et l’accent est beaucoup moins mis sur les vertus de la jeune femme. Au contraire, les personnages deviennent nettement moins archétypaux et contrairement à toutes les autres versions, le caractère de la Belle va se teinter d’une touche d’auto-satisfaction en raison de sa nouvelle richesse :

"She was learning, at the end of her adolescence, how to be a spoiled child and that pearly skin of hers was plumping out, a little, with high living and compliments. A certain inwardness was beginning to transform the lines around her mouth, those signature of the personality, and her sweetness and her gravity could sometimes turn a mite petulant went thing went not quite as she wanted them to go."

La subversion opérée par Angela Carter est donc extrêmement habile car elle va procéder par une sorte « d’humanisation » des personnages, ou en tout cas par désacralisation des vertus de la Belle. Bien que cette analyse puisse sembler de prime abord paradoxale avec la démarche de Carter, nous pouvons néanmoins constater que cette légère déperdition des qualités de l’héroïne rentre tout à fait dans le cadre de son entreprise de « démythologisation » et que cela permet de montrer que la jeune femme peut s’accomplir et prospérer sans un recours obligatoire au mariage et à la présence de l’homme. Car ce qu’elle nous dépeint n’est rien d’autre que le phénomène qui fut souvent décrit ( qu’il ait été vrai ou non ) des femmes acquérant assurance et rondeurs dès lors qu’elles accèdent au statut d’épouse et donc par extension à la sécurité monétaire et sociale, et ici, la Belle acquière ainsi cette assurance par elle-même. Ce que nous dit Angela Carter, c’est donc en réalité la possibilité pour la femme des contes de rompre enfin avec cette logique du récit ne concevant le parcours de la femme comme ne convergeant uniquement vers un seul but : le mariage et l’épanouissement qu’il confère.

Ainsi, le rôle de la femme, qu’il soit homodiégétique ou hétérodiégétique, a subi de nombreuses métamorphoses et les interactions entre les deux figures de la femme contée et conteuse sont très étroites. L’une des illustrations les plus manifestes de cela est présente en la personne de Christine Angot qui, dans sa réécriture de Peau d’âne  sous forme d’auto-fiction, réunit conjointement les figures d’auteurs, de narratrice, d’héroïne de la diégèse et celle, sous forme de résurgence intertextuelle, d’héroïne du conte :

"Elle avait rencontré le père de Peau d’âne, un jeune homme de Paris.(…) Depuis des générations, ce jeune homme appartenait à la bourgeoisie française la plus cultivée, la famille venait de Normandie du côté du père, leur nom signifiait Dieu et même deux fois Dieu, une fois en normand, et une fois en langue Viking, An et Got."

Même si la première personne, le je de l’auteur, n’est jamais utilisé, le lecteur sait dès les premières lignes du récit que Christine Angot est l’unique sujet de ce court roman autobiographique et qu’elle va se livrer à une écriture extrêmement subjective. Cependant, il est flagrant que la représentation de la femme diffère considérablement, qu’elle soit effectuée par un auteur féminin ou par un auteur masculin, mais nous devons noter que ce fait va lui aussi évoluer au gré des mœurs et des représentations culturelles. Et même si Marie-louise von Franz note que

"certains contes tendent d’avantage à représenter la femme concrète, et d’autres l’anima selon le sexe de celui qui a imprimé sa marque au récit. "


nous devons pourtant ajuster cette réflexion. Il est effectivement assez net que des auteurs tels que les frères Grimm ou Charles Perrault ont investi leurs héroïnes de valeurs archétypales et représentatives d’une féminité schématique et quelque peu abstraite ( c’est l’« anima » de la citation ). Pourtant, nous ne devons pas oublier que des auteurs tels que Tomi Ungerer ont eux aussi participé de ce phénomène de subversion et de retournement de la situation initiale d’oppression et qu’ils ont fortement contribués à généraliser les figures féminines émancipées. Nous citerons en ce sens quelques lignes de Little Red Riding Hood Reruminated by Tomi Ungerer qui montrent bien qu’il met véritablement en scène une enfant téméraire, maligne et sûre d’elle, dans la droite ligne des héroïnes de mouvance féminine :

"You find me here picking berries for my impatient little belly, and I was on my way to deliver these baskets here, full of food, to my mean old grandmother who lives by the green fly pond, and besides I have noticed no trespassing signs ever, so how could I know whose bushes I am molesting, noble Prince?"

        Nous sommes donc bien devant un véritable phénomène culturel de revendications qui s’étend désormais à la plupart de auteurs qui tentent de réhabiliter l’image de la femme dans la littérature pour enfants, au sein de laquelle elle a trop longtemps uniquement fait figure de ménagère, de mère ou d’épouse modèles.
Enfin, nous allons maintenant tenter de plonger au cœur de la subjectivité de nos auteurs féminins pour aborder des questions à l’heure actuelle essentielles dans nos réécritures qui sont l’expression d’un érotisme de plus en plus présent et la mise en scène d’une individualité exacerbée.



http://www.payot-rivages.net/couvertures/bassedef/9782743605179.jpg     http://www.prixdvd.com/dvd_video/angoisse_horreur/vampires_et_loups_garous/photos/la_compagnie_des_loups_.jpg



II – L’ EXPLORATION D’ UNE INTIMITE :

    II – 1 – sexualité et subversion :



    Il semble en effet que la question de l’érotisme soit de plus en plus présente dans les réécritures des contes de fées. Simple subversion par provocation de la littérature enfantine ou réel moyen d’expression de revendications et de valeurs intimes en perpétuelle mutation ? C’est ce que nous allons tenter de voir au sein des deux ouvrages de Christine Angot et d’Angela Carter qui nous livrent, chacun à leur manière, un message signifiant sur les conceptions respectives de leurs auteurs.

"le sujet réel de ces contes, on ne peut s’y tromper, est l’érotisme. Quelques pages de ce livre, à la fois violent et subtil, poétique et imaginatif, nous en disent plus sur les ressorts du désir et ses fantasmes que bien des romans actuels."


    Ce que nous montre tout d’abord Christine Jordis à travers ces quelques lignes, c’est à quel point la question de la sexualité à habité l’œuvre et l’univers d’Angela Carter, que cela soit dans ce recueil aussi bien que dans ses autres ouvrages au travers des jeux constants auxquels elle se livre entre androgynie, sado-masochisme, et volonté d’inventer une nouvelle posture de la femme dans l’œuvre littéraire . Elle va étudier le mythe polymorphe de la féminité dans les sociétés modernes, considéré sous l’angle de constructions machistes artificielles qu’il va désormais falloir déconstruire, d’où son entreprise de démythologisation qui passerait par l’invention de nouvelles relations entre les sexes. Et c’est là où la démarche de Carter est éminemment subversive, et ce à un double niveau, car elle va prôner une représentation "révolutionnaire" de la sexualité et de l’écriture féminine en imaginant un nouveau positionnement de la femme et non plus uniquement une simple inscription de la différence sexuelle :

"Il s’agit de produire un sens nouveau, d’imaginer une autre syntaxe, un autre vocabulaire, une autre langue, à la faveur de laquelle pourra se réinscrire l’expérience de la relation sexuelle, dans un autre système de relations signifiant, dans une autre fiction – un autre mythe - de la différence."

Elle propose donc une subversion dans la représentation même des sexes et de la sexualité, ce qui va entraîner une seconde forme de subversion, cette fois-ci dans ses écrits, des schémas littéraires classiques comme nous le verrons bientôt dans ses adaptations de contes. Pour ce faire, elle va proposer une métaphore à première vue très hermétique de son entreprise littéraire :

"Putting new wine in old bottles and (…) old wine in new bottles. "

Dans cette métaphore, le « vin nouveau » renvoie aux  nouvelles relations amoureuses et sexuelles, et la "vieille bouteille" aux formes traditionnelles de leur mise en forme (genres littéraires, personnages, structures, etc.) et comme le montre bien Frédéric Regard dans son article sur Angela Carter, les "bouteilles neuves"

"renvoient à des formes novatrices, le vin vieux à des formes amoureuses classiques. Mettre du vin vieux dans une bouteille neuve et du vin nouveau dans un flacon ancien, c’est jouer pleinement de ce jeu du féminin : l’identité du personnage, ses relations à l’autre sexe, la structure de l’intrigue, l’épaisseur rhétorique du récit seront alors amenés à produire de nouvelles combinaisons, nécessairement fluides et instables, débarrassée de stratégies de pouvoir propres au discours mythique."

Ce qu’il nous faut donc comprendre ici, c’est qu’elle va doublement mettre à nu et déconstruire aussi bien les mythes que les divers genres littéraires, tels que le conte de fées, qui sont selon elle à la base de l’élaboration sociale d’une différenciation artificielle entre les sexes. Elle va donc créer des univers à la frontière entre merveilleux et réalité où la société patriarcale n’a plus lieu d’être et où la position marginale de la femme va se transformer en réelle position de force. C’est ce que nous allons maintenant tenter de voir dans ses nouvelles du recueil The Bloody Chamber dans lesquelles elle met en exergue une sensualité et une sexualité accrues des personnages. Dans ces textes, la sensualité est intimement liée à la mort et nous prendrons pour cela l’exemple de la nouvelle The Tiger’s Bride dans laquelle l’approche du rapport sexuel entre la jeune femme et la Bête ( car ne nous leurrons pas, c’est la seule fin vers laquelle tend la nouvelle même si cela demeure implicite ) est envisagée comme un fantasme de dévoration :

    "Earliest and most archaic of fears, fear of devourment."

D’ailleurs, il paraît intéressant de noter que de manière extrêmement signifiante, le motif de la rose blanche va se trouver investi d’une portée proleptique à la forte charge sexuelle :

"My tear-beslobbered father wants a rose to show that I forgive him. When I break off a stem, I prick my finger and so he gets his rose all smeared with blood."

Le sang renvoie donc à l’idée de mort mais aussi à celle de la sexualité : en réponse à la demande de son père, la belle lui fait le don prophétique de la perte future de sa virginité (d’où le sang) en lui annonçant par là la sexualité qui lui est promise par sa faute avec la Bête. Mort de soi-même et mort de l’autre, c’est donc bien ce que nous trouvons par ailleurs exprimé par le biais de la transformation ultime de la jeune fille sous les coups de langue de l’animal. Et il en va bien entendu de même pour la nouvelle The compagny of wolves  dans laquelle la fillette va s’épanouir aux côtés du loup après l’avoir soumis à son pouvoir par une sorte de « streap-tease » plein de sensualité et très fortement connoté. L’enfant n’est plus soumise au loup, elle le dompte et le séduit, elle ne subit pas le déshabillage, elle le provoque, afin de pouvoir venir se serrer contre le corps du loup-garou et pouvoir enfin lui donner le baiser tant attendu, gage de la perte de son pari :

"This dazzling, naked she combed out her with her fingers; her hairs looked white as the snow outside. Then went directly to the man with red eyes in whose unkempt mane the lice moved; she stood up on tiptoe and unbuttoned the collar of his shirt.(…) as she freely gave the kiss she owed him. "


Et quand il voudra la dévorer, c’est par le rire que la fillette le terrassera et elle va lui proposer une autre fin au conte (cette fois-ci beaucoup plus sensuelle) dont elle sera l’initiatrice :

"The girl burst out laughing ; she knew she was nobody’s meat. She laughed at him full in the face, she ripped off his shirt for him and flung it into the fire, in the fiery wake of her own discarded clothing."

C’est donc la sexualité qui subvertit ici de la manière la plus troublante les contes originels car elle n’est pas gratuite, mais bien le fruit de la démarche qui fut celle d’Angela Carter tout au long de sa vie et de sa carrière littéraire. De même, Christine Angot va axer son récit sur l’évocation de la sexualité, mais cette fois-ci presque en creux, à partir d’une sexualité détournée et traumatisante qui sous-tend toute la diégèse. Pourtant, c’est avec un certain humour qu’elle va faire resurgir l’inceste et celui-ci ne sera uniquement représenté que par un baiser du père. De là va découler une certaine forme d’ironie sur les  terme « langue »  et « polyglotte » qui rappellent de manière quasi obsessionnelle, comme une sorte de leitmotive ponctuant le texte,  le souvenir de ce baiser "avec la langue" :

"Elle ne voyait plus son père. Il n’y avait plus aucun contact. Les langues ne la fascinaient plus. "

    Ainsi,  la représentation de la sexualité devient un ingrédient de plus en plus présent dans nos réécritures car il semblerait qu’elle corresponde à des préoccupations actuelles et qu’elle s’accorde avec une tendance très nette à la représentation de l’intime, de l’intériorité et à l’épanouissement des romans du je laissant la part belle à l’autobiographie fictionalisée. De plus, le conte offre un support extrêmement favorable à ces considérations en raison de sa forme et de ses thématiques originelles qui mettent d’emblée en scène un rapport souvent conflictuel avec l’altérité et il est donc compréhensible que de nombreux auteurs tels que Angela Carter aient choisi la forme du conte pour véhiculer leurs théories reposant sur la confrontation et le positionnement des sexes l’un envers l’autre. C’est donc bien une forme réelle de subversion qui s’opère ici en détournant les trames originelles des récits et en les adaptant de manière à faire surgir des rapports nouveaux entre les personnages et en inversant les rapports de force pour faire de la femme la nouvelle instigatrice d’une féminité libre et épanouie. Mais c’est maintenant une autre forme de subversion - et la dernière en ce qui concerne cette étude même si de nombreux autres aspects resteraient à traiter – que nous allons considérer en nous attardant sur l’expression d’une individualité exacerbée perçant au travers des récits contemporains.



II – 2 - D’une sagesse collective à la mise en scène du moi de l’auteur :


    L’une des définitions du conte merveilleux pourrait être envisagée dans la dimension collective de ce genre littéraire. En effet, les contes, comme nous l’avons déjà dit, survivent grâce à l’enchevêtrement des voix du passé et de celles du futur qui lui confèrent une éternelle jeunesse et dans l’état actuel où nous les trouvons, les contes de fées sont en réalité la résultante d’une somme considérable de réécritures et d’adaptations qui leur ont donné toute leur matière et leur profondeur. Pourtant, nous ne pouvons passer outre un phénomène de plus en plus fréquent à l’heure actuelle qui consiste en l’apparition de revendications et d’appropriations de plus en plus personnelles et subjectives. C’est-à-dire que concrètement, les dernières réécritures en date des contes de notre corpus ne parlent plus réellement des contes et ne mettent plus véritablement en scène les personnages traditionnels que nous connaissons si bien, ou du moins plus de la même façon. Il semblerait en effet que le conte en lui-même et ses personnages familiers ne soient plus simplement que des prétextes, des arguments littéraires, pour parler des auteurs et de ce que nous appellerons leur « moi exacerbé». Dès lors, il n’y a plus d’apprentissage possible par le conte et il se produit que celui-ci n’est absolument plus destiné aux enfants car la magie s’est envolée ou tout au plus transformée. La magie des mots a remplacé la magie du sens et c’est désormais une réflexion sur l’acte d’écrire, sur des préoccupations de type existentialistes qui dominent le récit et le construisent comme œuvre littéraire à part entière. L’œuvre collective n’est pas reniée, pas plus qu’elle n’est oubliée ou simplement occultée. Non. Elle est simplement dépassée par la présence de plus en plus marquée de l’auteur et du sentiment d’être auteur. L’acte d’écriture est de plus en plus ancré dans la diégèse et il devient pour ainsi dire impossible de convoquer le conte de fées sans son narrateur, alors que le conteur était auparavant l’instrument invisible du plaisir généré par le conte, qu’il soit encore de transmission orale ou bien écrite.
Ce phénomène est très net chez Christine Angot puisqu’elle va totalement reprendre la structure, le schéma du conte de Peau d’âne (situation initiale – méfait – épreuves – réparation du manque ou du méfait – restauration de l’ordre – accomplissement final ) mais ici pour mieux se l’approprier. Bien que le conte soit considérablement transformé, elle va pourtant tout de même conserver la même ossature et la subversion ne sera pas de type formelle : Peau d’âne finira en effet, sous la plume d’Angot comme dans le conte, par rencontrer un beau Prince et tout se terminera bien :

"Le lendemain, le lendemain à la même heure, elle se promenait dans la rue, et elle a rencontré un Prince, pour la première fois de sa vie, un vrai prince, pas un prince qui a été invité par sa mère à dîner, un vrai prince à la peau mate et aux cheveux noirs."

La trame est parfaitement reconnaissable (enfance heureuse, inceste du père, épreuves, rencontre du prince et remariage) car l’intérêt ne semble pas pour elle résider dans le déroulement des choses, mais bien plutôt dans la manière dont ces choses, ces épreuves, sont vécues. Et c’est pour cette raison que les épreuves affrontées par Peau d’âne ne seront absolument pas les mêmes que celles du conte classique car ce sont ici en réalité les épreuves vécues par Christine Angot au cours de sa jeunesse qui sont dépeintes, telles que l’insomnie et l’anorexie :

"Elle a voulu essayer de maigrir afin que les os aient plus de place, elle ne mangeait plus rien. Peau d’âne est descendue à 41 kilos peu de temps après. (…) Et cela doit être à ce moment là que l’insomnie est entrée dans sa vie, ne plus dormir, ne presque jamais dormir."

Notons tout de même que si le nom de l’héroïne du court roman de Christine Angot est bien celui de l’héroïne du conte, Peau d’âne, de nombreux indices sont disséminés dans tout l’ouvrage pour  qu’il n’y ait pas de doute possible sur la véritable identité de l’héroïne du roman et du véritable sujet du livre : nous pouvons déjà relever le jeu sur l’onomastique à la page 10 précédemment cité ainsi que de nombreuses autres occurrences de ce phénomène, telles que l’allusion par l’auteur à la rédaction de ses propres romans dont les titres sont, soit déjà connus, soit facilement repérables puisqu’ils apparaissent en quatrième de couverture de l’ouvrage, même s’ils sont cachés par quelques légères transformations ( par exemple, Pourquoi le Brésil ? devient "Vu du Brésil" par symétrie avec Vue du ciel qui est le nom exact de son premier roman publié en 1990 et qui se retrouve ici avec l’orthographe "Vu du ciel"!) :

"Il y avait des sujets de temps en temps qui les achetaient, c’étaient des titres comme Vu du ciel, Vu du soleil, Vu de la lune, Vu du temps, Vu de l’or, Vu des étoiles, Vu de la ville, Vu du Brésil. Des vues de l’esprit, des vues de son esprit malade… "


Dans ce roman, Christine Angot va donc se livrer à une démarche autobiographique sous couvert du conte de Charles Perrault et elle va non pas donner sa propre vision du récit, mais au contraire se l’approprier pour en faire le masque littéraire de son intimité et de sa subjectivité. D’ailleurs, elle ne manque jamais de rappeler ses sources et l’appropriation au nom de l’expression du « moi de l’auteur » ne s’accompagne pas pour autant d’une dénégation des autres auteurs ou du conte en lui-même : bien au contraire, elle va aller jusqu’à retranscrire intégralement le texte original de Charles Perrault à la fin du livre. Pure stratégie éditoriale ou démarche volontaire de l’auteur, nous sommes en droit de nous questionner, mais toujours est-il que tout lecteur, qu’il connaisse ou non le conte de Perrault peut ainsi en prendre connaissance et réagir sur cette appropriation volontairement subversive du texte premier.
Dans un second temps, nous allons maintenant consacrer quelques lignes (voire quelques pages) à la réécriture du Vaillant petit tailleur d’Eric Chevillard  dont nous avons déjà un peu parlé. Certes, Eric Chevillard ne rentre pas réellement dans le cadre de notre étude sur les réécritures féminines et encore moins dans notre corpus de conte, mais nous nous autoriserons pourtant à l’intégrer dans cette partie car il semble vraiment éclairant dans la perspective d’étude qui est la nôtre afin de montrer cette mise en scène de l’auteur. Et effectivement, il va se livrer dans son ouvrage à une virulente réappropriation du texte classique sous forme d’une véritable revendication de la paternité du conte en la refusant par ailleurs à tous ses devanciers (ou du moins, s’il ne la leur refuse pas, il la leur chaparde sous prétexte qu’ils n’avaient qu’à se proclamer auteurs de ce conte avant lui !) :

"C’est bien cette fameuse histoire enfantée confusément par des générations de beaux parleurs qui ne se taisaient que pour boire, retouchée à l’eau de rose et au hachoir par les mères de famille à l’intention de fillettes et de garçonnets ensommeillés qui la poursuivaient en rêve n’importe comment, finalement donc saisie au vol et apprêtée pour l’édition par Jacob et Wilhelm Grimm tandis que leurs trois autres frères humaient l’air du pays, je suppose, puis de nouveau soumise à tous les avatars d’adaptations grossières, imprécises et souvent niaises, fameuse histoire, sans doute, mais qui pâtit en somme depuis l’origine de n’avoir pas d’auteur : il n’est pas trop tard pour lui en donner un.
Ce sera moi."


C’est donc ici toutes les théories et les pratiques de réécritures qui sont remises en cause car Chevillard ne va absolument pas adhérer à la conception selon laquelle tout auteur réécrivant un conte entre dans toute une lignée d’auteurs plus ou moins anonymes et talentueux qui participent, chacun à leur manière, pierre après pierre, à la construction du solide édifice qu’est le conte merveilleux. Absolument pas. Il va au contraire prétendre devenir le véritable auteur de ce conte en se l’appropriant véritablement ainsi qu’en mettant en lumière son statut d’écrivain et la valeur d’unicité de son œuvre en tant qu’individualisée, occultant par là totalement le fait qu’elle s‘inscrive dans tout un lignage de réécritures :

"Je vous raconte cette histoire comme vous le souhaitez. Je lui donne un auteur."
"Le vaillant petit tailleur ignore une chose, cependant : cette histoire a désormais un auteur. Et si un auteur doit avoir une qualité, c’est bien celle de ne pas s’en laisser conter. Les veuves de  Kassel ne m’impressionnent pas. "

Cette revendication va jalonner toute l’œuvre et ce qui est aussi frappant dans cet ouvrage hors du commun, c’est l’investissement notoire de l’auteur auprès de son personnage. Avec beaucoup d’humour, Eric Chevillard va totalement s’impliquer dans le récit et suivre pas à pas, de manière intradiégétique, tout le cheminement du petit tailleur jusqu’à faire de lui l’exacte image de lui-même :

"Et voilà notre héros.
Mon double.
Un autre moi-même."

Mais ce dédoublement de l’auteur, ou investissement extrême dans son personnage, va en réalité le conduire à l’expression de sa conception du personnage et de la liberté d’action théorique qui lui est accordée au sein d’un récit :

"Or je n’ai jamais cru à cette fable des personnages filant entre les doigts de leurs auteurs, pour mener la grande vie dans leurs livres."

Et très vite, par cette analogie entre l’auteur et le personnage, nous comprenons qu’il effectue une mise en parallèle entre le manque d’autonomie du héros et son propre manque de liberté en tant qu’auteur d’une réécriture dont le lecteur attend inévitablement qu’elle corresponde à son souvenir. Le champ de manœuvre et d’innovation est en effet réduit car il est effectivement peu aisé d’être créatif dans une adaptation sans risquer de décevoir les attentes du public. Et c’est donc aussi contre cela qu’Eric Chevillard va prétendre lutter en proposant ironiquement une liste de « cents défis et exploits nouveaux imaginés à l’attention des souverains soucieux d’éprouver l’audace et la valeur des prétendants à la main de leur fille » . C’est de cette manière tout le genre du conte de fées qu’il entend renouveler par l’intermédiaire du vaillant petit tailleur et il nous propose donc une véritable forme d’intellectualisation du conte et des principes de réécritures par le biais d’une revendication de la paternité de l’œuvre et de la mise en valeur de la possibilité, grâce à lui, auteur, d’améliorer le conte original :

"Bien des choses peuvent être améliorées. Il serait urgent par exemple de renouveler un peu le genre d’exploits que le roi exige du vaillant petit tailleur."


    Ainsi, même s’il ne rentre pas au sens strict dans notre sujet, l’étude du vaillant petit tailleur d’Eric Chevillard nous apporte un éclairage très intéressant sur les perspectives de réécriture. De plus, cet ouvrage apparaît comme tout à fait représentatif de ce mouvement de mise en valeur de l’identité de l’auteur actuellement très en vogue et auquel semble appartenir Christine Angot. C’est donc tout le genre du conte de fées qui est subverti au nom d’une réflexion portant non plus sur le genre littéraire mais désormais sur les actes d’écriture et de réécriture et derrière le masque du conte, c’est beaucoup plus l’écrivain et l’œuvre eux-mêmes qui sont convoqués. Nous avons donc pu voir que les types de subversions opérés sur le conte pouvaient être forts variés et que c’étaient principalement des points de détail qui étaient touchés, dans une perspective de renversement des objectifs traditionnels. Cependant, il demeure que la subversion déforme beaucoup plus qu’elle ne transforme et que toujours nous sentons et reconnaissons sous le voile subversif les contes de notre enfance. Mais de très nombreux auteurs – bien au-delà du corpus limité auquel nous nous sommes attachés – ont eu recours à ces différents types de subversion pour véhiculer leurs idées, qu’elles soient littéraires, philosophiques ou encore politiques, et il apparaît que cette figure semble avoir subie une certaine forme d’usure en raison d’un usage peut-être trop fréquent.  En effet, à force de vouloir recourir à ces divers jeux textuels de récupération des textes anciens à des fins nouvelles, la subversion devient pour ainsi dire conventionnelle, banale, et les auteurs la pratiquant à outrance encourent donc le risque de lui faire perdre tout son potentiel subversif. Un renouvellement constant de ses formes est ainsi essentiel et il apparaît que même si nos textes font un usage pertinent de la réécriture subversive, les nouveaux conteurs doivent veiller à préserver la magie du conte et son pouvoir évocateur, par lui même peut-être déjà assez subversif pour laisser au lecteur sa libre interprétation, ce que lui refuse parfois l’abondance des interprétations et des renversements opérés sur sa trame originelle.


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"Life is not measured by the number of breaths we take,
but by the moments that take our breath away."

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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

CONCLUSION :



Tout au long de cette étude, nous avons donc eu pour but de montrer l’évolution des contes de fées (ou tout au moins l’évolution représentative de trois d’entre eux) depuis leurs origines folkloriques - voire antiques pour la Belle et la Bête – jusqu’à nos jours et à leurs manifestations les plus actuelles. Néanmoins, ce travail n’a jamais fait vocation d’entreprise purement historique et ce n’est pas tant leur simple évolution dans le temps qui nous a tout particulièrement intéressé, que leurs différentes formes de survie et leurs moyens pour y parvenir, et ce grâce aux différentes modalités de réécriture. Car c’est bien l’une des spécificités du conte que d’être fait de versions multiples, que d’être un « potentiel de variations » , et nous avons pu montrer qu’il existait bien un lien réel entre les contes merveilleux de notre enfance et la littérature contemporaine, c’est-à-dire entre l’une des formes les plus anciennes de la littérature et ses manifestations les plus récentes. D’ailleurs, notons que le mot « enfance » est intéressant à bien des égards : les contes sont en effet destinés pour la plupart au monde de l’enfance mais nous pouvons aussi considérer qu’ils appartiennent à ce que nous pourrions nommer « l’enfance de la littérature » et qu’ils constituent une forme de sagesse ancestrale et originelle, pour ainsi dire primitive au sens de première, qu’il s’agit donc de faire perdurer, que cela soit par le biais des collectes ou par celui des réécritures. Et de manière générale, il semblerait que ces deux types de pratiques aient été historiquement séparés en deux temps : Après l’intense entreprise de collecte et de compilation du XIXè siècle, le XXè siècle et le début du XXIè seront en effet le temps des réécritures avec toute une pléiade d’auteurs endossant avec plus ou moins de facilité et de bonheur le double rôle d’intermédiaire entre toute une lignée de conteurs, antérieurs et à venir, et d’auteur d’une œuvre littéraire unique, individualisée d’une manière ou d’une autre par son ancrage dans le temps et dans l’histoire littéraire, que ce statut d’auteur soit ou non revendiqué. Toutefois, nous avons aussi pu voir qu’aux XVIIè et XVIIIè siècles, il y eu un fort engouement pour les réécritures comme simples pratiques d’écriture ( nous prendrons comme seul exemple significatif les deux versions de la Belle et la Bête par Mesdames de Villeneuve et Leprince de Beaumont effectuées à seulement quinze années d’intervalle ). Toutefois, les notions d’auteur et de création étaient en effet à cette époque bien différentes des nôtres puisque le tout début du XVIIè siècle partageait encore cette croyance héritée du Moyen-Age selon laquelle la seule création ne pouvait venir que de Dieu. La création artistique au sens d’originalité et d’innovation dans lequel nous l’entendons aujourd’hui n’existait donc pas et réécrire une œuvre, l’adapter, n’avait donc pas la même valeur ni la même portée intellectuelle que maintenant puisque réécrire était alors synonyme d’écrire. Mais le XVIIè siècle vit bientôt l’émergence de la figure d’auteur  ainsi que le développement des pratiques littéraires et comme nous avons pu le développer, l’acte de réécriture se chargea progressivement de nombreuses considérations morales et axiologiques. Par ailleurs, il serait aussi injuste de séparer adaptations et collectes du point de vue des transformations sémantiques effectuées puisque bien peu d’entreprises de compilation ont su se départir des modifications (même aussi légères et subtiles qu’elles soient)  qu’ont pu leur faire subir des auteurs tels que les frères Grimm au XIXè siècle, infléchissant parfois assez peu mais pourtant fort durablement leurs significations et leurs objectifs premiers. En fait, tout ceci pose véritablement la question de la fidélité des réécritures à leurs hypotextes, et ce à différents niveaux. Car en effet, les textes que nous considérons le plus souvent comme les textes originaux, ceux de Charles Perrault ou des frères Grimm, sont pourtant déjà pour la plupart des adaptations de contes folkloriques oraux et la première perspective de récriture qui doit être envisagée repose donc dans le premier passage de l’oral à l’écrit et dans les modifications d’ordre morales entraînées par la censure qu’ils ont respectivement fait subir à leurs œuvres en fonction des attentes d’un lectorat bien défini. De même, cette question peut aussi être posée à l’heure actuelle en ce qui concerne des versions très fortement éloignées de leurs hypotextes (comme nous avons pu le voir dans les deux ouvrages de Christine Angot et d’Angela Carter, Peau d’âne et The Bloody Chamber) en étudiant l’éventuelle présence de similitudes ou de phénomènes de rupture avec les version de leurs devanciers, mais surtout en étudiant les raisons pour lesquelles elles les ont fait apparaître et dans quel but. Mais une fois les questions d’ordre théorique dépassées, les modalités de réécritures éclairées, c’est une véritable perspective d’adaptation dans le temps, d’intégration dans un flux gigantesque d’un moment précis, d’un rapport à l’antérieur, à l’anonyme et au transmis qui se conçoit par rapport à tout un héritage que nous nous devons de penser selon un double mouvement complémentaire d’intégration et de rejet qui est ici joliment exprimé par Claude Brémont :

"C’est ce rapport à l’ancien qui invite à inscrire non pas son nom, mais sa variation, son écart, sa différence : elle n’a de sens que parce que constitutive d’un tout impossible à embrasser."

Et ainsi, même si la plupart des auteurs ont procédés par détournement de la tradition orale et des versions qu’ils avaient lues ou entendues à des fins diverses, leur démarche relève pourtant de la nature même du conte de fées : genre ouvert par excellence, c’est par là son unique moyen de survie et c’est bien grâce aux multiples transformations qui lui sont apportées qu’il parvient à toujours s’adapter aux goûts et aux attentes d’un public en perpétuelle mutation et à ne jamais vieillir, à ne jamais passer de mode. Ce phénomène de constante renaissance et adaptation, Gilbert Durand, dans son étude sur les mythes littéraires et sur leurs résurgences historiques, le nomme « palingénésie » . Dans cette étude, il va en effet montrer que même s’il existe parfois des périodes de creux au cours desquelles nous ne notons aucune manifestation littéraire d’un mythe donné, celui-ci réapparaît toujours de manière cyclique et qu’il renaît perpétuellement, à son heure, selon le contexte. Nous pouvons donc considérer par l’étude que nous avons menée que cette analyse peut être tout à fait appliquée au conte de fées puisque celui-ci subit exactement le même principe de mise en sommeil et de renaissance, au gré de l’évolution des mœurs et des cultures. D’ailleurs, certains contes ne bénéficient même pas de ces temps de latence car des récits comme le petit Chaperon rouge  font réellement partie intégrante de la littérature jeunesse et de notre imaginaire et ils ne disparaissent jamais véritablement de l’horizon littéraire et de notre encyclopédie culturelle collective. Pourtant, une telle ténacité et une telle réputation ont elles aussi leurs limites car nous pouvons ainsi nous trouver confrontés à une certaine forme d’usure du conte qui constituerait son seuil critique de reconnaissance. Car en effet, le risque est bien réel de vider totalement le conte de son sens premier, de le priver de son contenu dynamique en étirant trop ses constituants initiaux. Et c’est parfois ce qui se produit pour le petit Chaperon rouge car au fil des nombreuses dérivations qui lui sont infligées, ce conte ne se réduit plus parfois qu’à une simple ossature devenue creuse dans laquelle la fillette vêtue de rouge et le loup ne sont plus que de simples éléments de reconnaissance, non plus du conte dans son statut de conte mais d’un souvenir de celui-ci sous forme d’une sorte de rémanence, de persistance. Et ainsi, à force d’être trop réécrits, d’être trop réemployés, les contes se vident de leurs objectifs premiers et en tendant de plus en plus vers le symbolique (et ce notamment en raison de la pléthore d’explications d’ordre psychanalytique), ils se tournent vers un langage figé les fixant de manière extrêmement rigide. C’est par exemple ce qui va se produire  par le biais de la publicité qui a fait de tout temps un usage très important du conte du petit Chaperon rouge en raison de l’aspect éminemment visuel et connoté du rapport entre le chaperon et le loup (comment ne pas songer en effet à la très belle publicité réalisée par Luc Besson pour le parfum numéro 5 de Chanel dans un univers visuel et musical très proche de celui de Tim Burton ?) Et c’est notamment ce phénomène que Gilbert Durand va nommer "usurpation du nom"  en montrant que dans ce cas, le conte s’est peu à peu vidé de ses "mythèmes constitutifs"  et que la réapparition de ses situations et de ses  personnages, et en particulier de ses personnages féminins, à la fois dans nos lectures, dans nos films et dans les objets de notre quotidien, peut être paradoxalement la manière la plus dangereuse de pervertir définitivement le conte de fées. Mais cette usure peut aussi survenir par l’usage des pratiques de subversion : à force de subvertir les textes, parfois de manière assez radicale, nous perdons ainsi le contact avec les formes premières de ces récits en ne faisant plus d’eux que de simples bases interprétatives et suggestives. Les réécritures subversives jouent donc un double rôle, à la fois celui de promouvoir de nouveaux intérêts aux contes merveilleux en élargissant leur champs de signification et en leur conférant une nouvelle portée ainsi qu’une nouvelle prégnance symbolique, mais elles contribuent aussi à cette perte de sens par une trop grande rupture avec leur structure initiale. Mais heureusement, il convient de dire que les réécritures que nous avons pu étudier partageaient cet intérêt de ne pas trop dénaturer leurs supports et d’apporter de nouveaux éclairages complémentaires en respectant les trames et les enjeux de leurs hypotextes. Toutefois, c’est l’un des risques de la réécriture à outrance que nous tenions à signaler, de même que l’usage abusif de la figure de la subversion - bien qu’extrêmement tentante en ce qui concerne les contes de fées en raison de leur fort potentiel subversif initial – qui peut lui faire encourir le même danger. Néanmoins, peut-être toutes ces subversions et ces dérivations opérées sur les textes originaux donnent-elles au lecteur le désir de relire les récits classiques de référence et que c’est bien là l’essentiel afin de ne pas voir un conte s’éteindre peu à peu pour disparaître définitivement de notre champs littéraire. Les raisons et les motivations pour réécrire les contes merveilleux sont donc multiples et elles reflètent bien ce besoin incoercible de merveilleux ainsi que l‘attrait inépuisable des contes sur les enfants aussi bien que sur les adultes. Pourtant, nous ne devons pas oublier que de manière plus prosaïque, la grande célébrité de ces récits est aussi un atout majeur pour les éditeurs qui savent pertinemment que publier une réécriture d’un conte de fées rapportera des ventes, ne serait-ce que par la renommée et le charme quelque peu désuet du texte original excitant la curiosité du lecteur en tant que potentiel acheteur. Il ne faut certes pas totalement généraliser cette démarche, mais il apparaît pourtant que l’adaptation des contes participe aussi à l’heure actuelle d’une certaine stratégie éditoriale dont Christine Angot est une parfaite illustration puisque son Peau d’âne est en réalité née de la demande de son éditeur de choisir un conte et de le réécrire dans un angle autobiographique. C’est aussi ce qui s’est produit la même année pour Catherine Millet qui écrivit quant à elle à la demande du même éditeur ( Stock ) Millet à la loupe , réécriture du célèbre Riquet à la houppe  de Charles Perrault.
L’époque contemporaine a ainsi produit les variations les plus libres, les plus savoureuses, voire les plus surprenantes des contes de notre enfance et nous avons donc tenté de montrer au fil de cette étude la manière dont évoluait ce genre bien particulier au travers de la mise en perspective des diverses réécritures de trois contes bien spécifiques. D’ailleurs ces trois récits trouvaient déjà leur propre unité dans leurs structures originelles et dans leur rapport à la femme, à l’enfance et à l’anthropomorphisme, ce qui constituait un atout préalable majeur à leur étude conjointe. Les adaptations et les  variations qui ont pu en être données dans le temps ne sont donc ni des lectures uniquement interprétatives données comme telles, ni de simples transpositions de schémas déjà connus : ce sont bien au contraire des récits nouveaux et des œuvres à part entière brassant ce que les mémoire ont peu à peu engrangées de lectures et faisant la part belle à la subjectivité et à la mise en scène des intentions de l’auteur. Et c’est à Eric Chevillard que nous laisserons donc le soin de conclure par ces quelques mots si joliment représentatifs de ce que nous avons tenté de démontrer au cours de ces quelques pages :

"Car telle est la marge d’intervention du conteur : il peut orner un peu, mentir un peu, oublier un peu. C’est un homme libre."


   
   





                                                                                                                ANNEXE  1



VERSION ORALE NIVERNAISE  DU PETIT CHAPERON ROUGE  RECUEILLIE PAR LE FOLKLORISTE  ACHILLE MILLIEN :




                                                                                                    Conte de la mère-grand.





C’était une femme qui avait fait du pain. Elle dit à sa fille :
- Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta grand.
Voilà la petite fille partie. A la croisée de deux chemins, elle rencontra le bzou qui lui dit :
- Où vas-tu ?
- Je porte un époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand.
- Quel chemin prends-tu ?
- Celui des aiguilles, dit la petite fille.
-  Eh bien ! moi, je prends celui des épingles ; et le bzou arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l’arche et une bouteille de sang sur la bassie. La petite fille arriva, frappa à la porte.

- Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée.
- Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une bouteille de lait.
- Mets-les dans l’arche, mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie.

Suivant qu’elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :
- Pue !… Salope !… Qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.
- Déshabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi.
- Où faut-il mettre mon tablier ?
- Jette-le au feu, mon enfant, tu n’en as plus besoin.

Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chasses, elle lui demandait où les mettre. Et le loup répondait : «  jette-les au feu, mon enfant, tu n’en as plus besoin ».

Quand elle fut couchée, la petite fille dit :
- Oh ! ma grand, que vous êtes poilouse !
- C’est pour mieux me réchauffer mon enfant !
- Oh ! ma grand, ces grands ongles que vous avez !
- C’est pour mieux me gratter, mon enfant !
- Oh ! ma grand, ces grandes épaules que vous avez !
- C’est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant !
- Oh ! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez !
- C’est pour mieux entendre, mon enfant !
- Oh ! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez !
- C’est pour mieux priser mon tabac, mon enfant !
- Oh ! ma grand, cette grande bouche que vous avez !
- C’est pour mieux te manger, mon enfant !
- Oh ! ma grand, que j’ai faim d’aller dehors !
- Fais au lit, mon enfant !
- Oh ! non, ma grand, je veux aller dehors !
- Bon, mais pas pour longtemps.

Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller. Quand la petite fille fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour. Le bzou s’impatientait et disait : «  Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc des cordes ? » Quand il se rendit compte que personne ne lui répondait, il se jeta à bas du lit et vit que la petite était sauvée. Il la poursuivit, mais il arriva à sa maison juste au moment où elle entrait.



                                                                                                                       ANNEXE 2




Conte-type n° 333 : le petit Chaperon rouge. Eléments du conte répertoriés par Paul Delarue dans le catalogue raisonné du conte populaire français, publié aux éditions Maisonneuve et Larose en 1951 :




I – L’héroïne.
A1 : c’est une petite fille ;
A2 : nommée le Petit Chaperon rouge ;
A3 : à cause de sa coiffure rouge ;
A4 : nommée autrement ;
A5 : non nommée ;
A6 : autre.

B1 :Elle est envoyée par sa mère ;
B2 : veut aller ;
B3 : ses parents refusent d’abord ;
B4 : va ;
B5 : chez sa grand-mère ;
B6 : chez une autre personne.

C1 : Elle porte du beurre ;
C2 : du fromage ;
C3 : du lait ;
C4 : une galette ;
C5 : un gâteau ;
C6 : du pain ;
C7 : autre.

II – rencontre avec le loup.
A1 :  Elle rencontre le loup :
A1 : d’autres animaux ;
A3 : une personne ;
B1 : le loup lui demande où elle va ;
B2 : lui demande lequel des deux chemins possibles elle prendra ;
B3 : il prend l’autre ;
B4 : c’est le loup qui choisit le chemin le plus court.

III – chez la grand-mère.
A1 : le loup arrive chez la grand-mère ;
A2 : apprend comment on ouvre la porte ;
A3 : mange la grand-mère ;
A4 : met de la chair de côté ;
A5 : du sang de côté ;
A6 : revêt les habits de la grand-mère ;
A7 : se  met dans le lit.

B1 : la fillette arrive ;
B2 : apprend comment on ouvre la porte ;
B3 : dit qu’elle à faim ;
B4 : dit qu’elle à soif ;
B5 :  le loup lui dit de manger la viande ;
B6 : de boire du vin ( sang de la grand-mère ) ;
B7 : un animal ;
B8 : une voix ;
B9 : dit à la fillette ce qu’elle mange ;
B10 : ce qu’elle boit.

C1 : elle dit qu’elle à froid ;
C2 : qu’elle à sommeil ;
C3 : le loup lui dit de venir se coucher ;
C4 : elle se déshabille ;
C5 : demande où mettre chaque vêtement ;
C6 : le loup lui dit de le brûler ;
C7 :  elle se couche ;

D1 : étonnement de la fillette sur les grands bras ;
D2 : les grandes jambes ;
D3 : les grandes oreilles ;
D4 : les grands yeux ;
D5 : le corps velu ;
D6 : d’autres parties du corps ;
D7 : les grandes dents.

E1 : Dernière réplique du loup :  « c’est pour te manger » ;
E2 : il dévore l’enfant ;

IV – fuite de la fillette.
A1 : la fillette de mande à sortir ;
A2 : pour satisfaire un besoin ;
A3 : elle part, attachée par un fil ;
A4 : se libère du fil ;
A5 : rentre chez elle ;

B1 : le loup la poursuit ;
B2 : va l’atteindre au moment où elle rentre chez elle.

C1 : Le loup est tué.


"Life is not measured by the number of breaths we take,
but by the moments that take our breath away."

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#4 2009-06-27 16:25:57

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

ANNEXE 3


VERSION DU PETIT CHAPERON ROUGE ADAPTEE PAR  HENRI  POURRAT AU MILIEU DU XXe SIECLE :


                Le conte du Chaperon Rouge .




Il y avait une fois une petite fille, qui allait vers ses huit ans et qui était toute gentille. Sa mère-grand lui disait toujours d’avoir grand’peur du loup, tant elle la trouvait gente : gente à lui donner envie de la croquer. Pour la rendre plus gente encore, la mère-grand lui fit faire un bonnet d’écarlate. De sorte qu’on ne nommait plus cette petite dans le pays que le petit Chaperon Rouge.
Elles demeuraient, la vieille et la petite, au mitan d’un grand bois, tout de ramée obscure, qui était aussi noir par endroit que le ventre du loup.
    Un jour, elles allèrent toutes les deux au bois mort. Le fagot de la mère-grand était gros ; celui du Chaperon ne l’était guère.
    Elles arrivèrent au carrefour, sous de vieux arbres qui faisaient sombre, comme au plus enfoncé d’une salle de château ; et la mère-grand demanda à la petite par quel chemin elle voulait retourner : celui des épinettes ou celui des pierrettes ?
    "Ho, mère-grand, ce sera par celui des pierrettes.
- Eh bien moi, j’en ai ma charge, de ce fagot. Ce sera par les épinettes, par le plus court."

Elle part. Le Chaperon Rouge s’allonge sur la mousse, s’endort, le bras sur son fagot à elle, la tête sur son bras ; fait son somme, s’éveille, s’étire, va à un buisson cueillir des mûres, à un noisetier cueillir des noisettes.
Enfin, elle partait aussi, quand, d’une sente, elle voit déboucher quelque bête pelue. Les yeux de cette bête luisaient comme des chandelles. Elle pointa les oreilles et approcha souplement.
"Petite qui porte chaperon rouge, où vas-tu de ce pas ?
- Chez ma mère-grand : c’est la petite maison au mitan du grand bois.
- Quel chemin vas-tu prendre ? Celui des épinettes ou celui des pierrettes ?
-  Ce sera celui des pierrettes. Ma mère-grand a les pieds si cornés, qu’elle a pris par celui des épinettes. Mais moi, je me piquerais, qui n’ai ni chausses ni sabots… Me faut aller, si je traînais, je pourrais rencontrer le loup, et la mère-grand m’a bien dit que je ne m’amuse surtout pas à lui tenir conversation.
- Au revoir, donc, petite qui portes chaperon rouge ! Au plaisir de te revoir."

Le loup non plus n’allait pas s’attarder à faire causette. Il avait vu là près des bûcherons qui s’escrimaient dans le hallier, et le parrain du Chaperon Rouge avec sa bonne hache tranchante.

Il laisse la petite prendre par les pierrettes, comme elle a dit, et prend, lui, par les épinettes, pensant couper le chemin à la mère-grand. Probablement, il ne portait ni chausses ni sabots, mais moins que la vielle encore il ne s’embarrassait des épines : des pattes tout en nerfs, et plus dures que le fer.

Sur ce chemin il  ne rencontre personne : en trois minutes, il arrive à la maisonnette.
Il trouve la porte close. Mais sans même y coller l’oreille, il entend la mère-grand ronfler : elle était rentrée échinée, si bien qu’elle s’était tout de suite fourrée au lit et dormait là comme Colas mon petit frère.

"Tantôt, la mère-grand, vous dormirez encore plus profond."

De sa patte, il toque, tout sec, trois coups, trois autres coups.
"- Hé, qui est là ?
- C’est le Chaperon Rouge !
- Comme tu es enrouée, mon enfant ! Aurais-tu rencontré le loup dans le chemin ?
- Vite, mère-grand, venez m’ouvrir !
- Tire la chevillette,
Cherra la bobinette !"

Sitôt dit, sitôt fait. Le loup tire la chevillette, il voit s’ouvrir la porte. D’un bond, il entre : Deux autres bonds, il est sur la mère-grand ; en trois coups de gueule il l’avale.

Cela fait, - on dit que les loups travaillent la chair aussi proprement que les bouchers, - le compère ramasse ce qui reste de la mère-grand, le fourre en un bichet, un petit pot ; en un autre bichet, le sang qui a découlé. Puis, l’air content comme un chat qui vient de lécher le beurre, du bout de sa patte, il remet le ménage en ordre, referme la porte à la chevillette, se coiffe du bonnet de la mère-grand ; après quoi il s’enfonce dans le lit, et jusque sur son nez, ramène la courtepointe."
  A présent, je t ‘attends, petite qui porte chaperon rouge !"

Le Chaperon Rouge ? S’il n’y avait eu des épinettes en son chemin, il s’y était trouvé plus d’un buisson pour l’accrocher. Encore des mûres à ramasser ; et des noisettes ; là des fleurs bleues autour de la fontaine, ici des parpaillons à attraper, qui voletaient dans un rais de soleil.
A la fin des fins, cependant, picorant ou cueillant, trottant ou musant, elle arrive. Trois petits coups toquent  la porte.
" - Hé, qui est là ?
- C’est le Chaperon Rouge.
- Tu me sembles enrouée, mon enfant ! Aurais-tu rencontré le loup dans le chemin ?
- Mère-grand, venez m’ouvrir !
- Tire la chevillette,
Cherra la bobinette !"

La porte s’ouvre. Entre le Chaperon Rouge, sautant comme un perdreau.
" - Mets ton fagot au coin du feu, ma petite fille. Puis viens te coucher près de moi, tu me réchaufferas. Toi aussi, tu tombes de sommeil.
- Mère-grand, que je mange et que je boive ! J’ai si faim, j’ai si soif !
- Prends le salé qui est dans le bichet, ma petite fille, et le vin dans l’autre bichet !
Voilà le Chaperon Rouge s’affairant et soupant, mais bien surprise d’entendre le chat, d’un tabouret au coin du feu, en miaulant l’avertir :

            "Tu manges la chair
            De ta grand-mère,
            Tu bois le sang
            De ta mère-grand !"
"
- Ho, mais entendez-vous ce que dit le minet : que je mange la chair de ma grand-mère, que je bois le sang de ma mère-grand.
- Il n’a rien dit, ma petite fille ; ce sont les oreilles qui te sifflent ! Viens te coucher près de moi, tu me réchaufferas."

Tout en montant au lit, le Petit Chaperon Rouge tremble : «  la peur me tient : je crois que le fièvre va me prendre !

- Oh, mère-grand, comme vous avez bourrues vos pauvres jambes, plus bourrues que les sapins du bois de Malavieille.
- C’est de vieillesse ma petite fille, c’est de traînesse : j’ai tant couru les bois que je suis devenue bois !
- Ho, mère-grand, que vous avez de grands bras !
- C’est pour mieux t’embrasser ma petite !
- Ho, mère-grand, comme vous avez de grandes oreilles !
- Ma petite, c’est pour mieux t’écouter !
- Ho, mère-grand, comme vous avez de grandes dents !
- Ma petite, c’est pour mieux te manger ! »

Et hop, d’un seul coup de gueule, le loup la gobe comme le loriot gobe la cerise.

Après cela, il était aise ! Il se voyait maître de la maison, et elle l’arrangeait bien, cette maison dans le bois !
Il saute donc du lit, s’apprête à remettre la chevillette, afin de se sentir chez lui…
Mais tout soudain, la porte s’ouvre.
C’était le parrain du petit Chaperon Rouge, le bûcheron. Il avait vu passer le loup à travers la ramée. Et en y repensant, tout en bûcheronnant, il s’était dit que mieux valait  voir sans tarder si sa filleule et la mère-grand n’avaient pas eu affaire avec le personnage.
"Ha vieux coquin, tu auras fait quelque sottise !"

Cela alla plus vite que l‘éclair.
Effaré comme la lune rousse, le loup s’était dressé en pied. D’un seul coup de sa bonne hache, depuis le haut jusqu’en bas, du gosier au pertuis, le bûcheron lui découd tout le ventre…
Voilà qu’en sort le petit Chaperon Rouge…
Puis, tout de suite après, la mère-grand, clignant des yeux, secouant les oreilles.
" Ha, bûcheron, que tu as bien fait
Comme c‘était noir là dedans !
N’y savait la couleur du temps !"



    Henri Pourrat, "le Conte du Chaperon Rouge", in Le Trésor des contes. Les fées.
Editions Gallimard.





ANNEXE  4



SYNOPSIS DU FILM LA BELLE ET LA BETE DE JEAN COCTEAU ( 1946 ), RECUEILLI DANS LA BELLE ET LA BETE , JOURNAL D’UN FILM, PUBLIE AUX EDITIONS DU ROCHER EN 1998 :




    Dans un pays qui n’est autre que ce vague pays des contes de fées, un riche marchand, ruiné par une tempête où se perdirent ses vaisseaux chargés de marchandises, habite avec ses trois filles et son fils. Ce Ludovic est un charmant chenapan et son camarade Avenant l’accompagne toujours dans ses désordres. Les filles sont deux personnes fort méchantes, Félicie et Adélaïde, qui réduisent à l’esclavage Belle, véritable Cendrillon de la famille.
    Dans cette maison de disputes et de cris, Belle sert à table et frotte le parquet des chambres. Avenant l’aime. Il la demande en mariage mais Belle refuse. Elle veut rester fille et vivre avec son père.
    Ce père, bon et faible vient d’apprendre une grande nouvelle. Un de ses vaisseaux de marchandises est arrivé au port. Les notables qui fuyaient la maison y reviennent. Les sœurs exigent robes et bijoux. Ludovic emprunte à un usurier. Belle, lorsque son père se met en route vers le port, demande une rose, « car il n’en vient pas ici ».
    C’est le point de départ du drame. Cette demande qu’elle fait pour ne point avoir l’air de ne rien demander, excite le rire de ses sœurs. Et le marchand s’éloigne, à cheval, sur les routes.
    Au port, il apprendra du séquestre que ses créanciers ont été plus rapides que lui et que, de ses marchandises, il ne subsiste pas une. Il ne lui reste même pas de quoi coucher dans une auberge du port. Il lui faudra traverser, en pleine nuit, une forêt profonde. La brume commence.
On devine que le pauvre homme va perdre son chemin. Il le cherche, traînant son cheval par la bride, et aperçoit une lumière. Des branches s’écartent. Il pénètre dans une allée. Les branches se referment. Le voilà qui découvre peu à peu un immense château vide, hérissé d’énigmes, de candélabres qui s ‘allument tout seuls et de statues qui semblent vivre. Il s’y endort, repu de fatigue, devant une table peu rassurante, malgré les fruits et le vin. Un rugissement lointain le réveille et un cri de mort poussé par quelque animal. Il se sauve. Il s’égare. Il approche d’un bosquet de roses, il pense à la prière de Belle. Une rose est le seul cadeau qu’il soit en mesure de rapporter chez lui. Il en cueille une. C’est alors que l’écho qui lui renvoyait ses « hé là ! » et ses « il n’ y a personne », devient une voix terrible criant : « hé là ! ».
    Le marchand se retourne et voit la Bête. Son apparence est celle d’un grand Seigneur dont le visage et les mains sont d’un fauve. Et cette bête expose le mystérieux postulat du conte : « Vous avez volé mes roses, vous mourrez. A moins  qu’une de vos fille ne consente à mourir à votre place. »
    Il est fort probable que cette rose est le premier ressort d’un piège où doit venir se prendre Belle, de toute éternité.
    Le père rentrera chez lui sur un cheval nommé le Magnifique. Il suffit de lui dire à l’oreille : « Va où je vais, le Magnifique, va, va ,va. » Et le cheval est, sans doute, le second ressort du piège.
    Les sœurs tempêteront, Belle proposera de se rendre chez la Bête, le père refusera, Avenant se révoltera, mais une scène atroce brisera les nerfs du vieil homme et Belle profitera du tumulte pour se sauver la nuit, monter le Magnifique, murmurer les mots de passe et galoper vers le supplice.

     
    Chez la Bête, Belle n’aura pas le sort qu’elle attendait. Le piège fonctionne à merveille. La Bête l’entoure de luxe et de bontés. Car cette bête féroce est une bonne bête. Elle souffre de sa laideur et cette laideur émeut.
    Petit à petit, Belle y sera sensible, mais son père est malade. Un miroir magique le lui prouve. Elle tombe malade à son tour. La Bête finit par entrouvrir le piège . Belle obtient huit jours afin de se rendre chez son père sous promesse de
     

revenir. Plusieurs objets fées demeurent entre les mains de la Bête et composent les derniers secrets de sa puissance. Par confiance dans le cœur de la Belle, elle s’en dessaisit : son gant qui la transportera où elle veut ; une clef d’or qui ouvre le pavillon de Diane où s’entassent ses vraies richesses et auxquelles nul ne doit toucher, ni lui, ni elle jusqu’à sa mort.
    "Je connais votre âme, dit-il à Belle, cette clef me sera le gage de  votre retour."
    Chez son père, Belle excite, par ses parures, la jalousie de ses sœurs. Elles s’emploient à la caresser, à la duper par leurs fausses larmes, à l’empêcher de  partir. La chose faite, à la réduire de nouveau en esclavage. Belle a manqué à sa promesse. Elle n’ose plus rejoindre le château. Félicie et Adélaïde lui dérobent la clef d’or. Arrive le Magnifique. C’est tout ce qui reste à la Bête de sa magie. Le cheval et le miroir qu’il apporte. Sans doute est-ce un appel suprême de son pauvre amour.
    Ce n’est pas Belle qui enfourchera le Magnifique mais Ludovic et Avenant . Félicie et Adélaïde les poussent à tuer la Bête et à s’emparer de ses richesses. Elles leur remettront la clef d’or.
    Belle voit, dans le miroir, la Bête qui pleure. Chez elle il n’y a que solitude. Elle met le gant. Elle arrive au château. Où et la Bête ? Elle l’appelle, elle court, elle la cherche. Elle la trouve qui se meurt au bord de l’eau.
    Pendant ce temps, Ludovic et Avenant sont arrivés au pavillon de Diane. Ils n’osent se servir de la clef. Ils craignent quelque chausse-trape. Ils grimpent sur le toit du pavillon. Par ses vitres, ils voient le trésor, une statue de Diane et de la neige qui tournoie comme dans les boules de verre de notre enfance. Ludovic a peur, Avenant brise les vitres. Il est incrédule :" Du verre, c’est du verre , s’écrit-il. Ludovic se laissera pendre par les mains, il sautera dans la place et se débrouillera ensuite. Au bord de l’eau, Belle se lamente. Elle supplie la Bête de l’entendre. La Bête murmure : 
" Il est trop tard." Belle est bien près de lui dire : " je vous aime."
    Au pavillon, Avenant se laisse pendre par l’ouverture des vitres brisées. Alors la statue de Diane se meut, lève son arc, vise. La flèche se plante dans son dos. Ludovic épouvanté voit sa grimace d’agonie et son visage qui devient celui de la Bête. Il tombe.
    A cette minute, la Bête a dû se transformer sous le regard d’amour de Belle. C’est le regard d’amour d’une jeune fille qui devait dénouer le charme. Belle recule d’un bond car c’est un Prince Charmant qui se dresse devant elle, qui la salue et lui explique le prodige.
    Ce Prince Charmant ressemble singulièrement à Avenant et cette ressemblance trouble la Belle. Il semble qu’elle regrette un peu la bonne bête, qu’elle redoute un peu cet Avenant inattendu. Mais la fin d’un conte de fées est la fin d’un conte de fées. Belle s’apprivoise. Et c’est avec le Prince au triple visage qu’elle s’envolera vers un royaume où, dit-il, "vous serez une grande reine, vous retrouverez votre père et vos sœurs porteront la traîne de votre robe."



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      ANNEXE 5



LITTLE RED RIDING HOOD, RERUMINATED BY TOMI UNGERER ( 1974 ).




    "Once upon many times, in the middle of a godforsaken forest, there stood a castle. In that castle lived a wolf. The wood were dark and pathless, the castle was sumptuous, and the wolf, like all wolves, was mean, broody, and ferociously ferocious. His reputation was even worse than his deeds. He lives here all alone – for he was feared by everyone - but for a rookery of ravens employed in his service. Wifeless, heirless, with whiskers turning to silver, he spent his days scanning the woods for some juicy fare.
    One day, as he was gazing over a multitude of treetops from one of his many ramparts, there flew to him one of his watchcrows.
    "Master venerable, lordly Duke and beloved ruler," he cawed, "in a thicket, three miles due northeast, beyond the moor, below the barrens, I sighed a little girl, morsel of a maiden, picking berries off your domain. She is dressed in red all over like a stop sign.
    “"Well done, trusted lackey,"growled the wolf, smacking his flapping chops. "we shall settle the matter anon." Anon was right away and off went the wolf.
    The little girl in red, her name was – yes, you guessed it – Little Red Riding Hood. Not the one you might already have read about. No. This Little Red Riding Hood was the real, no-non-sense one, and his story is one-hundred-to-a-nickel genuine.
    She was as pretty as anything, pink and soft. Her braided blond hair shone like fresh bread, and birds could have flown off into the blue of her eyes. Besides, she had wit and sense. She was dressed in red because it was one of her mother’ outlandish notion that her daughter might always easily be spotted that way. Little Red Riding Hood didn’t mind. She thought it made her special.
    Little Red Riding Hood was on her way to deliver a weekly supply of food to her mean and cranky grandmamma, who lived in a rundown shack overlooking a greenish pond. The baskets she was carrying were heavy with three hog’s heads, two pints of rendered lard, two quarts of applejack, and two loaves of wrinkled bread. The old woman was a  retired diva whose voice had gone sour. She was filled with superstitions and believed staunchly that she would restore her  smithereened voice by eating pig’ heads – eyes, brains, and all. Her place was buzzing with flies who liked pigs’ heads, too, in summer especially.
    Little Red Riding Hood hated to go there. It was a hot and clammy day and her red Cheviot cape was itching and sticking to her back. The baskets were getting heavier and heavier, her arms longer and longer. Exhausted, she stopped in the cooling shade of the forest and starting picking fragrant berries.
    "I might just as well stop and be late and rest,” she reflected. “these baskets are so heavy they feel as if something is growing inside them. All I get for my trouble is blows and insults, anyway. Each time I get there she accuses me of things I haven’t done yet – that I guzzled off some of the applejack and nibbled at some pig’s snout, and so on and so forth, and so beside the point, the comma, and the asterisk. I still carry on my tender skin the bluish marks of the old woman beatings. And, here, look at the marks where she bit me in the shoulder last week. Vicious to the core, that’s what she is."
"Hullo there," growled a deep and raucous voice from behind a tree. It was the wolf, who had silently sneaked up on the trespassing child. “ Hullo, cute damsel dear, what brings you browsing in my very own berry bushes?"
"Well, ho, you startled me. But yes, good day, your Excellency,” replied the damsel dear. " You find me here picking berries for my impatient little belly, and I was on my way to deliver these baskets here, full of food, to my mean old grandmother who lives by the green fly pond, and besides I have noticed no
trespassing signs ever, so how could I know whose bushes I am molesting, noble Prince?"
"Coriander and marjoram, lady young, lady bright. Maybe you are sassy, maybe you are clever, but I fancy your bearing. These baskets seem heavy indeed. Ha!
     

Do you know what ? I shall help you carry them. I am strong and efficient and it’s a bleeding shame, if you ask me, to burden such a sweet little red maiden with loads like that. I know of your grandmother and all I can say is that her reputation is worse than mine."
"What is a reputation, noble Prince?" Queried our heroine.
"Call me Duke,” replied the wolf. " A reputation is what people think you are. Reputation comes in all sizes. Some are good, some are bad or very bad, like mine. Anyway, here is may plan, and it comes from somebody who has  far more experience of life than you. With my strong arms, I shall carry the baskets, not to your granny’s bungalow, but to my very own castle. Come along, I live lonely and bored. Come with me and I shall share with you my secrets and more of my secrets. My vault are plastered with treasures. You will sleep in satins and live in silk. My closets sag with brocade dresses on hangers of solid gold. Your winters will be wrapped in sable furs. My servants shall kiss the very ground you walk upon. I’ll make you happy, you’ll make me happy, as in a fairy tale."
There was a pensive silence and Little Red Riding Hood took three steps back in distrust.
"I was told wolves feed on little children. I don’t quite trust you, Mister Duke. You wouldn’t eat me, would you? With a big mouth like that, you could gobble me up in a jiffy and a spiffy, bones, cape, and all."
"Nonsense, child, mere slander, that is. Wolves feed only upon ugly children, and then only on special request," replied the beast with a sugar smile. " Never, ever would I do such a thing. Upon my mother’s truffle, never."
"But your jowls are enormous, they look scary, and those huge fangs, why do they twinkle like that ?" asked the girl unabashedly.
"Because I brush them every morning with powdered Tripoli."
"And your tongue? Why is it so pink ?"
"From chewing on rosebuds. Pink and red are my favourite colors," said the wolf.
"And why do—"
"Stop asking foolish questions”, interrupted the wolf. “We must get started if we want to reach my palatial abode before dark. Besides, questions are bad for your happiness. Come along.” said the wolf as he lifted the baskets. “Come along, there is an exotic library in my castle, and a splash of swimming pool in my tropical green-house."
"But I cannot swim," said Little Red Riding Hood. "And what happens to my parents and my mean grandmother?"
"Read the end of the story and you’ll find out," said the wolf. "We shall send your parents post cards and invite them to the wedding. Your grandmother is old enough to take care of herself, and if you cannot swim, all we have to do is empty the swimming pool."
Off they went to live happily ever after. They did get married and they had all sorts of children who lived happily, too.
And the grandmother? Left without food, she shrank and shrank, until she was just six inches high. When last seen, she was scavenging someone’s larder in the compagny of a Northway rat. And, tiny and hungry, she was just as mean as ever.


"Life is not measured by the number of breaths we take,
but by the moments that take our breath away."

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#5 2009-06-27 16:29:54

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

BIBLIOGRAPHIE




I – OUVRAGES DE REFERENCE DU CORPUS :



- ABBE BIGNON, histoire de la princesse Zeineb et le roi Léopard, ( 1714 ), la version utilisée sera celle reproduite dans son intégralité dans l’anthologie Si les fées m’étaient contées... 140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau, édition établie et présentée par Francis Lacassin, éditions Omnibus, 2003, pp. 531 à 536.
- ANGOT Christine, Peau d’âne, éditions Stock, 2003.
- CARTER Angela, la compagnie des loups, ( 1979 ), traduit de l’anglais par Jacqueline Huet, éditions du seuil, collection « points », 1997.
- CHEVILLARD Eric, le vaillant petit tailleur, Paris, les éditions de minuit, 2003.
- GRIMM, Contes, traduction de Marthe Robert, Paris, éditions Gallimard, collection « Folio classiques », 1976.
- GRIMM, Le petit Chaperon rouge et autres contes, Paris, Flammarion, collection « étonnants classiques », 1999.
- MADAME DE VILLENEUVE, la Belle et la Bête, édition établie par Jacques Cotin et Elisabeth Lemire, Gallimard, Le Promeneur, 1996. La version utilisée du conte de la Belle et la Bête sera celle figurant dans l’ouvrage Si les fées m’étaient contées…140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau, édition établie et présentée par Francis Lacassin, éditions Omnibus, 2003, pp.767 à 815.
- MADAME LEPRINCE DE BEAUMONT, le Magazin des Enfans, ou dialogues entre une sage gouvernante et plusieurs de ses élèves de la première distinction, 1756. La version utilisée du conte de la Belle et la Bête  sera celle figurant dans l’ouvrage Si les fées m’étaient contées…140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau, édition établie et présentée par Francis Lacassin, éditions Omnibus, 2003, pp.955 à 965.
- PERRAULT Charles, Histoires ou contes du temps passé, ( 1697 ), Paris, éditions Garnier Frères, 1947.
- PERRAULT Charles, contes de Perrault, (1697), édition de Gilbert Rouger, Paris, Garnier, 1967.
- PERRAULT Charles, Contes, (1697), édition critique de Pierre Colinet, Paris, éditions Gallimard, 1981. ( édition utilisée )
- Si les fées m’étaient contées…140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau. Edition établie et présentée par Francis Lacassin, éditions Omnibus, 2003.



- OUVRAGES DU CORPUS EN LANGUE ETRANGERE :


- BRÜDER GRIMM, Ausgewählte Kinder- und Hausmärchen, Deutschland, Reclam und Universal-Bibliothek, 1999.
- CARTER Angela, the Bloody Chamber and others stories, (1979), London, Vintage, 1995.
- UNGERER Tomi, A Story book from Tomi Ungerer, Little Red Riding Hood, New York: Franklin Watts, 1974.



II – OUVRAGES GENERAUX:


- BRUNEL Pierre, le mythe de la métamorphose, éditions Armand Colin, 1974.
- DURAND Gilbert, Champs de l’imaginaire, textes réunis par Danièle Chauvin, éditions Ellug, université Stendhal de Grenoble, collection « ateliers de l’imaginaire », 1996.
- ECO Umberto, Lector in fabula, (1979), éditions Grasset, le livre de poche, collection « biblio essais », 1985.
- ELIADE Mircea, Aspects du mythe, Paris, éditions Gallimard, 1963.
- GENETTE Gérard, Palimpseste, la littérature au second degré, éditions du seuil, collection  « essais », 1982.
- OVIDE, les métamorphoses, édition de Jean Pierre Néraudau, traduction de Georges Lafaye, éditions Gallimard, Folio classiques, 1992 .
- ROBERT Marthe, Roman des origines et origines du roman, (1972), Paris, éditions Gallimard, collection « tel », 2000.



III – ETUDES GENERALES SUR LE CONTE DE FEES :


- BETTELHEIM Bruno, psychanalyse des contes de fées, (1976), éditions Pocket, 1999.
- BREMOND Claude, logique du récit, éditions du Seuil, collection  « poétique », 1973.
- CARLIER Christophe, la clef des contes, Ellipses, collection « thèmes et études », 1998.
- DELARUE Paul, Le catalogue raisonné du conte populaire français, Maisonneuve et Larose, 1951.
- DE PALACIO Jean, les perversions du merveilleux, ma Mère l’Oye au tournant du siècle, nouvelles éditions Séguier, 1993.
- PROPP Vladimir, Morphologie du conte, éditions du seuil, collection « essais », 1970.
- ROBERT Raymonde, le conte de fée littéraire en France de la fin du XVIIè à la fin du XVIIIè siècle, Presses universitaires de Nancy, 1982.
- SORIANO Marc, les contes de Perrault. Culture savante et tradition populaire, éditions Gallimard, NRF, Bibliothèque des idées, 1968.
- Tricentenaire Charles Perrault. Les grands contes du XVIIè siècle et leur fortune littéraire, sous la direction de Jean Perrot, collection « lectures d’enfance », éditions In Press, 1998.
- Tomi Ungerer. Prix Hans Christian Andersen 1998, sous la direction de Jean Perrot, collection « lectures d’enfance », éditions In Press, 1999.
- Le renouveau du conte, colloque international de février 1989, édité par Geneviève Calame-Griaule, éditions du CNRS.
- Contes : l’universel et le singulier, publié sous la direction de André Petitat, Actes du colloque Contes et théories du récit tenu à l’Université de Lausanne en octobre 2000, Editions Payot Lausanne - sciences humaines, 2002.



IV - OUVRAGES SUR LA FEMME ET LES CONTES :


- BELOTTI Elena Gianini, du côté des petites filles, (1973), Editions des femmes, collection  « pour chacune », 1974.
- PEJU Pierre, la petite fille dans la forêt des contes, Paris, éditions Robert Laffont, collection  « réponses », 1981.
- PIAROTAS Mireille, des contes et des femmes, le vrai visage de Margot, éditions Imago, 1996.
- VON FRANZ Marie-louise, la femme dans les contes de fées, éditions la fontaine de Pierre, 1979.
- Femmes et littérature. Actes du colloque des universités de Birmingham et de Besançon, études réunies par Philippe Baron, Dennis Wood et Wendy Perkins, Presses universitaires Franc-comtoises, diffusé par les Belles Lettres, collection  « annales littéraires », 2003.



V – OUVRAGES SUR LA SUBVERSION :


- DOUGLAS Virginie, La subversion dans la fiction non-réaliste contemporaine pour la jeunesse au Royaume-Uni ( 1945-1995), thèse présentée et soutenue publiquement le 8 décembre 2001 à l’université Paris IV-Sorbonne, Quatrième partie : jeux littéraires, créativité et subversion.
- DUFRENNE Mikel, Subversion, perversion, Presses Universitaires de France, collection « politique éclatée » dirigée par Lucien Sfez, 1977.
- JACKSON Rosemary, Fantasy : the literature of subversion, London: Methuen, 1981.
- LURIE Alison, Don’t Tell the Grown ups !, Ne le dites pas aux grands, (1990), traduit de l’américain par Monique Chassagnol, éditions Payot & Rivage, 1999.
- ZIPES Jack, les contes de fées et l’art de la subversion, traduit de l’anglais par Françoise Ruy-Vidal, Paris, Payot, 1983.
- Figures de la subversion. Annales de l’université de Savoie, numéros 26 /27, décembre 1999.



V – OUVRAGES ET ARTICLES CRITIQUES SUR NOS TROIS CONTES :
   
Lectures du petit Chaperon rouge :



- DE LA GUENARDIERE Claude, Encore un conte ? Le petit Chaperon rouge à l’usage des adultes, Presses universitaires de Nancy, 1993.
- ORENSTEIN Catherine, Little Red Riding Hood Uncloaked : Sex, Morality and the Evolution of a Fairy Tale, New York, Basic Books, 2002.
- VERDIER Yvonne, le petit Chaperon rouge dans la tradition orale, in « le débat », numéro 3, juillet-août 1980.
- The Trials and Tribulations of Little Red Riding Hood, edited by Jack Zipes, second edition, Routledge , New York and London, 1993.
- Etudes britanniques contemporaines. Revue de la Société d’Etudes Anglaises Contemporaines, congrès de la SEAS à Chambéry en mai 1998, numéro 18, juin 2003.
- Etudes Britanniques Contemporaines. Revue de la Société d’Etudes Anglaises Contemporaines, congrès de la SEAS à Angers en mai 2000, numéro 20, juin 2001.
- Etudes Britanniques Contemporaines. Revue de la Société d’Etudes Anglaises Contemporaines, colloque de la SEAC à Tours en novembre 2001, numéro 23, décembre 2002.
- Jeux graphiques pour l’album pour la jeunesse, actes du Congrès international, Argos, 1991, reproduit dans le catalogue de l’exposition le petit Chaperon rouge dans tous ses états, les plateaux, Angoulême, 1992.


Lectures de Peau d’âne :
   
- DEMORIS René, du littéraire au littéral dans « Peau d’âne » de Perrault, in  « Revue des sciences humaines », Lille III, numéro 166, avril-juin 1977.
- FROMAGE Henri, un conte mythologique peu exploité : Peau d’âne, in Bulletin de la société de mythologie française, janvier-mars 1970.
- Peau d’Ane de Jacques Demy, par Serge Daney, article des Cahiers du cinéma numéro 229, mai-juin 1971, in La politique des auteurs, volume IV Petite anthologie des Cahiers du cinéma, textes réunis et présentés par Antoine de Baecque avec la collaboration de Gabrielle Lucantonio, 2001.


Lectures de la Belle et la Bête :


- BARCHILON Jacques, le conte merveilleux français de 1690 à 1790,  chapitre I, « la Belle et la Bête ou le passage d’un mythe au conte de fées », Champion, 1975.
- COCTEAU Jean, la Belle et la Bête, journal d’un film, (1958), éditions du rocher, 1989.
-  COCTEAU Jean, le cinématographe, éditions du rocher, 2003.
- La Belle et le Bête, scénario et dialogues. Texte établi et annoté par Robert Hammond, Le Cri éditions.
- La Belle et la Bête, quatre métamorphoses, textes établis et annotés par Sophie Allera et Denis Reynaud, publication de l’université de Saint-Étienne, collection  « Textes et Contre-Texte », 2002.



VI – FILMOGRAPHIE :

- La Belle et la Bête, (1946), réalisé par Jean Cocteau, produit par André Paulvé, collection «René château video, mémoire du cinéma français ».
- La Belle et la Bête, ( 1991 ), réalisé par les studios Walt Disney, scénario de Roger Allers, Buena Vista home Vidéo, produit en association avec Silver Screen Partners TV.
- La compagnie des loups, ( 1985 ), réalisé par Neil Jordan et co-scénarisé par Angela Carter, produit par Chris Brown et Stephen Wooley, Warner Home Video.
- Le dernier petit Chaperon rouge, ( 1996 ), court métrage réalisé par Jan Kounen, scénario de Carlos de Boutiny et Jan Kounen, production «  La petite Reine », Tawak Pictures, Canal Plus et Arte.


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but by the moments that take our breath away."

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#6 2009-06-27 17:44:43

Stegg
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Wahou!!!!!! merci chaperon de nous faire profiter de ton mémoire. smile

Je crois bien que je ne verrais plus les contes de la même façon, ni leur réécritures... C'est aussi instructif que passionnant.


Vous ne pouvez pas construire un monde meilleur pour les gens. Seuls les gens peuvent conduire un monde meilleur pour les gens. Sinon, c’est juste une cage. Terry Pratchett
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#7 2009-06-27 17:46:05

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Un grand merci Stegg !!! big_smile
C'est pas trop rébarbatif quand même ?

Ah, il y a tant et tant à dire sur les contes, c'est magique !!!!


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#8 2009-06-27 17:48:46

Stegg
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Chaperon Rouge a écrit:

Un grand merci Stegg !!! big_smile
C'est pas trop rébarbatif quand même ?

Ah, il y a tant et tant à dire sur les contes, c'est magique !!!!

Meuh non, c'est pas rébarbatif...

Bien au contraire, c'est captivant.

Un grand merci à toi pour tout ça.


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#9 2009-07-01 12:44:53

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Euh.. je me demandais, en fait surtout à toi stegg qui la lu, c'est grave que je n'ai pas traduit les citations en anglais ? tu crois qu'il faudrait mieux que je le fasse à l'occasion (genre avant une potentielle mise en ligne) ou y a pas besoin ?


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#10 2009-07-01 13:57:57

Stegg
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

N'étant pas fortiche en Anglais, je serais pour une traduction. Après, on comprend où tu veux en venir quand même donc ça me semble pas causé de soucis.


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#11 2009-07-01 14:55:47

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Ok, je te remercie. Bon, je ne mets pas cela en priorité, vu ce qu'il y a à faire à côté en ce moment, mais je le note quand même alors.


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#12 2009-07-05 18:40:36

Ragle Gumm
Obsédé par la lecture
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Alors là, chapeau ! (ou plutôt chaperon dans ton cas). J'en ai la mâchoire (de loup) qui se décroche. Je t'avoue n'avoir fait pour l'instant que survoler ce dossier car j'ai du mal à lire des textes aussi longs sur un écran (pépé se fait vieux, il doit maintenant mettre un doigt sous chaque mot pour lire et sur un écran de PC ça laisse de vilaines traces grasses surtout après que pépé se soit fait des tartines au beurre de cacahuètes en oubliant qu'on devait se servir d'un couteau c'est ben triste la vieillesse ma bonne dame :)).

Je vais plutôt l'imprimer et je le lirai "à tête reposée" comme on dit. Tout cela a l'air bien instructif.

Et, par ailleurs, le pauvre autodidacte au modeste parcours scolaire que je suis ignorais que tu étais une universitaire (respect, respect, Maître Chaperon ès littérature comparée, bigre !)
J'suis inprésioné à c'te point que j'arive pu à écrire korect te ment et qu'mes théma à mouai, ben c'est rien qu'du pipi d'chat, faut dire c'qui est.
:)

Ah oui, au fait, comme vous l'aurez remarqué : I'm back (sans les lunettes noires et le fusil à pompe)

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#13 2009-07-06 10:42:24

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Ragle, toi ici !!!!
Qué bonheur !! big_smile

Ca fait bien plaisir de te revoir, tu nous a manqué !

Bah merci pour ton petit mot, mais tu sais, c'est pas vraiment un dossier, cela reste un mémoire que j'ai choisi de ressortir ici plutôt que de le laisser moisir dans un placard.  J'ai donc beaucoup moins de mérite à poster ici un travail accompli dans le cadre de mes études, à côté de dossiers fait véritablement pour le site, avec des recherches "bénévoles" dans le but de constituer un vrai dossier thématique complet et intéressant..

Disons que ce sont deux choses bien différentes.
Et mon travail reste très didactique, sans une once d'humour (sont pas trop des marrants les profs) et assez pesant.
pas forcément très agréable à lire disons...  roll

mais bon, cela peut intéresser quelques personnes alors je l'ai proposé à la lecture.

par contre, mea culpa, je reconnais que c'est complètement imbuvable vu la longueur... je remercie donc d'autant plus les courageux qui le survolent !! ^^


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#14 2009-07-07 14:18:39

Ragle Gumm
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Chaperon Rouge a écrit:

Ragle, toi ici !!!!
Qué bonheur !! big_smile

Ca fait bien plaisir de te revoir, tu nous a manqué !

Merci, merci. Vous me manquiez aussi (pas trop fort les violons svp, on n'entend plus le bruissement des roses) smile

Et mon travail reste très didactique, sans une once d'humour (sont pas trop des marrants les profs) et assez pesant.
pas forcément très agréable à lire disons...  roll

On a pas droit à l'humour dans une thèse ? Quelle tristesse. sad
Je pense que, me connaissant, j'aurais eu beaucoup de mal à écrire une thèse universitaire sans y glisser quelques ignomineuses touches de dérision. Pas de regrets, finalement...

En fait, je n'ai jamais lu une seule thèse de ma vie et quitte à le faire, j'aime autant que ce soit sur les contes de fées que sur l'économie.

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#15 2009-12-08 16:39:08

falline
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

Ayant enfin achevé la lecture de ton mémoire (sur papier smile ) voici ma première impression : félicitations, quel beau travail instructif et très intéressant. J'ai appris plein de choses et notamment que les contes remontaient, pour certains d'entre eux à la mythologie!! Les contes ayant bercé toute ma petite enfance, ils m'ont toujours captivée, (et pas que les contes de fées smile ), et je suis contente qu'ils aient leur place à l'Université.
             Cependant ton passionnant mémoire ma donné à réfléchir : les textes de fantasy ne sont ils pas des contes au fond? après tout le héros est souvent un jeune garçon (et bon d'accord de plus en plus une fille) qui part pour une quête qui lui a été plus ou moins  (plutôt plus d'ailleurs) imposée et au cours de laquelle il finit par se trouver (ou se perdre parfois). je me demande m^me si à mes yeux ce n'est pas ce qui différencie la fantasy de la science fiction ou du fantastique : dans la fantasy il y a toujours une quête de soi même, quête qu'il me semble que l'on retrouve dans le conte. Le récit n'est pas gratuit, son auteur/conteur a un but d'édification des foules. Il me semble que le but de la SF ou du Fantastique est autre.
Enfin, encore félicitations Chaperon, j'espère que tu as eu une super note smile


Ne mourrez pas avant que la mort vienne

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#16 2009-12-08 17:13:26

Chaperon Rouge
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Re: Dossier Contes de Fées - Partie 3 (fin)

falline a écrit:

Ayant enfin achevé la lecture de ton mémoire (sur papier smile ) voici ma première impression : félicitations, quel beau travail instructif et très intéressant. J'ai appris plein de choses et notamment que les contes remontaient, pour certains d'entre eux à la mythologie!! Les contes ayant bercé toute ma petite enfance, ils m'ont toujours captivée, (et pas que les contes de fées smile ), et je suis contente qu'ils aient leur place à l'Université.
             Cependant ton passionnant mémoire ma donné à réfléchir : les textes de fantasy ne sont ils pas des contes au fond? après tout le héros est souvent un jeune garçon (et bon d'accord de plus en plus une fille) qui part pour une quête qui lui a été plus ou moins  (plutôt plus d'ailleurs) imposée et au cours de laquelle il finit par se trouver (ou se perdre parfois). je me demande m^me si à mes yeux ce n'est pas ce qui différencie la fantasy de la science fiction ou du fantastique : dans la fantasy il y a toujours une quête de soi même, quête qu'il me semble que l'on retrouve dans le conte. Le récit n'est pas gratuit, son auteur/conteur a un but d'édification des foules. Il me semble que le but de la SF ou du Fantastique est autre.
Enfin, encore félicitations Chaperon, j'espère que tu as eu une super note smile

Merci beaucoup Falline !! Merci à tous points de vue, et surtout merci d'avoir pris le temps de me lire, ca me touche beaucoup, tu sais.

Et tu as tout à fait raison, la fantasy est l'héritière du merveilleux, lui même héritier des contes de fées.
Ces quêtes, ce temps indéfini du passé, les rites initiatiques, les épreuve, le bestiaire merveilleux etc. On et est a plupart du temps dans le registre du conte.

Et même parfois la SF aussi

Regarde Star Wars par exemple, cela début par le il était une fois ("Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, ...") et ensuite, tous les codes du contes sont présents.
C'est l'un des grands archétypes de la littérature et tous les genres liés au merveilleux sont liés au conte.


Encore merci falline !! big_smile

(et pour te répondre, oui, j'ai eu la mention très bien avec 18/20 , j'étais très heureuse ! Et au fond, c'est d'ailleurs pour cela que je le mets en ligne, je me dis que cette note donnée par un prof de fac doit vouloir dire que je n'ai pas raconté trop de bêtises et donc que je peux le faire lire ! Sinon j'aurais vraiment  hésité, lol !)


"Life is not measured by the number of breaths we take,
but by the moments that take our breath away."

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