Si les fées m'étaient contées...
140 contes de fées de Charles Perrault à Jean Cocteau

A tous les amoureux de contes de fées et de merveilleux, cette très belle anthologie réalisée par les éditions Omnibus est faite pour vous. Tous les grands textes francophones fondateurs du conte de fées sont ici regroupés de manière à offrir à nos mirettes émerveillées tout un panorama extrêmement soigné, complet et intelligemment construit de l'évolution du genre, du XVIIè siècle à nos jours.
Outre les grands classiques tels que le Petit Chaperon Rouge, la Belle au Bois Dormant de Perrault ou la Belle et la Bête de Mmes de Villeneuve et le Prince de Beaumont, on peut trouver ici de véritables perles rares telles que l'Histoire de la princesse Zeineb et du roi léopard de l'Abbé Bignon (une réécriture orientalisante et sensiblement misogyne du conte de la Belle et la Bête !). Mais je ne pourrais pas vous citer tous les contes que vous découvrirez sans doute pour la première fois, la liste serait trop longue !
Le parcours au coeur de l'histoire du merveilleux se fait tout en douceur et au fil des récits, nous découvrons des contes d'auteurs tels que Fenelon, Jules Verne, Jean Lorrain, Voltaire, Balzac, Gérard de Nerval, Anatole France, Guillaume Appolinaire ou encore Jean Cocteau : des auteurs qui ne sont pas forcément à proprement parler des conteurs mais qui nous offrent une vision de ce qu'est pour eux ce genre littéraire si particulier et qui évolue en accord avec le style, les convictions ou l'art poétique de tous ces écrivains aux identités littéraires si fortement marquées. Cette plongée au coeur du conte de fées francophone se double ainsi d'une plongée au coeur de l'histoire littéraire et de l'art d'écrire de tous ces grands maîtres et nous convie à une délectable et fascinante immersion dans le monde de la féerie, des mythes et des légendes grâce à la création d'un cortège impressionnant de créatures et de personnages plus colorés les uns que les autres.
Innovations et réécritures se côtoient d'un siècle à l'autre et l'on voit peu à peu se tisser tout un réseau de filiation, d'héritage, d'archétypes, de reprises et de rejets. Les siècles et les contes se succèdent, tous différents dans leurs préoccupations et leurs styles, mais aussi tous semblables dans leurs volonté de pérenniser et d'enrichir un folklore et un patrimoine littéraire extrêmement riches et essentiels à la survie littéraire des siècles passés.

Si les fées m'étaient contées joue donc constamment sur ce double aspect et se lit à la fois comme un recueil de contes ainsi que comme un miroir des siècles passés et de la fécondité et de la mixité littéraire qui ont toujours régnés. L'humour côtoie le tragique, la légèreté succède à la douleur et le merveilleux devient le contre-pied de la décadence. La raison des lumières se cherche dans un surnaturel effrayant et le XIX siècle se trouble dans l'attraction parfois délétère de ces troublantes créatures de féeries. La pédagogie et la morale affichées des premiers temps cède peu à peu la place à un sens caché et plus subversif et le conte se fait soudain cruel, tentateur, subversif jusqu'à la perversité mais aussi parfois moraliste et misogyne. C'est tout un panel des sentiments qui animent l'être humain et la littérature que ressuscitent sous nos yeux ces maîtres classiques de la prose et de l'écriture de l'âme humaine.
Si les fées m'étaient contées est donc une excellente anthologie. Instructive, certes, mais aussi et avant tout une superbe invitation à un voyage sans fin au coeur du merveilleux et des contes de fées. Du charme désuet de Charles Perrault au modernisme de Jean Cocteau, vous n'avez pas finit de rêver, et cela, c'est sans doute le plus beau cadeau que pouvait nous offrir Omnibus...

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Chaperon Rouge