Monk
Numéro 1 - Thème : Rouge

La naissance d'une nouvelle revue consacrée à l'imaginaire (ici uniquement fantastique et merveilleux) est un événement d'une extrême importance pour tous les amoureux de cette littérature. Alors quand en plus les créateurs - disons plus exactement ici les créatrices - font le pari un peu fou de lancer une revue papier trimestrielle plutôt que de jouer la facilité de la web-revue, on ne peut que saluer bien bas l'initiative avant même d'avoir l'objet entre les mains ! Ajoutons à cela une marraine d'exception, Estelle Valls de Gomis, trois jeunes femmes pleines de motivation et des projets plein la tête, un nom original qui vous propulse tout de suite dans une fantasmagorie "lewissienne" et un objet de qualité, sobre, soigné et esthétique, secouez tout et vous avez le tout premier numéro de Monk dont je vais essayer de vous parler ici.
Ce premier numéro de Monk a pour thème "Rouge", un thème infiniment riche de possibilité et de sens. La couleur primordiale, le sang, le sexe, le feu, l'amour, la haine, la rousseur, le fantasme... Autant de symboliques que ses nuances sont grandes. Mais aussi un thème qui semble avoir considérablement inspiré nos auteurs car pour son premier numéro, Monk nous propose un sommaire à faire pâlir d'envie la plus confirmée des revues actuellement sur le marché. Pas un nom ne sera ici inconnu à quiconque s'intéresse au fantastique, allant même jusqu'à placer côte à côte Estelle Valls de Gomis et Charlotte Bousquet ! Petite visite guidée de ce premier numéro :
Premier constat quand on a Monk entre les mains : la revue est particulièrement soignée, sobre et aborde une allure semi-professionnelle tout fait intéressante et prometteuse : papier épais, gris clair, mise en page soignée et aérée, dos carré-collé et épaisseur alléchante, Monk donne d'emblée l'eau à la bouche. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié l'illustration en couleur - rouge bien entendu - de Fablyrr, collée sur la couverture qui donne un petit côté artisanal à la revue. Monk est une revue amateure et ce clin d'oeil nous le rappelle pour notre plus grand plaisir, sans quoi nous aurions presque pu l'oublier...
On débute par un court édito de Léonor Lara qui annonce la couleur (sans vilain jeu de mot) par un style d'emblée élégant et un propos intelligent. Vient ensuite le premier volet de la rubrique "pages dérobées à la correspondance de..." qui fera s'entretenir dans chaque numéro un auteur avec son personnage de fiction favori. C'est Estelle valls de Gomis qui ouvre aujourd'hui la danse avec quelques pages adressées à un Vampire de son coeur, le beau et énigmatique Lestat. Un texte fort intéressant bien dans la veine très délicate et XIXè siècle d'Estelle Valls de Gomis, un bel hommage rendu à Anne Rice et à son célèbre vampire mais aussi de très beaux mot d'une auteure sur son travail, son inspiration et sur le moteur de son écriture. Une excellente initiative que cette rubrique qui nous promet à coup sûr de très belles pages à venir !
Viennent ensuite les nouvelles, illustrées avec grand talent par Fablyrr, un artiste que l'on voit oeuvrer assez fréquemment dans différentes revues. Son travail s'accorde ici parfaitement avec l'ambiance générale du numéro et le choix d'un seul illustrateur par opus, même s'il peut surprendre, me paraît tout à fait justifié car il permet à un illustrateur de montrer plusieurs facettes de son travail. Ici, le résultat est parfait.

La Mémoire de l'Orchidée
(Auteur : François Fierobe)

François Fierobe ouvra le bal avec une nouvelle extrêmement riche et stylistiquement très soignée. Il existe quelque part une drogue capable de vous faire voir le monde en rouge. Une Orchidée très rare dont les sucs vous offrent une expérience inoubliable. Seulement, il n'existe que peu de traces des effets réels de cette drogue, très peu de personnes semblent avoir pu raconter leurs hallucinations. Seriez-vous prêt à tenter l'expérience ? La Mémoire de L'Orchidée nous plonge d'emblée dans la thématique de ce numéro. Rouge est le texte de François Fiérobe, riche est son vocabulaire ! Je crois n'avoir jamais vu autant de synonymes du mot rouge un jour réunis en un seul texte ! Dois-je avouer que j'étais loin de les connaître tous ? En tout cas le résultat est bluffant : très bien écrite et à l'intrigue fort maîtrisée, cette première nouvelle ouvre le bal sur un rouge obsédant et merveilleux à la chute surprenante. Une belle réussite !

Sang visage
(Auteur : Nicolas F. J. Bally)

On poursuit avec un texte plus peu classique et plus bref qui nous propose le rouge comme la couleur du cauchemar. La vraie couleur du cauchemar, celui dont en tremble encore une fois réveillé. Une bonne nouvelle efficace mais un peu brève qui installe une atmosphère onirique oppressante et désagréable. Une écriture soignée dont on aurait aimé en lire un peu plus.

Krassnaïa
(Auteur : Marianne Lesage)

Krassnaïa, en russe, cela veut dire "belle" mais surtout "rouge". Un adjectif qui colle parfaitement à la superbe actrice aux cheveux de feu qui vient de faire son apparition dans le hollywood des années 35-40, la femme fatale incarnée, Lili, la beauté rouge. L'actrice déchaîne les passions les plus folles et le rouge est ici condensé dans un seul élément, la chevelure de feu de Lili. Mais une évocation assez précise et imagée pour que ce simple détail transcende l'intégralité de la nouvelle et la pare de nuances écarlates. Un fort beau texte qui mise avant tout sur l'ambiance et le style, une écriture simple et toute en nuances qui nous offre un texte dense teinté de polar et de film noir. Un texte pas forcément des plus originaux dans sa chute mais qui possède une ambiance vraiment novatrice et prenante et qui saisit pas son ambiance rétro et sophistiquée. Une fois encore Marianne Lesage nous offre un fort beau morceau d'écriture...

Maître Sonaelq est de sortie
(Auteur : Timothée Rey)

Une courte nouvelle plutôt agréable qui reste pourtant à mes yeux un peu en-dessous du niveau global de ce premier numéro. Maître Sonaelq sort discrètement de chez lui en pleine nuit, comme à son habitude, pour rendre visite à certaines dames aux moeurs légères de sa connaissance. Mais Libilia n'est plus là. A sa place de jeunes filles rousses, toutes plus séduisantes les unes que les autres, mais la soirée ne se déroulera pas comme Maître Sonaelq aurait pu l'espérer... Une nouvelle un peu trop classique et prévisible dont la brièveté vient renforcer le caractère "éphémère". Un texte que l'on oublie malheureusement trop vite.

No Man's Land
(Auteur : Franck Ferric)

Deux prisonniers enchaînés l'un à l'autre jetés au beau milieu d'un désert peuplé d'effrayantes créatures. S'ils parviennent à atteindre l'autre côté vivants, ils seront libres ; sinon, c'est la mort assurée. Un texte lourd, brûlant, chargé, qui offre une grande sensation de vide au lecteur. On est abandonnés, desséchés, assoiffés, désespérés mais pourtant emportés par une insidieuse folie à l'instar des personnages de Franck Ferric. Une bonne nouvelle à glacer le sang même si l'élément rouge se fait ici particulièrement discret.

D'or et de sang
(Auteur : Charlotte Bousquet)

Pour Charlotte Bousquet, le rouge c'est la couleur de l'arène, la couleur qui excite le taureau et qui inaugure cette danse virevoltante et cruelle, cette danse à mort entre l'homme et la bête. Le style de l'auteure est ici impeccable, l'adjectif est toujours précis, soigné et l'ambiance de la corrida est rendue à merveille, toute d'or de sang, cruelle et somptueuse dans son horreur. Quand à l'intrigue, on se demande bien où elle va, où est le fantastique, et lorsque l'on comprend, la nouvelle prend toute son ampleur. Un magnifique texte plein d'humanité, éclatant, paré d'or et d'écarlates, qui saisit le lecteur profondément. Le thème impose sans doute cette prise de conscience, mais l'écriture de Charlotte Bousquet sublime son sujet.

Les Autres
(Auteur : Justine Niogret)

Une orpheline perdue et solitaire en temps de guerre dans un orphelinat. Les Autres, ces enfants qui partent vers des parents tandis qu'elle reste indéfiniment au même endroit avec dans le coeur ce manque, ce désir enfoui, ce désir inavoué et inavouable. Un texte plein de tristesse, froid et torturé, où les créatures monstrueuses naissent au coeur de situations atroces, où les bourreaux deviennent les victimes et inversement et où plus rien n'a finalement de sens. Dans cette prise de conscience douloureuse de la différence, Les Autres, nous propose une vision particulièrement sombre d'un thème classique. Une vision très personnelle et vraiment intéressante qui laisse le lecteur troublé et déconcerté. Un très beau texte.

Double, rouge, impair et passe...
(Auteur : Estelle Valls de Gomis)

On termine ces huit nouvelles par un texte d'Estelle Valls de Gomis, une nouvelle extrêmement délicate et sensible, empreinte de cette élégance stylistique qui caractérise son écriture. Entre dandysme et vampirisme, c'est ici la Vie et la Mort qui entrent en scène, et notamment la Mort qui aspire à voir enfin un jour son image. Une excellente nouvelle qui m'a parfois rappelé certains accents de Léa Silhol, allez savoir pourquoi ! Un texte romantique et esthétique qui fait honneur à la marraine de Monk et qui clôt avec talent et élégance ces huit textes aux riches couleurs de rouge.

Tel un nuancier, Monk nous a donc proposé au cours de ces 64 pages, huit "éclats de rouge" donnant le ton à ce premier numéro. D'abord déconcertant, ce thème est au final vraiment bien choisi car il donne une réelle identité à la revue. Le rouge est aussi visuel que sensitif et chaque auteur a su lui donner une tonalité, une nuance bien particulière selon sa sensibilité littéraire. Au final, ce premier numéro surprend par sa qualité et son unité. On referme la revue avec un sentiment de satiété, de cohérence, de dépaysement et de complète satisfaction. Une vraie réussite pour ce premier numéro !
Reste plus qu'à espérer que les prochains numéros seront aussi bons et que Monk saura tenir le cap avec une barre placée d'entrée de jeu aussi haute ! En attendant la suite, je remercie chaudement toute l'équipe de Monk pour cette belle aventure et pour la qualité de leur travail et merci à tous les auteurs pour leurs beaux textes. Longue vie à Monk !

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Chaperon Rouge



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- Site de l'éditeur : http://www.revue-monk.com/.

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