Ecriture. Mémoires d'un métier
(On Writing a memoir of the craft)
JJai toujours trouvé émouvant quand un écrivain, par le biais d'un livre, ouvre ses portes pour nous montrer tous ces coins secrets, ces choses que l'on ne sait pas, que l'on ne voit pas forcement dans ses ouvrages. Et quand c'est Stephen King qui le fait... Emotion, simplicité, humilité et facilité sont les maîtres mots de ces mémoires d'un métier.
Ce monument de la littérature fantastique abonné aux Best-sellers, génie des situations et des ambiances les plus macabres, ne se décrit pas sur 15 tomes, non, ce ne sont que quelques petits paragraphes absolument fabuleux qui suffisent presque à nous faire comprendre qui est le King.
Ce petit "bouquin" se divise en deux parties pas vraiment distinctes et pour cause : la vie de l'écrivain et comment écrire. On comprend en lisant ces mémoires que cela revient à la même chose, l'écriture comme un second souffle, l'écriture comme une respiration, l'écriture comme la vie.
Etrangement, les souvenirs que Stephen King a de son enfance sont assez flous : la maladie, la pauvreté et les livres. Mais l'auteur de Carrie se raconte ici, sans faux semblants, sans détours, simplement. Et il revient alors sur ces parties sombres, atroces de sa vie : l'alcool. On a peine à croire aujourd'hui que King a écrit son premier roman, tout défoncé comme on dit (il n'y a pas que l'alcool dans la vie du King il y a aussi la drogue malheureusement), sa machine à écrire sur les genoux, dans une petite blanchisserie ou bien dans une vieille caravane. Et puis viennent les premiers vrais contrats et surtout Shining, qui semble compter pour le maître. Il écrit, il relit et il se rend compte que c'est lui, là, sur le papier. Voilà comment est faite la vie de Stephen King. Mais ces mémoires sont extrêmement touchantes car surtout il y a une femme, dans l'ombre et peut-être la seule chose qui compte pour ce grand auteur (à part l'écriture bien évidemment), une femme a qui il doit sa vie : Tabita, sa fidèle épouse, qui l'aide, le conseille. Il faut absolument lire ce superbe chapitre plein d'émotion sur sa première lectrice. Tout simplement sublime. Car même si ici le verbe de King n'est pas le même que dans ces romans, on comprend aisément pourquoi, il fait malgré tout mouche à tous les coups. Preuve que King peut écrire sur tout, avec simplicité et sait toujours susciter la plus vive émotion.
La seconde partie de cet ouvrage, plus longue, plus conséquente, une partie bien mieux construite que les brèves de sa mémoire, c'est Ecrire.
Je dois vous avouer qu'il m'est arrivé de suivre des soit-disants cours d'écriture. On vous fait faire tout un tas d'exercices, on vous offre des outils un brin mécaniques, on vous fait construire des choses, la plupart du temps sans tenir compte de vos goûts et de vos envies etc... J'aimerais rappeler aussi qu'aux Etats-Unis il existe des cours, un peu plus valables qu'ici d'ailleurs, pour devenir écrivain. Et oui, aux "states" si tu dis à un type je veux écrire on ne te rit pas au nez (comme en témoigne la multitude de journaux universitaires etc... et comme en témoigne aussi l'importance de l'écrit comme contre-pouvoir dans le système étasunien), en France, pays de l'esprit des lumières, pays créateur des premières sociétés des gens de lettres et des arts, les choses sont beaucoup plus difficiles et beaucoup plus cérébrales. Alors forcement on crée plein d'auteurs frustrés, la chose d'ailleurs est encore à imputer au "cérébral européen" qui a pour habitude de poser thème et sujet avant histoire et plaisir ! Et bien King, qui d'ailleurs donne encore des séminaires d'écritures comme beaucoup d'autres auteurs, a de quoi vous décomplexer, à de quoi vous donner envie, par le biais de la simplicité, il a ce don de vous poser les choses clairement. King aime l'écriture et il le montre.
Tout y passe, du lieu de travail propice à l'écrivain, de sa vie sociale (car il est difficile quand on est son propre patron de s'imposer des règles), jusqu'à tous ces petits trucs simples qui font que l'écriture devient comme une seconde respiration.
Je ne peux pas résumer tout le livre bien sûr qui, je vous l'avoue, est devenu pour moi une sorte de bible qui a balayé tout le reste et qui, après l'avoir lu, m'a fait encore plus aimer la littérature et ces bêtes étranges que sont les écrivains et plus particulièrement ceux de littérature populaire, "prolétaire" pour reprendre le bon mot de King.
Prolétaire (et je le répète ce n'est pas un gros mot) ça veut dire travailleur, et King est un bosseur, un sacré bosseur même. Mais qu'est-ce que ça veut dire travailler pour un écrivain comme King ? Et bien ça veut dire d'abord beaucoup lire et ensuite beaucoup écrire. Peu importe ce que tu produis, peu importe même ton vocabulaire du moment que c'est le tien, écrit. Fabuleux, génial, Stephen King détruit tous les blocages de ceux qui comme moi auraient abandonné tellement de projets en chemin parce qu'ils ne semblaient pas avoir de thèmes, de sujets. L'exemple le plus probant est encore une fois Shinning. L'auteur ne savait absolument pas, d'après lui, ce qu'il écrivait à ce moment là. Il couchait tous les jours des mots (plus de quinze pages par jour, mais King conseille six pour le débutant !) sur la page blanche. Le roman fini, King retourne à ses occupations extra-écriture, on l'imagine alors avec sa guitare, sa bouteille de Budweiser, oubliant son roman. Du moins c'est ce qu'il dit et c'est ce qu'il conseille. Puis six semaines plus tard relecture, et "Ouah, j'ai écrit un livre sur mon alcoolisme, ma peur de l'écriture etc...". Voilà qui fait réfléchir. King inverse la machine, l'écriture n'est plus une sorte de chose intellectuello-abstraite, elle devient une sensation physique, juste quelqu'un qui parle avec ses mots pour raconter une histoire quelle qu'elle soit. Tout devient plus simple avec King.
Alors bien sûr tous ceux qui ont lu ce précieux ouvrage ne vont pas devenir milliardaires en vendant du papier mais peut-être retrouveront-ils le goût de la lecture et peut-être même celui de l'écriture. Ce livre vaut toutes les leçons et autres cours que vous avez pris !
Je n'ai pas parlé de tout, car King donne aussi de vraies leçons de grammaire, de construction de phrases et de paragraphes avec plein d'exemples mais je me suis attardé plutôt sur cette formidable leçon d'espoir qu'il nous offre : l'écriture est à la porté de tous.
King nous fait pénétrer un monde qui peut paraître abstrait en nous rendant les choses plus simples et en nous donnant beaucoup d'espoir. Voilà un livre en fin de compte très intéressant et très sensible (sensible mais sans sensiblerie !), à la fois sincère et pudique, un livre que je conseille à tous et pas seulement aux fans de Stephen King, un livre pour tous ceux qui voudrait comprendre ces étranges bêtes que sont les écrivains. Etrange bête ? Oui mais vous verrez, si vous les aimez, ils vous le rendront bien, ils accompagneront votre quotidien, ils vous feront pleurer, rire, trembler et parfois leurs mots, leurs phrases, seront pour vous comme des slogans d'espoir et d'amour. Merci à eux tous !
Note : 9/10
Moyenne des votes : 9/10 (1 vote)
Cruisader