Cinderalla
Voici un bien étrange manga, avec son image de couverture rose bonbon, représentant une jeune fille dévorant une spécialité japonaise, en l'occurrence une brochette d'oisillons, tout en formes douces et arrondies... Comment en effet imaginer que derrière ceci se cache en réalité un brûlot contestataire qui frôle bien souvent des sommets malsains et immondes ?
Après Pure Trance, le second manga de la jeune Junko Mizuno est une sorte d'adaptation sous acide du conte bien connu des frères Grimm, Cendrillon. Il nous raconte l'histoire de la petite Cinderalla, qui travaille comme serveuse dans le restaurant de son père. A sa mort, elle décide de continuer à travailler avec lui, quand bien même il n'est plus qu'un zombie. Mais le voilà bientôt remarié avec une femme zombie. Et Cinderalla se verra donc contrainte de nourrir cette belle-mère boulimique et de supporter ces détestables belles-soeurs. Mais un jour elle rencontre le prince, un charmant chanteur revenu d'entre les morts...
Mizuno n'y va pas avec le dos de la cuiller et sème de détails macabres et morbides toute son histoire de "Cendrillon chez les morts vivants". Ainsi en plus des zombies dont regorge l'histoire, on a droit à des fées alcooliques, une cendrillon qui se promène à demi-nue, des gamins tarés obsédés par la dissection, un zombie dégoulinant aux yeux globuleux tient lieu de prince charmant, et ce n'est pas une sandale perdue qui sera récupérée par le prince, mais l'oeil de Cinderalla... Cependant malgré le coté décousu que peut avoir cette histoire un peu bizarre, la narration reste parfaitement maîtrisée. Et ce tout au long de l'histoire. Mizuno ne se perd jamais dans des délires sans buts et le tout reste très cohérent et logique.
Mais ce qui marque avant tout c'est le dessin.
C'est une sorte de mélange de kawaii grotesque et outrancier avec des éléments clairement gores et trash. Très maîtrisés, les dessins sont surtout formés d'une profusion de formes arrondies et molles, et coloriés de manière très psychédélique. On aurait néanmoins tord de réduire ça à un simple conte pour enfants dérangés, car derrière ce style particulier et l'histoire simple et directe se cache une véritable dénonciation de l'omniprésence de cette culture kawaii au japon. La culture kawaii, étendard d'une consommation de masse qui étouffe le japon, est ici parodiée et poussée à l'extrême. La profusion de formes et de couleurs finis par provoquer une sorte d'écoeurement et de malaise devant cette histoire. De plus, les formidables et hilarantes affiches publicitaires ventant les mérites des produits exposés dans le manga viennent enfoncer le clou et dénoncer cette société ou tout se vend.
Bref un très bon manga original et engagé, qui peut se lire à différents niveaux...
Note : -/10
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Maniak