Blue Heaven
Tome 1, 2 et 3

Le Blue Heaven est le plus luxueux bateau de croisière au monde, le plus grand paquebot que les mers aient encore jamais portées. Mais lors d'un de ses fameux voyages pour riches, le Blue Heaven va croiser sur sa route un navire à la dérive avec à son bord deux survivants. Ignorant les ordres du riche propriétaire du bateau qui veut les abandonner à leur triste sort, le commandant décide de sauver les deux hommes et de les embarquer en secret à bord du Blue Heaven.
Mais à son réveil, l'un des hommes, qui semble avoir miraculeusement survécu à un effroyable massacre, une tuerie affreuse qui a décimé l'ensemble de l'équipage, leur révèle que l'autre homme, Li Cheng Long est l'auteur de ce carnage, un démon prêt à tout pour accomplir sa mission. Il semblerait qu'un tueur sans scrupule et conditionné au meurtre rôde donc désormais sur le Blue Heaven, entraînant avec lui un passé trouble et d'étranges secrets et laissant derrière lui une traînée sanglante... Mais Li Cheng Long ne sera pas le seul tueur sur le navire. Quelques étranges passager VIP dont l'inquiétant et dément Garuf Junau vont se lancer à la poursuite de l'étranger et semer plus encore la panique sur le bateau en le mettant à feu et à sang, prêts à tout pour se débarrasser de l'individu. La guerre est déclarée au sein d'un huis-clos impressionnant et tous les coups, même les plus bas, seront permis pour se débarrasser des gêneurs...

Cette série en trois volumes parvient d'emblée à capturer l'attention du lecteur pour ne plus la lâcher. Encore une fois confronté à un huis clos (bien que l'espace soit ici un tout petit peu plus grand que dans la minuscule cellule de "Alive", un one-shot du même auteur), l'ambiance monte crescendo autour de la personnalité ambiguë de Li Cheng Long. On ne sait trop que penser de ce personnage et l'intrigue va s'installer peu à peu autour de différents protagonistes plus étranges ou attachants les uns que les autres. Entre le jeune flic idéaliste, l'hôtesse rêveuse et le richissime milliardaire défiguré, à l'apparence d'un monstre, entouré de son fils psychopathe et de ses petits enfants tous droits sortis de la famille Adams ou d'un film d'horreur, on a de quoi envisager les scénarii les plus fous !
Une fois encore, Tsutomu Takahashi s'intéresse de près à la psychologie de ses personnages et dépeint avec un cynisme bien distillé certains traits propres à nos sociétés et notamment aux civilisations japonaises et chinoises (car on entre ici dès le début dans une sorte de rivalité sino-nippone qui va ensuite s'orienter vers une rivalité interraciale beaucoup plus étendue). Je pense notamment à l'épisode de ce couple japonais qui va se marier sur le navire, ridicule à souhait par leur lourdeur, leur maladresse et leur côté "beauf" mais qui au final humilient totalement ceux qui se sont moqué d'eux et notamment la jeune hôtesse qui ne peut même pas prétendre à mieux. Mais c'est surtout sur la haine et la peur de l'autre que va reposer l'intrigue de Blue Heaven. Plus la psychose va s'installer sur le navire, plus les haines vont s'attiser, faisant remonter les instincts les plus primaires. Le terroriste est asiatique ? Et bien enfermons et supprimons un à un tous les asiatiques du bateau, même femmes et enfants, le tueur sera forcément parmi eux. Il faut bien sauver sa peau avant de penser à l'autre...
Quand sa propre vie est en jeu, plus question d'humanité. Belle mentalité ! Et belle analyse des peurs primaires et ridicules qui forment nos sociétés. Comme le dit Li Cheng Long, "ce navire est l'image même de notre monde".Un microcosme stigmatisant les haines raciales engendrées par la peur. Un monde de haine, de peur de l'autre et d'individualité où la violence règne en maître. Et finalement, Li Cheng Long est peut-être plus victime que bourreau, même s'il est coupable de meurtres de sang-froid, à côté de la folie dévastatrice des Junau...
Blue Heaven est donc une excellente série, courte et efficace, qui nous donne une vision glaciale de l'être humain. Sans faire intervenir le fantastique, l'action ne faiblit jamais et nous offre un spectacle triste, violent et finalement assez profond. Quand au dessin, il est à l'image de l'intrigue, froid, dynamique, sans concession, torturé et travaillé. De superbes grandes planches ponctuent régulièrement les trois volumes et nous permettent d'appréhender tout le talent de leur auteur. En plus d'être très prenant, Blue Heaven est en plus visuellement superbe !
Tsutomu Takahashi se pose ainsi comme un auteur très talentueux à la vision infiniment sombre et réaliste. Plonger dans ses histoires, c'est sombrer dans les tourments de l'âme humaine et l'on ne ressort pas forcément indemne de tant de haine et d'imbécillité. Une très bonne série qui plaira sans doute autant aux amateurs de fantastique et d'horreur qu'aux amateurs de thriller et de réalisme.

Note : 8/10
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Chaperon Rouge



A propos de cette bd :

- Le troisième tome nous propose à la fin de Blue Heaven deux nouvelles, "69 six nine" et "Route 69 six nine" ; deux nouvelles intéressantes et une fois encore assez glauques sur des jeunes paumés.

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